Crise de la psychiatrie territoriale
Question de :
Mme Christine Arrighi
Haute-Garonne (9e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Christine Arrighi alerte M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la crise de la psychiatrie territoriale, qui ne cesse de s'aggraver. Dans les territoires, notamment à Toulouse, la difficulté de faire coopérer les acteurs privés avec les acteurs publics en santé mentale se traduit par des conséquences tragiques : refus d'accès aux soins pour des patients en situation de précarité, présentant des facteurs de vulnérabilité ou encore ayant des profils cliniques complexes. Les services d'urgence sont submergés par une sédimentation de patients non pris en charge en psychiatrie, avec des risques accrus de dégradation clinique, voire de décès. Les réformes actuelles d'autorisation en psychiatrie, bien que visant à garantir l'accès aux soins pour toutes et tous de manière inconditionnelle, se révèlent aujourd'hui inappliquées. Les conditions d'accès aux soins restent inchangées, car les agences régionales de santé ne sont ni équipées, ni organisées pour rendre cette réforme effective. Les acteurs libéraux, quant à eux, produisent des lettres d'engagement supposées signifier leur volonté de coopération. Mais, en pratique, ces engagements restent lettre morte et la dégradation des parcours de soins s'accentue. Un pacte de refondation de l'organisation des soins psychiatriques en Haute-Garonne a été signé mardi 7 janvier 2025. Dans ce cadre, l'agence régionale de santé débloque quelques 20 millions d'euros sur cinq ans. C'est une bonne nouvelle. Il n'en demeure pas moins que des enjeux subsistent : l'attractivité et la fidélisation des personnels dans les hôpitaux publics et la capacité de la puissance publique de mobiliser les acteurs privés. Le sujet crucial est bien la permanence des soins (accueil des urgences, soins non programmés) en établissement de santé. Il est urgent que la politique de santé mentale cesse de favoriser des logiques de marché et garantisse un accès réel et inconditionnel aux soins pour chaque citoyenne et citoyen. De quels moyens concrets le Gouvernement entend-il se doter pour rendre effective la réforme des autorisations et assurer que les acteurs privés autorisés en psychiatrie prennent en charge tous les patients, sans conditionnalité ? Elle lui demande également comment tolérer qu'un acteur exerce en posant des conditions d'accueil, créant ainsi des crises dans les hôpitaux et aggravant la souffrance des patients au risque de leur vie.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025
POLITIQUE DE SANTÉ MENTALE
M. le président . La parole est à Mme Christine Arrighi, pour exposer sa question, no 106, relative à la politique de santé mentale.
Mme Christine Arrighi . Ma question, adressée au ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, porte sur la crise, qui ne cesse de s’aggraver, de la psychiatrie territoriale.
Dans les territoires, notamment à Toulouse dont je suis députée, la difficulté à faire coopérer les acteurs privés et les acteurs publics en santé mentale a des conséquences tragiques. Des patients en situation de précarité, présentant des facteurs de vulnérabilité ou des profils cliniques complexes, se voient refuser l’accès aux soins. Les services d'urgence psychiatriques sont submergés par une accumulation de patients non pris en charge, faisant courir à ces derniers des risques accrus de dégradation de leur état clinique, voire de décès.
Les réformes actuelles de l’autorisation d’exercer en psychiatrie, bien que visant à garantir l'accès inconditionnel aux soins pour toutes et tous, se révèlent inadaptées et restent inappliquées, faute, pour les agences régionales de santé (ARS), d’être adéquatement organisées et équipées. Les acteurs libéraux, quant à eux, produisent des lettres d'engagement supposées attester leur volonté de coopération ; en pratique, ces engagements restent lettre morte et la dégradation des parcours de soins s'accentue.
Un pacte de refondation de l'organisation des soins psychiatriques en Haute-Garonne a été signé mardi 7 janvier 2025. L’agence régionale de santé débloque, dans ce cadre, quelque 20 millions d’euros sur cinq ans. Si c’est une bonne nouvelle, les mêmes enjeux n’en demeurent pas moins : rendre les hôpitaux publics attractifs pour les professionnels, fidéliser ceux qui y travaillent, permettre à la puissance publique de mobiliser les acteurs privés. Accueil dans les services d’urgence, soins non programmés : la permanence des soins dans les établissements de santé – permanence inconditionnelle, encore une fois – est un sujet crucial.
Il est urgent que la politique de santé mentale cesse de favoriser des logiques de marché et garantisse un accès réel et inconditionnel aux soins pour chaque citoyenne, chaque citoyen et chaque personne vivant sur notre territoire.
De quels moyens concrets le gouvernement compte-t-il se doter afin de rendre effective la réforme des autorisations et de s’assurer que les acteurs privés autorisés en psychiatrie prennent véritablement en charge tous les patients ? Comment tolérer que des acteurs privés exercent en posant des conditions d’accueil, mettant ainsi les hôpitaux publics en crise et aggravant – au risque de leur vie – la souffrance des patients ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi . Je vous remercie de soulever, au travers du cas de votre circonscription, la question de la santé mentale que le gouvernement, poursuivant le souhait de Michel Barnier, a déclaré grande cause nationale.
En Haute-Garonne, vous l’avez dit, les acteurs de terrain de la psychiatrie sont parvenus à conclure avec l’ARS, le 7 janvier, un pacte visant à refonder en profondeur la filière de prise en charge des soins psychiatriques et pédopsychiatriques : elle sera davantage tournée vers la prévention et vers les populations éloignées de l’accès aux soins. Je tiens à souligner l’engagement de la communauté psychiatrique de territoire, élargie à l’ensemble des établissements privés autorisés en psychiatrie et à l’association porteuse du projet territorial de santé mentale. Leur proposition de réorganisation et de développement de l’offre de soins, qui constitue le fondement de ce pacte, doit continuer à nourrir la réflexion nationale.
Ce pacte départemental comprend une cinquantaine de mesures déjà identifiées et pour lesquelles un réajustement des dotations, à hauteur de 20 millions d’euros, a été acté – 9 millions ont déjà été engagés. Le gouvernement réaffirme également, aux côtes des acteurs, l’absolue nécessité de renforcer l’offre de proximité. Les projets territoriaux de santé mentale sont des leviers permettant de répondre à ces enjeux.
C’est l’occasion de rappeler que le gouvernement s’est engagé à améliorer la prise en charge des patients par ces structures, en prenant appui sur les travaux de Mmes les députées Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau. Des dispositions réglementaires sont également attendues pour favoriser l’équité entre les secteurs public et privé – vous l’avez rappelé.
Nous continuons d’avancer sur ces sujets. Le travail des parlementaires pourra, lui aussi, soutenir l’action du gouvernement et des ARS.
M. le président . La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi . Vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question : quels sont les moyens prévus par le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2025 afin d’aider l’ensemble du secteur psychiatrique – pas seulement en Haute-Garonne mais dans toute la France ? Et quand seront publiés les décrets attendus ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre . Comme vous le voyez, ce n’est pas Yannick Neuder qui est au banc : je vous propose donc que les réponses à ces deux questions précises, que vous êtes en droit d’attendre, vous soient apportées par écrit.
Auteur : Mme Christine Arrighi
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025