Question écrite n° 1068 :
Situation des agriculteurs après les dernières moissons

17e Législature

Question de : M. Frédéric Weber
Meurthe-et-Moselle (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Frédéric Weber attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la situation extrêmement préoccupante des agriculteurs de Meurthe-et-Moselle à la suite des récentes moissons. Ces dernières ont été marquées par des pertes de récolte allant parfois jusqu'à 50 % en raison des aléas climatiques, notamment des épisodes de sécheresse prolongée et des pluies abondantes, qui ont gravement affecté les rendements des cultures. Cette crise intervient dans un contexte déjà fragilisé pour les exploitants agricoles, confrontés à la hausse continue des charges et aux importantes pertes liées aux épizooties, notamment la FCO. Pour de nombreux agriculteurs, cette situation met en péril la pérennité de leurs exploitations et risque d'entraîner une crise économique et sociale majeure dans le secteur céréalier. Face à cette situation critique, il est impératif que des mesures rapides et efficaces soient mises en place pour soutenir les exploitants agricoles touchés. Une réponse adaptée est nécessaire pour prévenir des conséquences irréversibles sur le secteur agricole et assurer sa résilience face aux aléas climatiques de plus en plus fréquents. En conséquence, il lui demande de préciser les mesures d'urgence que le Gouvernement entend déployer pour soutenir ces agriculteurs en difficulté. Il souhaite savoir si des dispositifs de compensation financière seront mis en place pour pallier les pertes de récolte.

Réponse publiée le 15 avril 2025

Compte tenu des conditions particulières de pluviométrie et d'ensoleillement observées au printemps et à l'été 2024, la production agricole en France a subi des pertes importantes, notamment en céréales, et plus particulièrement en céréales d'hiver. Ces baisses de production, principalement en blé et en orge, résultent à la fois d'une réduction des surfaces emblavées, notamment en blé tendre au profit d'autres cultures de printemps, et d'une diminution des rendements à l'hectare, bien que ceux-ci restent supérieurs aux très faibles rendements observés en 2016 au niveau national. Dans ce contexte, le dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture, réformé en 2023, a été immédiatement activé. Très rapidement, des tours de plaine ont été réalisés par les directions départementales des territoires (DDT), une étape indispensable pour déclencher l'indemnité de solidarité nationale (ISN), qui doit permettre d'accompagner tous les agriculteurs, y compris ceux qui ne sont pas assurés. Alors que le secteur des cultures céréalières bénéficie du meilleur taux de diffusion de l'assurance récolte, avec 35 % des surfaces assurées en 2023, la réforme de 2023 permet, dans le cadre de l'ISN, de couvrir des pertes qui n'étaient jusqu'alors pas indemnisées dans le régime antérieur. Ce régime assurantiel permet de mieux protéger les assurés comme les non-assurés. Concrètement, pour un agriculteur assuré, ses pertes seront indemnisées à 100 % au-delà de sa franchise, par son assureur et par l'État. Pour un agriculteur non assuré, l'État compensera 40 % des pertes au-delà du seuil de 50 %, afin de soutenir les agriculteurs les plus affectés. Pour ces dispositifs, 275,5 millions d'euros (M€) de crédits de l'État ont été inscrits dans la loi de finances pour 2024, en complément des fonds européens via la politique agricole commune (PAC) et des contributions des assurés. La mobilisation rapide de la commission d'orientation et de développement de l'assurance garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR), qui a validé dès septembre 2024 la reconnaissance au titre de l'ISN de 31 départements dont celui de la Meurthe-et-Moselle, permet d'apporter un soutien financier dès cet automne aux exploitants agricoles éligibles. Les agriculteurs peuvent désormais, dans la continuité, déposer des demandes d'indemnisation individuelles. Depuis la réforme de l'assurance récolte mise en place en 2023, le secteur des grandes