Suppression massive d'emplois à la protection judiciaire de la jeunesse
Question de :
M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Édouard Bénard interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) impactée par un plan d'attrition majeur organisé au cœur de la période estivale. Le 31 juillet 2024 la direction nationale de la PJJ (DNPJJ) a annoncé aux organisations syndicales représentatives des personnels d'importantes restrictions budgétaires sur la masse salariale de la PJJ conduisant au non renouvellement de 500 contrats d'agents arrivant à terme, soit l'équivalent de 5 % des effectifs sur un total de 9 300 agents. Des suppressions d'emplois facilitées par le recours de plus en plus systématisé à l'embauche de contractuels (2 300 postes avant la trêve estivale) en lieu et place d'emplois titulaires de la fonction publique, y compris pour des postes à responsabilités autrefois épargnés, tels que des emplois de direction. Cette baisse de la masse salariale fait déjà suite à une coupe de 25 % des crédits alloués au fonctionnement des services en début d'année 2024. Une première coupe budgétaire qui a eu pour conséquence directe de réduire les actions éducatives de la PJJ. Les organisations syndicales dénoncent une « clochardisation » rampante de la PJJ de plus en plus privée de moyens alors que dans le même temps, les ASE surnagent péniblement ainsi que les associations en charge de la prévention spécialisée. La dégradation des conditions de travail ainsi que les éloignements hors département d'origine imposés aux agents par les services ressources humaines génèrent, selon ses mêmes organisations syndicales, un turn-over important au sein des services de la PJJ. Le suivi éducatif des mineurs est complexifié avec des changements incessants d'éducateurs pour les enfants. La réduction des moyens humains retarde dramatiquement les délais de prises en charge des mineurs concernés, notamment ceux faisant l'objet d'une mesure pénale augmentant les risques de récidives. De même, cette réduction des moyens humains retarde la réalisation des mesures judiciaires d'investigation éducatives (MJIEs) demandées par les magistrats notamment, dans le cadre de suspicions de situation de maltraitances ou laisse encore, sans véritable solution de prise en charge, les mineurs revenant de zones de conflits ou victimes de prostitution. La priorité accordée aux financement des dispositifs les plus coercitifs (Centre éducatifs fermés, quartier carcéral pour mineurs...) se fait au détriment des structures en milieux ouverts. Les conséquences se mesurent très concrètement dans les services de la PJJ de Seine-Maritime et du département de l'Eure. Ainsi, trois éducateurs manquent depuis septembre 2024 à l'établissement de placement éducatif (EPE) d'Évreux, deux éducatrices contractuelles non renouvelées au service territorial éducatif en milieu ouvert (STEMO) au Havre alors que 100 jeunes avec un dossier pénal ne sont toujours pas pris en charge par la PJJ. L'unité éducative d'hébergement collectif de Rouen (UEHC) a perdu une agente qui devait passer en contrat à durée indéterminé après cinq années de service, l'unité éducative de milieu ouvert (UEMO) Rouen Sud est également privée d'un assistant social pour mener les MJIEs demandées par les magistrats. Concernant le STEMO d'Évreux celui-ci ne peut engager de directeur de service contractuel pour cette raison. L'UEMO du Val-de-Reuil, déjà dépourvue d'un poste de psychologue, en est réduite à fonctionner avec trois éducateurs et une assistante de service social, deux agents contractuels ne pouvant être recrutés, L'UEMO de Dieppe est pour sa part, privée de son adjointe administrative qui venait de signer son contrat en juillet 2024, l'administration demandant à l'équipe éducative d'assurer les missions de secrétariat en plus de leur travail habituel. Après les premières mobilisations des agents de la PJJ au mois d'août 2024, le ministère de la justice démissionnaire a annoncé le déblocage de 3 millions d'euros de sa réserve budgétaire pour la PJJ sans que les agents aient néanmoins l'assurance que ces crédits seraient affectés aux dépenses de personnel. Le durcissement continu de la législation relative aux infractions pénales commises par les mineurs ainsi que le recours accru aux mesures d'enfermement n'ont pas démontré leur efficacité pour lutter efficacement contre la délinquance et la récidive des mineurs. Pour M. le député il convient de renforcer les moyens consacrés à la PJJ, notamment en direction des actions éducatives afin d'améliorer la qualité de la prise en charge ainsi que le suivi des mineurs concernés afin d'éviter la récidive. Aussi, il lui demande quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend prendre pour renforcer l'action des services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Auteur : M. Édouard Bénard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 15 octobre 2024