Protection des troupeaux face aux attaques des loups
Question de :
Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Géraldine Grangier alerte Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la recrudescence des attaques de loups sur les troupeaux dans de nombreuses régions de France et particulièrement dans le Doubs. Les agriculteurs, éleveurs de bovins et autres espèces, se retrouvent dans une situation désespérée, incapables de protéger leurs troupeaux efficacement et devant faire face aux coûts croissants des attaques. Malgré les efforts du plan loup (2024-2029), les éleveurs dénoncent des lacunes importantes, notamment sur les critères de tir dans les parcelles voisines et sur la lourdeur administrative liée au remboursement des frais d'équarrissage, qui ne sont que partiellement ou très lentement pris en charge. Problème de la régulation des loups dans les parcelles voisines : une urgence pour les bovins. Le loup, protégé par la directive Habitats de l'Union européenne, a vu sa population considérablement augmenter en France ces dernières années. Si sa présence dans notre écosystème est certes un signe de santé écologique, il n'en demeure pas moins que cette prolifération pose des problèmes majeurs pour les éleveurs, qui peinent à protéger leurs troupeaux de plus en plus souvent attaqués. Les dispositifs actuels de tirs de défense, qui permettent aux éleveurs d'abattre des loups après des attaques avérées, sont jugés trop restrictifs et inadaptés à la réalité des menaces. Aujourd'hui, les critères de tir en vigueur dans le Plan Loup sont surtout concentrés sur les troupeaux ovins et n'autorisent le tir que dans les parcelles directement touchées par une attaque. Cela laisse les éleveurs bovins particulièrement vulnérables, car les loups, comme l'ont souligné de nombreux agriculteurs, ne s'arrêtent pas aux clôtures et peuvent s'attaquer à des parcelles voisines en l'absence de toute mesure préventive. Le cadre légal actuel oblige les éleveurs à attendre qu'une attaque ait lieu dans leur propre parcelle pour réagir, ce qui entraîne des pertes supplémentaires et injustifiées. Le département du Doubs est une zone particulièrement touchée, notamment en raison de sa proximité avec la Suisse, où la régulation des loups est beaucoup plus stricte. En 2023, la Suisse a procédé à une réduction significative de sa population lupine, abattant près de 50 loups en seulement deux mois pour prévenir les risques d'attaques massives. Cela a eu pour conséquence directe une migration accrue des meutes de loups vers le territoire français, où les régulations sont plus souples, exposant ainsi les éleveurs de régions frontalières comme le Doubs à une pression accrue. En 2023, la Bourgogne-Franche-Comté a recensé 252 attaques de loups, un chiffre en augmentation alarmante par rapport aux années précédentes, touchant à la fois les bovins et les ovins. Il est essentiel de reconnaître que la menace lupine ne se limite pas à la parcelle initialement attaquée et que les troupeaux bovins, tout autant que les ovins, sont des cibles privilégiées des prédateurs. Les éleveurs appellent à une extension des critères de tir aux parcelles voisines, même lorsque la première attaque concerne des troupeaux d'une espèce différente, car le danger reste le même. Il est crucial que les autorités réévaluent les critères de « non-protégeabilité » des troupeaux bovins, qui rendent aujourd'hui difficile la mise en place de tirs préventifs. Dans de nombreuses exploitations, l'installation de clôtures électrifiées ou de chiens de protection, bien que recommandée, s'avère inadaptée aux réalités des élevages bovins en raison de la configuration des terrains et des coûts exorbitants de ces dispositifs. Indemnisation des frais d'équarrissage : une procédure à revoir. Les éleveurs ne subissent pas seulement la perte directe des animaux tués par les loups. À cela s'ajoutent les frais d'équarrissage, c'est-à-dire les coûts liés à l'enlèvement et à la destruction des carcasses, imposés pour des raisons sanitaires. Ces coûts, qui varient en fonction de l'animal (jusqu'à 150 euros pour une vache), sont souvent un fardeau supplémentaire pour des exploitations déjà fragilisées économiquement par les pertes subies. Si le plan loup prévoit une indemnisation des frais d'équarrissage, de nombreux éleveurs se heurtent à des conditions complexes et à des procédures administratives trop longues pour obtenir ces remboursements. En effet, l'indemnisation de ces frais dépend souvent de la démonstration par l'éleveur qu'il a mis en place des mesures de protection « suffisantes », comme les clôtures ou les chiens de garde, qui ne sont pas toujours applicables dans les zones concernées. De plus, même dans les cas où ces dispositifs sont en place, les loups parviennent souvent à contourner les protections, laissant les éleveurs sans possibilité de prouver leur « bonne foi » dans la mise en œuvre des recommandations du plan loup. Ce manque de flexibilité dans les critères d'indemnisation ajoute une frustration supplémentaire à une situation déjà dramatique. Les délais de traitement des demandes d'indemnisation constituent un autre obstacle majeur. Certains éleveurs rapportent des délais de plusieurs mois, voire plus d'un an, pour recevoir le remboursement des frais d'équarrissage. Ce délai, qui vient s'ajouter au traumatisme psychologique et financier causé par l'attaque, place les éleveurs dans une situation économique intenable, surtout pour les plus petites exploitations, qui ne peuvent se permettre de supporter ces coûts sur leurs fonds propres pendant une période aussi longue. Il semble donc nécessaire d'envisager un assouplissement des critères d'indemnisation et d'instaurer des procédures d'urgence pour les zones où les attaques de loups sont particulièrement fréquentes. Pourquoi ne pas envisager la création d'un fonds d'urgence pour l'équarrissage, permettant aux éleveurs de recevoir un remboursement quasi immédiat des frais engagés, sans attendre de longues démarches administratives qui les plongent dans l'incertitude ? La situation actuelle des éleveurs confrontés aux attaques de loups exige une réponse forte et rapide de la part du Gouvernement. Elle lui demande donc si elle va adapter les critères de tir aux réalités du terrain, notamment en permettant l'action préventive dans les parcelles voisines et en élargissant la protection aux troupeaux bovins, tout aussi exposés que les ovins. Elle lui demande également si elle entend revoir les procédures d'indemnisation des frais d'équarrissage pour alléger les démarches administratives et garantir un remboursement plus rapide, afin de ne pas laisser les éleveurs supporter seuls les conséquences financières de cette crise.