cultures peut désormais bénéficier de l'instrument de solidarité nationale, ce qui n'avait pas été le cas en 2016, par exemple. Par ailleurs, la France a obtenu l'autorisation de verser, dès le 16 octobre 2024, une avance de 70 % pour les aides découplées de la PAC, soit le maximum autorisé par la réglementation européenne, ce qui permettra d'apporter un soutien de trésorerie significatif. D'autres dispositifs sont également déployés, à commencer par le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB) pour les zones et agriculteurs les plus touchés. Il revient aux préfets d'activer ces dispositifs en fonction des difficultés identifiées. À cet effet, les directions départementales des finances publiques (DDFIP) ont été invitées à faire preuve de réactivité et de souplesse dans le traitement des demandes, qu'elles soient individuelles ou territoriales. En outre, les caisses locales de la mutualité sociale agricole peuvent accorder des reports de paiement de cotisations sociales. Elles peuvent également, dès à présent, mettre en œuvre les dispositifs de prise en charge de cotisations dans le cadre des enveloppes déjà allouées dans chaque département. Enfin, l'épargne de précaution pourra être mobilisée, conformément aux dispositions prévues par la loi de finances initiale pour 2024. En tout état de cause, les premières remontées révèlent des situations très hétérogènes, tant sur le plan géographique que climatique, en fonction du niveau de diversification des cultures au sein des exploitations et des situations économiques et financières initiales de chacune d'elles. Le Gouvernement a également réuni les banques afin qu'elles mettent en œuvre toutes les solutions possibles, au cas par cas, pour limiter les difficultés économiques durant cette période. Au salon de l'élevage, le Gouvernement a ainsi rappelé les travaux réalisés en matière de prêts garantis. Dans ce contexte, d'autres secteurs de l'agriculture française ont également été touchés, comme la viticulture et l'élevage, confrontés aux maladies vectorielles [fièvre catarrhale ovine (FCO) et maladie hémorragique épizootique (MHE)]. Le ministère chargé de l'agriculture est pleinement mobilisé pour faire face aux cas de FCO, dans le cadre d'une stratégie sanitaire adaptative consistant à anticiper, dialoguer avec les parties prenantes de façon directe et trouver les bonnes solutions à partir des remontées de terrain. À ce titre, dès que la production des vaccins par les laboratoires l'a permise, le Gouvernement a mis à disposition des éleveurs, gratuitement, dès le mois d'août 2024, des doses vaccinales contre la FCO 3 (11,7 millions de doses commandées au total, dont 9,3 millions pour les bovins et 2,4 millions pour les ovins). Pour permettre une couverture optimale de tout le territoire également pour les bovins, le Gouvernement a passé une nouvelle commande de 2 millions de doses vaccinales en urgence impérieuse. La zone vaccinale FCO 3 a ainsi été étendue à la France entière pour les ovins et les bovins. L'État a ainsi commandé en 2024, 14 millions de doses de vaccins pour un montant total d'environ 37 M€. Il faut rappeler que la capacité à vacciner est au cœur de tout : - d'abord, lorsqu'une crise démarre plusieurs pays sont touchés en même temps ; - ensuite, les productions de vaccins sont faibles et reposent sur un très petit nombre de laboratoires ; - par ailleurs, parce que de nouveaux sérotypes se multiplient sans que ne puissent être produits au même rythme des vaccins multivalents ; - enfin, parce qu'il est indispensable de protéger les élevages et les exportations, même en dehors des périodes d'activité vectorielle. L'enjeu est de pouvoir anticiper l'approvisionnement des élevages en vaccin, dans une approche globale de prévention. C'est tout le rôle du groupe de travail technique dédié aux maladies vectorielles, chapeauté par le ministère chargé de l'agriculture, en collaboration avec tous les acteurs du sanitaire, qui est chargé de réfléchit aux solutions d'anticipation. Une réunion tripartite entre professionnels, État et laboratoires, sera également organisée