Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Dominique Potier interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la suppression de postes contractuels au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le gouvernement démissionnaire a pris la décision, le 30 juillet 2024, de prendre des orientations budgétaires qui auront un impact conséquent sur la protection judiciaire de la jeunesse. En effet, c'est une économie de 1,6 à 1,8 million d'euros qui sera imputée sur le budget de recrutement des agents contractuels, pour chaque direction interrégionale. 480 postes sont actuellement menacés en France et les remplacements d'arrêts maladies ne seront pas assurés. Ce plan social, qui ne respecte pas les délais de prévenance, entre en totale contradiction avec la volonté gouvernementale d'empêcher la délinquance juvénile et sa récidive. Les actrices et acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont clairs : l'éducation doit primer sur la répression et pour cela, aucune économie ne doit être réalisée sur les moyens humains. Depuis février 2024, la PJJ souffre d'une coupe budgétaire sur l'immobilier qui alerte les syndicats. Cette diminution de moyens a avorté le projet d'ouverture de vingt centres éducatifs fermés (CEF), qui accueillent des mineurs délinquants (crimes ou délits) multirécidivistes de 13 à 18 ans en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve, ou de l'aménagement d'une peine d'incarcération. Ce dispositif éducatif est une alternative à la détention. Cette situation appelle à davantage de mesures répressives qu'éducatives. Les missions d'insertion sont également en péril, avec la fermeture des restaurants d'application et des suppressions de postes d'éducateurs. Le relai est désormais assuré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) et non plus par la PJJ. Ces conditions financières et humaines, associées à l'explosion du nombre de prises en charge, ne peuvent permettre une prise une charge éducative, axée sur la réinsertion des jeunes délinquants. Une enquête de l'Inspection générale de la justice est en cours auprès de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur la transparence des budgets et la gestion financière de l'institution. Il lui demande l'annulation des suppressions de postes de contractuels au sein de l'institution et une transparence sur les économies réalisées par le ministère de la justice sur la protection de l'enfance.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

