Pension agricole incomplète pour défaut de cotisation comme chef d'exploitation
Question de :
Mme Françoise Buffet
Bas-Rhin (4e circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Françoise Buffet attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la situation que connaissent certains non-salariés agricoles (NSA) lorsqu'ils liquident leurs droits à la retraite mais qu'ils n'ont pas été en capacité de réunir l'ensemble des trimestres nécessaires à une carrière complète de chef d'exploitation, parce qu'un autre chef d'exploitation agricole était en place sur une partie de celle-ci. Mme la députée a pu rencontrer un agriculteur qui illustre cette situation : il a cotisé 18 années en tant qu'aidant familial, puisque son père était chef d'exploitation et que la surface ne permettait pas d'avoir deux chefs d'exploitation, puis a cotisé 25 années en tant que chef d'exploitation une fois son père parti à la retraite. La revalorisation de la retraite à 85 % du SMIC net n'est alors opérée qu'au prorata des années cotisées en tant que chef d'exploitation, ce qui représente un manque à gagner important, alors même qu'il aurait été matériellement impossible pour l'agriculteur de cotiser en tant que chef d'exploitation, même s'il l'avait souhaité. Selon les chiffres de la mutualité sociale agricole (MSA), le nombre de pensionnés NSA s'élève à 1 211 645 au 31 décembre 2021. Parmi ceux-ci, 567 206 ont le statut d'ancien chef d'exploitation agricole (46,8 %). La pension moyenne annualisée brute hors RCO de ces anciens chefs d'exploitation est de 6 381 euros (soit 532 euros mensuels). Cependant, parmi les anciens chefs d'exploitation agricole, seulement 227 154 ont cotisé plus de 150 trimestres (soit 40,0 %). Pour ceux-là, la pension moyenne annualisée brute hors RCO est de 9 453 euros (soit 787 euros mensuels). Il est difficile de savoir pour quelles raisons certains chefs d'exploitation ont cotisé moins longtemps que d'autres, mais l'impossibilité d'être chef d'exploitation dans une petite structure est une de ces raisons. L'exercice d'autres activités est cependant également une raison (92 % des bénéficiaires sont en effet polypensionnés). Dans ces conditions, elle souhaite connaître, d'une part, le nombre de retraités agricoles concernés par ces retraites incomplètes et subies et, d'autre part, les mesures envisageables pour corriger cette difficulté et qui pourraient notamment s'intégrer dans la refonte des retraites agricoles prévue afin qu'elles se fondent sur les vingt-cinq meilleures années.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
Le Gouvernement est particulièrement conscient des difficultés liées aux montants de pensions de retraite des agriculteurs. Le niveau modeste des revenus agricoles, qui se répercute sur le niveau des pensions d'une part, ainsi que la mise en place encore relativement récente du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) d'autre part, sont autant de causes de cette situation. La loi du 3 juillet 2020 a permis de porter de 75 % à 85 % du salaire minimum de croissance (SMIC) net, via le complément différentiel (CD) de points gratuits de RCO, le minimum brut de pension de retraite des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, à titre exclusif ou principal, ayant accompli une carrière complète en cette qualité. Seules les carrières complètes en tant que chef d'exploitation permettent donc d'atteindre une pension de retraite agricole équivalente à 85 % du SMIC net agricole. En cas de carrière incomplète, le CD de RCO est calculé au prorata de la durée d'assurance validée en cette qualité de chef. Les périodes d'assurance validées dans le régime des non-salariés agricoles en qualité de conjoint participant aux travaux, de collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole ou d'aide familial ne sont pas revalorisées au titre du CD de RCO. En effet, l'effort contributif -c'est-à-dire les cotisations sociales acquittées au titre de la RCO correspondant à ces périodes est beaucoup moins important que celui correspondant à des périodes cotisées en qualité de chef d'exploitation. Néanmoins, la loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles a récemment constitué une nouvelle avancée en ciblant l'ensemble des statuts de non-salariés agricoles et notamment les anciens conjoints participant aux travaux, les collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole et les aides familiaux. Cette loi a ainsi prévu l'alignement de la pension majorée de référence (PMR), correspondant au minimum de retraite de base non-salarié agricole (pensions de droit propre et de réversion), des trois statuts précités sur celle des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole. Enfin, l'article 18 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a prévu, à compter du 1er septembre 2023, pour les personnes dont la pension de retraite a pris effet à compter de 1997, un assouplissement des conditions d'ouverture du droit au dispositif de points gratuits de RCO, en remplaçant la condition de justifier du nombre de trimestres requis pour l'obtention du taux plein par la condition de justifier d'une pension à taux plein quelle qu'en soit la raison. Cette mesure permet notamment à des populations fragilisées par le handicap ou l'inaptitude, qui bénéficient du taux plein sans justifier de la durée d'assurance requise pour leur génération, ou aux personnes ayant atteint l'âge du taux plein (67 ans) sans pour autant disposer de cette durée d'assurance, parmi lesquelles de nombreuses femmes ayant eu des carrières « hachées », d'accéder aux dispositifs de revalorisation des retraites agricoles mis en place dans le cadre de la RCO. Enfin, la loi n° 2023-87 du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des 25 années d'assurance les plus avantageuses a prévu la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, transmis le 30 janvier 2024. Des travaux complémentaires ont été menés en vue de respecter l'esprit de la loi précitée et d'assurer l'amélioration concrète des pensions des non-salariés agricoles dès le 1er janvier 2026. Une réforme visant à faire converger le mode de calcul des pensions de base des non-salariés agricoles sur le régime général est inscrite à l'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et s'appliquera aux assurés partant en retraite à compter du 1erjanvier 2026. Elle consiste à calculer à terme la pension de base sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, en prenant en compte l'ensemble des régimes d'affiliation, ce qui permettra notamment aux poly-pensionnés de bénéficier dès 2026 d'une augmentation de leur pension de retraite pour leur partie de carrière effectuée comme salarié, agricole ou non, ou bien comme indépendant non-agricole. Les mono-pensionnés au régime des non-salariés agricoles verront également une amélioration dès 2026 pour leur partie de carrière avant 2016. En outre, la réforme prévoit de relever le plafond d'écrêtement tous régimes de la PMR au niveau de celui du MiCo (minimum contributif) pour les pensions prenant effet à partir du 1er janvier 2026. Le bénéfice de la PMR et du CD de RCO sera également étendu aux non-salariés agricoles exerçant cette activité à titre secondaire pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026 et pour les périodes postérieures à cette date. Cette réforme s'appliquera aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026, mais sera pleinement opérationnelle en 2028, à la suite de travaux d'adaptation du système informatique de la mutualité sociale agricole (MSA). Les pensions prenant effet en 2026 et 2027 feront donc l'objet d'une seconde liquidation en 2028 si le nouveau calcul est plus favorable à l'assuré.
Auteur : Mme Françoise Buffet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Retraites : régime agricole
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024