très prochainement pour avancer concrètement et collectivement sur le chemin d'une meilleure préparation aux attaques sanitaires. Devant l'ampleur des pertes économiques, le Gouvernement avait arbitré début octobre 2024 comme précisé lors de l'intervention du Premier ministre au salon de l'élevage à Cournon : - pour la FCO 3, la mise en œuvre d'un dispositif d'indemnisation ad hoc des éleveurs affectés par des pertes économiques liées à la seule FCO 3. Il a été précisé que cette indemnisation serait prise en charge dans le cadre d'une enveloppe dont le montant maximum a été arbitré à 75 M€ ; - pour la FCO 8, la mobilisation du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), compensé par l'État à hauteur de 65 % des indemnisations versées. Afin de décaisser au plus vite les versements, plutôt que d'attendre comme dans la majorité des cas plusieurs mois, il a été décidé que soit mis en place un volet avance du dispositif d'aide de l'État pour indemniser les éleveurs de bovins et d'ovins (foyers de FCO 3, sérotype émergent, surmortalités parmi les animaux de plus d'un an). Ce volet a concerné les éleveurs dont la confirmation de statut est intervenue du 5 août au 30 septembre 2024 afin de stabiliser les données et d'indemniser les éleveurs ayant connu des pertes tôt. Le téléservice a été ouvert du 18 novembre au 6 décembre 2024. Dans le cadre de cette avance, les surmortalités ont été calculées sur la base d'une estimation des mortalités de référence par catégorie (bovins d'un à deux ans, bovins de plus de deux ans, ovins de plus d'un an) par des taux de mortalité de référence (TMR) calculés, à l'échelle de l'ensemble des foyers, du 5 août au 30 septembre 2022, compte tenu du caractère peu représentatif de l'année 2023 pour l'élevage. Un dispositif simple pour les éleveurs, leur demandant très peu de temps de saisie a été mis en place. L'éleveur déclare ainsi, son effectif et les mortalités intervenues au sein de son troupeau. Outre son relevé d'identité bancaire, il n'a pas à verser de pièce justificative, les services instructeurs s'appuyant sur les confirmations officielles de foyers et les données d'effectifs et d'équarrissage dont l'État dispose. L'avance a été de 30 % de la somme due, à la condition qu'un plancher de 500 euros soit respecté, et tient compte de la surmortalité dans les élevages foyers sur la période du 5 août au 30 septembre 2024. Ce guichet entendait répondre à l'urgence de certains élevages afin de leur apporter de la trésorerie dans l'attente du guichet solde, qui a vocation à porter l'essentiel des versements. L'instruction par les DDT (M) s'est faite au fil de l'eau et les premiers dossiers ont été payés avant la clôture budgétaire. De nouvelles réunions du groupe de travail avec les représentants des services déconcentrés et les représentants des organisations professionnelles se sont tenues. Pour la FCO 3, l'État indemnisera les mortalités des éleveurs ovins et bovins dont la confirmation de statut « foyer FCO 3 » est intervenue entre le 5 août et le 31 décembre 2024, que les éleveurs aient demandé ou non une avance, laquelle sera, le cas échéant, déduite de l'aide. Outre le volet FCO 3 (ovins-bovins), et comme indiqué dans le communiqué de presse publié le 14 novembre 2024, le principe de prise en charge de la FCO 8 pour les ovins a été intégré dans le guichet solde et non plus par le FMSE pour les foyers confirmés avant début septembre. C'est une avancée majeure, au terme d'une négociation interministérielle difficile dans le contexte budgétaire actuel. Les travaux conduits en janvier 2025, en étroite collaboration entre le ministère chargé de l'agriculture et les filières, ont abouti à la nécessité d'élargir les critères d'indemnisation. En quelques semaines, et malgré les mêmes contraintes budgétaires, le Gouvernement a pris les décisions suivantes :  - de confirmer la prise en charge par l'État de l'ensemble des surmortalités ovines et bovines « adultes » FCO 3 pour la période prise en compte (et déduction de l'avance versée le cas échéant) ; - de confirmer l'éligibilité des foyers confirmés FCO 