S'agissant en premier lieu de la situation de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le ministère de la Justice a pleinement conscience du caractère fondamental des missions de la PJJ. Si la situation financière du ministère de la Justice a, cet été, donné lieu à des reports de renouvellement de contrats à la PJJ (environ 240), le « dégel » de trois millions d'euros intervenu début août a d'ores et déjà permis à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de s'engager à ce que l'ensemble des contrats non renouvelés au 1er septembre le soient au 15 octobre. En outre, à la suite de la remise du rapport de la mission d'évaluation du pilotage des effectifs contractuels et de la masse salariale de la PJJ, demandé par le précédent garde des Sceaux à l'inspection générale de la Justice (IGJ), le ministère de la Justice, après avoir reçu les organisations syndicales, a mandaté la DPJJ pour établir un plan d'action en concertation étroite avec les organisations syndicales, d'ici la fin de l'année. Il devrait pouvoir être mis en œuvre dès le début de l'année 2025. En second lieu, concernant ses missions, il convient de rappeler que la protection judiciaire de la jeunesse est chargée de mettre en œuvre les décisions judiciaires, de protéger, de garantir l'insertion sociale, scolaire et professionnelle des mineurs et de lutter contre la récidive. Les professionnels de la PJJ interviennent ainsi à toutes les étapes de la procédure et de l'accompagnement éducatif des jeunes confiés. Afin de renforcer les dispositifs de prise en charge et de prévenir la délinquance des mineurs, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'est dotée de plusieurs plans visant notamment à améliorer l'offre éducative de ses dispositifs d'insertion et de placement judiciaire. Ainsi des moyens supplémentaires ont été déployés afin de soutenir et d'accompagner les jeunes suivis dans leur parcours scolaire et professionnel. Pour illustration, le plan ambitieux « Pour une PJJ promotrice d‘insertion scolaire et professionnelle (2023-2027) » prévoit de rééquilibrer l'offre d'insertion avec l'ouverture de 27 nouvelles unités dédiées à l'accueil des publics sur cinq ans, dont 12 ont d'ores et déjà été créées en 2023 et 2024. Ces créations ont pour but de couvrir les besoins sur les territoires dépourvus de ressources ; elles sont également complétées par la mobilisation de moyens relevant du secteur associatif habilité, des associations conventionnées et des partenaires de l'insertion. L'un des objectifs de ce plan est également de renforcer les compétences des professionnels dans la construction des parcours d'insertion. A cet effet, 92 postes de "correspondants insertion" ont été créés dans l'ensemble des services territoriaux de milieu ouvert avec un objectif de 130 professionnels à terme. Par ailleurs, la PJJ articule son intervention avec l'ensemble des acteurs et des politiques publiques afférentes pour permettre aux jeunes de respecter leurs obligations d'instruction et de formation. A ce titre, elle entretient un partenariat avec l'Education nationale visant à former les coopérations nécessaires au maintien, à l'intégration ou au retour du public suivi vers les dispositifs de scolarité (scolarité classique, dispositifs relais et internats scolaires). Celui-ci prend appui sur la circulaire conjointe DGESCO/DPJJ du 19 février 2021 visant à ga­rantir une plus grande continuité et cohérence des parcours scolaires des jeunes sous protection judiciaire et se traduit notamment par la participation de la PJJ aux dispositifs relais qui met à disposition 69 emplois au sein de ces établissements scolaires. Enfin, la protection judiciaire de la jeunesse est active auprès des autres partenaires emblématiques de l'insertion : elle a contribué au renouvellement de l'accord cadre du ministère de la Justice avec la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) et l'union nationale des missions locales (UNML) pour la période 2024/2025. Elle s'est inscrite dans la rédaction de la feuille de route 2024/2025 de l'obligation de formation portée par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP) et participe au déploiement du volet « jeunes en rupture » du contrat engagement jeune (CEJ) porté par le ministère du travail. Par ailleurs, la DPJJ, soucieuse de renforcer son dispositif de placement judiciaire, a également élaboré un Plan national Placement judiciaire (2023-2027) qui s'est traduit par la création en 2023, de 20 postes de conseillers techniques en charge du placement judiciaire (CT Placement). Ces créations de postes ont pour objectif de consolider le pilotage du dispositif de placement et d‘améliorer les prises en charge éducatives et l'orientation des jeunes à l'issue de leur placement. Enfin, sur les actions de prévention et les nouvelles mesures permettant de répondre plus efficacement à la violence juvénile, la mesure d'intérêt éducatif, instaurée par la circulaire du 30 avril 2024, s'adresse aux mineurs de 13 à 16 ans sans antécédent judiciaire et qui sont poursuivis dans le cadre d'une atteinte aux biens de faible intensité. Elle comprend une activité réparatrice en lien avec l'infraction commise, une action de réflexion sur le vivre ensemble et une action de soutien pédagogique et éducatif, planifiée avec l'établissement scolaire du mineur. De manière opérationnelle au niveau des territoires, les services déconcentrés participent également aux instances de prévention de la délinquance (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance - CLSPD ; groupes locaux de traitement de la délinquance - GLTD ; cellules de veille issues des CLSPD sur le traitement de la délinquance des mineurs, etc.). La participation de la PJJ à l'élaboration d'une stratégie territoriale de prévention de la délinquance permet par ailleurs, dans certains cas, une prise en charge précoce des jeunes en situation de risques, en travaillant notamment avec la protection de l'enfance. La protection judiciaire de la jeunesse conduit aussi des actions éducatives collectives ou individuelles auprès des mineurs autour des phénomènes de violences de façon générale, des violences urbaines et de celles liées aux rixes dans le cadre de mesures éducatives ou de peines telles que les stages de citoyenneté, de formation civique, mesures de réparation, travail non rémunéré. En conclusion, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a renforcé ses différents dispositifs, tant en termes de moyens qu'en termes de réponses éducatives afin de développer l'offre faite aux magistrats et de répondre aux impératifs liés à la prévention de la délinquance et de la récidive. Le contenu éducatif a également été rénové afin de mieux évaluer les situations de chaque jeune confié et de construire un accompagnement éducatif adapté à chacune des problématiques.

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions judiciaires et juridiques

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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