Droit de préemption des communes sur les terrains naturels et agricoles
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 février 2025, page 767
Question de :
M. Stéphane Viry
Vosges (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Stéphane Viry interroge Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation au sujet du droit de préemption des communes sur les terrains naturels et agricoles, notamment lorsque les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) n'exercent pas leur droit de préemption sur les terrains agricoles, conformément aux articles L. 143-1 et suivants ainsi que R. 143-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. En effet, lorsque les SAFER n'exercent pas leur droit de préemption, le terrain peut être librement acheté. Or la municipalité pourrait se porter acquéreur du terrain pour divers projets d'intérêt général. Cependant, elle ne dispose pas de ce même droit sur les terres agricoles, ce qui expose de nombreuses mairies à des situations de concurrence avec d'autres acheteurs souhaitant s'installer sur des terrains inappropriés, notamment pour une vie sédentaire. Leur proposition, souvent avantageuse pour le vendeur, prive les municipalités de terrains qui pourraient être utilisés dans un but d'intérêt général. Malgré l'existence de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, qui prévoit des dispositions dans le code de l'urbanisme pour régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction, ce dispositif agit a posteriori et implique des procédures administratives pour les municipalités. Ainsi, il semblerait opportun de permettre aux mairies d'exercer un droit de préemption lorsque la SAFER ne le fait pas, offrant ainsi aux maires la possibilité d'agir en amont pour prévenir les installations illicites contraires aux plans locaux d'urbanisme sans avoir à acheter le terrain à un prix excessif pour s'aligner aux autres propositions. Cela permet ainsi de protéger les deniers publics et assure l'usage du terrain dans but d'intérêt général. En outre, il semble judicieux d'informer et de consulter les maires avant toute vente de terrains agricoles situés sur leur territoire. En tant qu'acteurs de proximité, les communes jouent un rôle essentiel dans l'aménagement de leur territoire, la préservation des espaces naturels et agricoles, ainsi que la prise en compte des besoins de leurs habitants. Une coopération renforcée entre les communes et les acteurs du territoire, tels que les SAFER, est donc indispensable pour garantir un aménagement territorial adéquat. En ce qui concerne spécifiquement les gens du voyage, les communes participent déjà à leur installation à travers les schémas départementaux, conformément à la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000. Il serait donc légitime que les communes disposent d'un droit de préemption pour agir en amont de l'achat du terrain et orienter les gens du voyage vers les aires d'accueil prévues à cet effet. Ainsi, M. le député interroge Mme la ministre sur les mesures qu'elle envisage de prendre pour impliquer davantage les communes dans les transactions territoriales. Il aimerait savoir si la position du Gouvernement concernant la possibilité de créer un droit de préemption en faveur des communes a évolué depuis septembre 2023.
Réponse publiée le 11 février 2025
Il convient de rappeler qu'il existe un droit de préemption du maire afin de protéger les espaces naturels ou agricoles. En effet, le cadre légal actuel prévoit, outre le droit de préemption urbain qui permet à une commune dotée d'un document d'urbanisme de préempter un terrain dans une zone définie dans le but de réaliser un équipement ou une opération d'aménagement d'intérêt général, le droit de préemption commercial qui s'exerce sur les cessions de fonds artisanaux et fonds de commerce et le droit de préemption dans les zones d'aménagement différé, qui permet à une collectivité de préempter un terrain dans des zones urbaines ou naturelles afin de constituer des réserves foncières. Il prévoit aussi des dispositifs qui ont vocation à instituer des droits de préemption pour des motifs environnementaux. Par ailleurs, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) détiennent aussi un droit de préemption qui leur permettent d'acheter en priorité un bien agricole ou rural pour le rétrocéder en vue d'un usage agricole, conformément aux dispositions des articles L. 143-1 et suivants et R. 143-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Dans leurs zones d'intervention, à savoir les terrains situés dans une zone agricole, à l'intérieur des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains protégée, dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme, cet outil leur permet de contribuer notamment à maintenir la vocation agricole du bien, mais également à protéger l'environnement et à éviter la surenchère sur les prix. À cet égard, une application optimale des droits de préemption respectifs des collectivités et des SAFER nécessite une coopération forte entre les deux titulaires de ces droits. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 143-7-2 du CRPM, la SAFER informe les maires de toutes les déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens situés sur le territoire de leur commune. Ces dispositions peuvent permettre à une collectivité et à la SAFER de s'informer mutuellement du risque de dévoiement d'usage sur un bien préemptable par l'une ou par l'autre. En outre, la SAFER peut apporter son concours technique aux collectivités (article L. 141-5 CRPM) notamment pour l'assistance à la mise en œuvre de leur propre droit de préemption, la négociation de transactions immobilières, la gestion de leur patrimoine foncier, le suivi du marché foncier sur leur territoire et ainsi assurer une vigilance foncière pour le compte de la collectivité. Au-delà des outils coercitifs, notamment ceux de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, qui prévoient des dispositions dans le code de l'urbanisme pour régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction, des outils de prévention existent donc et sont articulés avec les outils coercitifs. Enfin, la multiplication des droits de préemption de titulaires différents, voire en concurrence, sur des mêmes biens risquerait de nuire à la lisibilité pour les usagers lors des ventes immobilières situées hors zones urbaines et de retarder ces ventes par l'obligation d'addition des durées de purge de ces droits qui serait faite aux notaires instrumentaires des ventes. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement n'envisage pas de faire évoluer la législation qui tendrait à instituer un nouveau droit de préemption au bénéfice des communes.
Auteur : M. Stéphane Viry
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Partenariat territoires et décentralisation
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 20 janvier 2025
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025