8 en ovins ; d'assurer la prise en charge par l'État des surmortalités caprines FCO 3 et 8 ; d'intégrer les jeunes bovins de moins d'un mois ; - des jeunes animaux de plus de 1- 12 mois pour les ovins, bovins et caprins (1-12 mois) ; de revaloriser des veaux de 0-6 mois (de 200 à 300 euros) ; - d'étendre la période de prise en charge allant du 5 août au 31 décembre 2024 pour la FCO 3 et du 1er juin au 31 décembre 2024 pour la FCO 8 (foyers confirmés et mortalités), soit les périodes de suivi sanitaire pour lesquelles les données sont disponibles ; - de confirmer les modalités de dépôt simplifiées hors cas particuliers (exemple : mortalités en estives, carcasses laissées sur des placettes à nourrissage) pris en charge selon des modalités demandant un faible nombre de pièces justificatives. Le volet solde de ce dispositif a été déployé du 30 janvier au 14 février 2025. Les demandes sont actuellement en cours d'instruction par les DDT (M) et de paiement par FranceAgriMer. S'agissant des pertes indirectes, l'État ne les prendra pas directement en charge. En revanche, le FMSE travaille sur cette question et en collaboration le ministère chargé de l'agriculture pour objectiver ces pertes. Au regard de l'ensemble de ces éléments, au caractère exceptionnel dans le contexte budgétaire actuel, le Gouvernement respecte ses engagements pris en 2024, pour gérer les maladies vectorielles, en particulier la FCO, et continuera à les respecter en 2025. Plus largement, face à cette nouvelle donne, l'État et les professionnels doivent construire à moyen et long termes une stratégie de surveillance et de lutte qui s'appuiera sur la prévention et placera l'outil vaccinal au cœur du dispositif, permettant de limiter les effets négatifs, dans un contexte du « vivre avec ». Pour cette raison, la ministre chargée de l'agriculture a lancé les assises du sanitaire animal le 30 janvier 2025 devant plus de 200 acteurs du sanitaire. La préparation de ces assises a permis d'établir un diagnostic partagé par tous les acteurs sur les faiblesses et les atouts du dispositif sanitaire actuel dans toutes ses composantes. Les assises du sanitaire contribueront à coconstruire entre l'État et les professionnels, les contrats sanitaires de filières, stratégie de long terme permettant d'impliquer pleinement tous les acteurs. Les travaux vont désormais se poursuivre tout au long de 2025. En ce qui concerne la viticulture, le Gouvernement a obtenu l'aval de l'Union européenne pour un dispositif d'arrachage définitif à hauteur de 120 M€, accompagné d'un plan d'avenir. Il veillera également, lors des débats sur le projet de loi de finances, à ce que les engagements fiscaux et sociaux pris l'hiver dernier soient respectés. Au-delà des crises conjoncturelles, le Gouvernement continue de travailler pour répondre aux grands défis déjà identifiés, tels que le renouvellement des générations en agriculture, le changement climatique et la souveraineté alimentaire. À ce titre, il a fixé plusieurs objectifs, dont la relance prochaine des discussions sur l'évolution du cadre législatif de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite « EGALIM » et l'examen rapide de la loi d'orientation agricole par le sénat. Il a été rappelé que la France aura besoin d'une action internationale résolue et du soutien de ses partenaires européens. Le Gouvernement s'est également engagé à soutenir le projet européen visant à instaurer des clauses miroirs pour lutter contre le dumping pratiqué par certains États tiers. À travers des mesures à court et long termes, le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour répondre aux préoccupations du monde agricole et relever les défis de l'agriculture, en s'appuyant sur des actions concrètes et adaptées. Il poursuivra ses efforts pour soutenir les agriculteurs face aux enjeux actuels et futurs, en cherchant à apporter des réponses à la hauteur des attentes du secteur.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Weber

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 15 avril 2025

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