Réponse publiée le 18 mars 2025
La détresse des éleveurs est réelle et compréhensible. L'État est à leurs côtés, conscient de l'impact de la présence du loup sur leur activité, notamment en termes économique, psychologique et d'adaptation des pratiques. L'augmentation de la population lupine et son expansion géographique se traduit par un nombre élevé de dommages aux troupeaux (10 882 victimes en 2023). Attentif à cette situation, l'État souhaite un accompagnement fort auprès des éleveurs autant pour prévenir que pour indemniser. À cette fin, le ministère chargé de l'agriculture accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux. Cette politique repose sur un triptyque de moyens de protection : gardiennage, mise en place de parcs électrifiés et recours aux chiens de protection des troupeaux. Ainsi, l'aide à la protection des troupeaux contre la prédation a été maintenue et renforcée dans la nouvelle programmation de la politique agricole commune. Cette aide permet le financement du gardiennage par les bergers, de l'achat de clôtures, de l'achat et de l'entretien de chiens de protection, ainsi que la réalisation d'étude de vulnérabilité et d'un accompagnement technique. Malgré les nombreux efforts des éleveurs pour protéger leur troupeau, des difficultés réelles de protection de certains troupeaux subsistent. En matière d'indemnisation des dommages, près de 4,7 millions d'euros ont été versés en 2023, par le ministère chargé de l'écologie, à la suite de 4 091 constats. Le nouveau plan national d'action (PNA) loups et activités d'élevage 2024-2029 prévoit un délai maximum de 125 jours afin de réduire le délai d'indemnisation. Pour indemniser au plus juste les pertes liées à la prédation, les barèmes d'indemnisation des dommages, fixés en fonction de l'espèce domestique, de ses caractéristiques et selon sa valorisation, ont été revalorisés, début 2024, à hauteur de + 33 % pour les ovins et + 25 % pour les caprins. De plus, des travaux pour une meilleure indemnisation indirecte (stress, baisse de lactation, génétique…) sont en cours. Début 2024, l'arrêté fixant les modalités de recours aux tirs a été modifié afin d'améliorer le protocole de tirs. Cet arrêté permet notamment l'usage des caméras d'observation nocturne, supprime l'obligation d'éclairage pour les louvetiers, et permet de passer à deux tireurs, voire trois (selon les circonstances locales), pour les tirs de défense simple. De plus, pour simplifier les procédures de délivrance des autorisations, une instruction aux préfets prévoit que les autorisations de tirs soient accordées maximum 48 heures après une attaque et que le déploiement des louvetiers interviennent dans un délai maximum de 72 heures. Considérant l'absence de référentiel pour protéger les troupeaux de bovins, équins et asins, les préfets délivrent désormais, dès la première attaque, des autorisations de tirs de défense aux éleveurs victimes d'attaques lupines. Aussi, à noter que conformément à ce que prévoit le plan national loup (PNA) et activités d'élevage pour la période 2024-2029, des expérimentations ont été validées pour les troupeaux de bovins pour lesquels il n'existe pas de référentiel de protection ayant fait ses preuves, notamment sur le territoire de la Petite Montagne du Jura et sur le Plateau supérieur du Jura. De manière générale, le Gouvernement a élaboré un projet d'arrêté modifiant l'arrêté encadrant les destructions de loups afin d'apporter une plus grande sécurité juridique aux éleveurs qui ont des autorisations de tirs pour défendre leur troupeau de bovins. Le Gouvernement souhaite reconnaître les efforts des éleveurs en matière de réduction de la vulnérabilité notamment pour les espèces n'ayant pas de référentiel de protection ayant fait leurs preuves comme c'est le cas pour les troupeaux d'ovins. Cet arrêté a fait l'objet d'une consultation publique et des mises à jour en vue de prendre en compte les attentes pertinentes sont actuellement en cours par le ministère chargé de l'écologie en collaboration avec le ministère chargé de l'agriculture. Enfin, si le loup est à l'heure actuelle une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », le Gouvernement est conscient que son expansion, dans un contexte d'activités pastorales, remet en question la vitalité de certains territoires. Les États membres européens se sont ainsi accordés, fin septembre 2024, pour que la Commission européenne porte une proposition de révision du statut de protection du loup dans la convention de Berne et le classer en espèces « protégée ». Cette proposition a toujours été soutenue par la France et fait partie des objectifs du nouveau PNA. Le Gouvernement français suivra avec attention ce processus de reclassement ainsi que ses impacts à l'échelle nationale.
Auteur : Mme Géraldine Grangier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 18 mars 2025