Lutte contre la fraude fiscale
Question de :
Mme Gabrielle Cathala
Val-d'Oise (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Gabrielle Cathala interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et énergétique sur les outils numériques employés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans sa lutte contre la fraude fiscale. Cette dernière passe notamment par l'exploitation des données d'autres agences publiques, au premier rang desquelles la Caisse d'allocations familiales (CAF). Or cette méthode contient deux biais majeurs. D'une part, le rapport d'information du Sénat n° 485 (mars 2024) indique qu'à la CAF, le recours aux algorithmes, tels qu'ils sont programmés, aboutit à cibler en priorité les foyers monoparentaux, le plus souvent des mères élevant seules leurs enfants. Pourtant, les familles monoparentales ne fraudent pas davantage que d'autres foyers. Rien ne justifie donc cette attention particulière portée sur elles, mais l'algorithme utilisé associe mécaniquement signes de précarité et risques de flux administratifs anormaux. Le déséquilibre est manifeste et même assumé dans la manière dont le système cible ces profils précaires. Cette pratique ne se limite pas à la CAF. Elle est à l'œuvre également à la DGFiP avec le dispositif « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFVR) ». D'autre part, les outils numériques développés pour lutter contre la fraude fiscale laissent dans l'angle mort les ultra-riches alors même qu'ils sont les plus enclins à la fraude. L'existence de montages opaques (offshore, trusts, sociétés écrans) empêche l'accès aux données, un privilège rare qui confère une forme d'impunité fiscale face aux outils numériques. Au-delà de cette opacité, cette fraction de la population dispose d'un avantage bien plus redoutable : l'accès à des conseils de haut niveau, à une connaissance fine des contrôles, à des avocats fiscalistes ou encore à des « family offices ». Ces conseillers privés, souvent mieux formés que les inspecteurs publics, connaissent parfaitement les seuils de déclenchement des contrôles, les règles de redressement et les failles dans les grands algorithmes. Ils offrent dès lors à leurs clients une véritable invisibilité face aux radars classiques. Certes, le budget de la DGFiP a augmenté dans ce domaine tandis que les contrôles automatisés de la CAF s'améliorent. Pour autant, l'opacité du 1 % le mieux protégé demeure car les techniques de dissimulation évoluent plus rapidement que les technologies classiques utilisées par l'administration. En définitive, les biais des algorithmes mis en œuvre pour lutter contre la fraude fiscale produisent donc de la discrimination sociale et altèrent l'efficacité du dispositif. Ceci n'est pas une fatalité. Derrière l'apparente neutralité informatique, ce sont en réalité des arbitrages politiques qui amènent à traquer la fraude chez les plus vulnérables plutôt que chez les plus aisés du pays. Il est en effet tout à fait possible d'inverser les biais susmentionnés et de réintroduire des indicateurs d'équité. Pour ce faire, Mme la députée propose deux solutions. Premièrement, il est indispensable d'augmenter les dotations humaines et matérielles des organismes non automatisés les plus efficaces en matière de chasse à l'évasion fiscale, à l'instar de Tracfin. Deuxièmement, il existe un moyen efficace de décupler l'observation, la compréhension et l'interception des schémas complexes développés par les ultra-riches : une intelligence artificielle utilisée à bon escient et répondant à toutes les règles en matière de protection des données notamment. Aussi, elle lui demande ce qu'il compte apporter comme solution pour en finir avec la discrimination et l'inefficacité engendrée par le système actuel.
Auteur : Mme Gabrielle Cathala
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et énergétique
Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique
Date :
Question publiée le 14 octobre 2025