Alerte sur les conséquences de la nouvelle organisation des soins en orthophonie
Question de :
M. Emmanuel Fernandes
Bas-Rhin (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Emmanuel Fernandes alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées sur l'annonce de la réorganisation pour les patients suivis conjointement par un orthophoniste en cabinet libéral et une structure de soins publique ou médico-sociale (centres médico-psychologiques, SESSAD, IME, CAMSP etc.). Cette mesure semble imposer la mise en place de conventions entre ces deux modes d'exercice. Malheureusement, cette mise en place est chaotique et est aujourd'hui source d'une confusion généralisée et d'une rupture de l'accès aux soins pour de nombreux enfants. Concrètement, cette mesure met les orthophonistes libéraux dans une situation impossible, les exposant à des sanctions et au remboursement de séances en cas de non-conformité à des règles qui ne sont ni claires, ni stabilisées. La raison provient d'un flou administratif et juridique absolu. Ni les orthophonistes libéraux, ni les établissements hospitaliers, ni même les médecins prescripteurs au sein des structures médico-sociales ne semblent avoir reçu d'instructions claires et officielles sur comment s'organiser. Les informations qui circulent, émanant de manière partielle des Caisses primaires d'assurance maladie ou des Agences régionales de santé, semblent contradictoires et incomplètes. Cette absence de clarté plonge l'ensemble des acteurs dans une situation intenable. Les secrétariats des structures médico-sociales sont saturés d'appels de familles angoissées et ils ne peuvent apporter de réponses aux familles. Les pédopsychiatres ne savent plus comment orienter leurs patients. En conséquence, de nombreux professionnels, par crainte, sont contraints de suspendre ou de refuser des prises en charge, laissant des familles sans aucune solution. Il ne s'agit pas ici d'un simple désagrément administratif, mais d'enfants porteurs de troubles du spectre de l'autisme, de troubles anxieux, de TDAH ou de troubles sévères du langage qui se retrouvent privés de soins. Les témoignages qui parviennent à M. le député sont déchirants. Comment expliquer à la mère du petit Jules, 3 ans, en cours de diagnostic d'autisme, qu'elle doit choisir entre le suivi au CAMSP, indispensable pour la reconnaissance du handicap ainsi qu'une future orientation scolaire et les deux séances hebdomadaires en libéral qui sont sa seule porte d'entrée vers le langage ? Comment justifier l'arrêt d'une prise en charge pour Lucie, suivie depuis sept ans pour un polyhandicap, dont la communication par pictogrammes dépend entièrement de son orthophoniste, alors qu'elle est en attente d'une place en IME depuis plus de cinq ans ? Cette situation illustre ce que les professionnels expliquent unanimement : la complémentarité d'un suivi en centre médico-social et d'une rééducation en cabinet libéral est indispensable. La structure assure une prise en charge globale et coordonne le parcours. L'orthophoniste libéral apporte un soin technique, intensif et spécifique que les structures publiques, faute de moyens, ne peuvent souvent pas proposer. Or la mesure actuelle vise à forcer un choix entre ces deux modalités, rendant la synergie et leur articulation quasi-impossible. Cette vision, qui est évidemment purement budgétaire, dégrade volontairement la qualité de prise en charge offerte aux patients. Proposer une telle solution, c'est ignorer l'état de tension extrême des hôpitaux, des CMP et autres structures médico-sociales. Leurs budgets sont exsangues, les orthophonistes salariés y sont en nombre très insuffisant et ne pourront, en aucun cas, absorber le flux de patients privés de leur suivi en libéral. La conséquence de cette décision du ministère est une absurdité économique : des établissements se voient contraints de financer sur leurs propres budgets, déjà insuffisants, les interventions des libéraux, alors que ces fonds devraient servir à recruter du personnel. Au-delà du chaos organisationnel, c'est un sentiment de désespoir et d'épuisement qui gagne les orthophonistes. Ces professionnels, passionnés par leur métier, voient leur vocation sapée par une logique administrative qui les force à abandonner leurs patients les plus fragiles et à défaire des années de travail thérapeutique. Aussi, au vu de l'urgence et de la détresse humaine engendrée par cette mesure, il lui demande de mettre en place un moratoire immédiat suivi de l'ouverture d'une concertation avec l'ensemble des professionnels et syndicats concernés.
Auteur : M. Emmanuel Fernandes
Type de question : Question écrite
Rubrique : Assurance maladie maternité
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités, familles, autonomie et personnes handicapées
Ministère répondant : Santé, familles, autonomie et personnes handicapées
Date :
Question publiée le 14 octobre 2025