16ème législature

Question N° 9967
de M. Arnaud Le Gall (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Évocation des droits humains et libertés publiques avec M. Narendra Modi

Question publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6336
Réponse publiée au JO le : 19/09/2023 page : 8321

Texte de la question

M. Arnaud Le Gall appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'invitation qui a été faite à M. Narendra Modi, Premier ministre de l'Union indienne, d'être l'invité d'honneur des célébrations du 14 juillet, au cours desquelles les discussions commerciales et stratégiques occuperont la première place. M. Modi est un dirigeant démocratiquement élu dans le cadre d'élections ouvertes et compétitives, dont les résultats sont reconnus par tous. Toutefois, au-delà de ce bon fonctionnement électoral, depuis qu'il a été élu à la tête du pays en 2014, M. Modi enfonce son pays dans l'autoritarisme identitaire. Sa mise en œuvre d'un régime hindouiste favorisant les seuls hindous aux dépens des minorités chrétiennes et musulmanes, entraîne la multiplication des violences ethnoreligieuses, notamment des ratonnades menées par des milices assurées de leur impunité quand bien même ces actes entraînent la mort arbitraire de citoyens indiens dont le seul tort est de ne pas pratiquer la religion considérée comme majoritaire. Se rendre coupable de tels actes est même à présent valorisé comme gage d'avancement politique. Or la Constitution de l'Union indienne dispose du sécularisme de l'État, c'est-à-dire son égale bienveillance envers toutes les religions et sa neutralité institutionnelle dans la gestion des affaires religieuses. L'ethnicisation du politique s'accompagne d'une brutalisation des institutions démocratiques d'une part et d'une criminalisation des opposants d'autre part. Le dernier avatar à cet égard a été la condamnation à deux ans de prison ferme de Rahul Gandhi, député et leader du parti du Congrès, au motif de diffamation de la personne du Premier ministre. Cette peine entraînant l'inéligibilité, elle empêchera M. Gandhi de prendre part aux élections générales de 2024 alors qu'il est le principal opposant de M. Modi. Cette situation générale a valu à New Delhi d'être rétrogradée par l'institut suédois « V-Dem » qui considère à présent l'Inde comme « démocratie partiellement libre ». Par ailleurs, la mise en place d'un régime ethnicisé et autoritaire en Asie du sud, en lieu et place de la seule démocratie dans la région, menacerait de déstabiliser encore plus avant une zone dont l'équilibre sécuritaire est déjà très volatile. Que l'on songe par exemple à la proximité de l'Afghanistan, gouverné par un régime Taliban ; du Pakistan, dont les institutions sont phagocytées par l'armée ; des Maldives, au prorata premier contingent au monde de combattants ayant rejoint l'Organisation de l'État islamique. Il n'est pas ici question de remettre en cause le fait que la France entretienne des relations officielles avec l'Inde. L'entrée par la seule caractéristique des régimes ne saurait en effet être une dimension suffisante pour informer la diplomatie, qu'elle soit nationale ou européenne. La catégorisation par « régime » est d'autant plus fallacieuse que se multiplient les cas d'États dont le fonctionnement mêle institutions libérales et pratique autoritaire du pouvoir. En outre, à l'heure où l'humanité doit faire face à des défis communs, au premier rang desquels le dérèglement climatique, refuser de travailler avec un maximum d'États sur la scène internationale serait une faute. Enfin, la doctrine et la pratique historique par l'Union indienne d'une politique étrangère dite « non alignée » en fait un partenaire de premier plan pour un pays qui, à l'instar de la France, doit également jouer la carte du non-alignement entre les alliances plus ou moins militarisées en plein reconfiguration dans le présent contexte de fragmentation de la mondialisation. Pour autant, on ne peut que déplorer la valorisation de sa personne et par conséquent la légitimation de sa politique, qu'offre à M. Modi l'invitation officielle du Président de la République au défilé militaire du 14 juillet. La politique de M. Modi est aux antipodes des principes de « Liberté, Egalité, Fraternité », sans lesquels la célébration de la fête nationale française ne peut qu'être vidée de son sens républicain. De même, il est problématique que, questionné sur le bafouement des libertés publiques en Inde au retour de la mission parlementaire, le président de la commission des affaires étrangères, membre de la majorité, réponde, à des arguments étayés par des données, qu'il ne s'agit là que « d'appréciations personnelles » tant l'Inde est « une démocratie modèle si on la compare à la Russie, à la Chine et à de nombreux pays d'Afrique ». Le nivellement par le bas ne saurait en aucun cas être une grille d'analyse pertinente. Par conséquent, il s'interroge sur la place accordée aux questions relatives aux droits humains dans les échanges commerciaux qu'entretiennent Paris et New Delhi.

Texte de la réponse

L'Inde et la France entretiennent de longue date un partenariat très étroit, dont la France est fière et que la visite de M. Narendra Modi, ami de la France, a mis à l'honneur. Depuis 1998 nos deux pays sont liés par un partenariat stratégique qui s'est renforcé quelles que soient les majorités gouvernementales de part et d'autre. L'objectif était de fixer le cap de notre relation bilatérale pour les 25 années à venir et d'élargir notre partenariat à des champs de notre relation bilatérale appelés à se renforcer. Il a été pleinement rempli, dans tous les domaines. C'est le cas notamment des enjeux globaux avec l'engagement en faveur de l'adoption d'un traité international pour mettre fin à la pollution plastique, la signature d'une lettre d'intention dans le domaine de la santé et de la médecine ou encore le lancement d'un partenariat sur la recherche océanique. Avec l'Inde, comme avec tous nos partenaires de confiance, aucun sujet n'est mis de côté lors des échanges réguliers, entretenus à tous les niveaux administratifs et politiques. Nous évoquons donc fréquemment l'évolution de la situation politique dans nos deux pays. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les contacts constants que nous entretenons avec l'ensemble de la classe politique indienne et avec la société civile dans son ensemble mais aussi sur nos échanges avec les ONG. Nous entretenons par ailleurs des partenariats étroits avec des ONG en Inde sur des sujets comme l'éducation, la liberté de la presse et l'égalité femmes-hommes. Renforcer les échanges humains entre nos deux pays est en effet essentiel pour que les idées circulent.