Élargissement de la peine complémentaire de privation de la pension de réversion
Question de :
M. Nicolas Ray
Allier (3e circonscription) - Droite Républicaine
M. Nicolas Ray appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'élargissement du champ d'application de la peine complémentaire de privation de versement de la pension de réversion. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a en effet privé du bénéfice de la pension de réversion le conjoint survivant ayant commis un crime ou un délit à l'encontre de son ex-conjoint. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est venue consolider juridiquement cette disposition en prévoyant que la privation du droit à la pension de réversion constitue ainsi une peine complémentaire encourue en cas de condamnation pour homicide, violences conjugales, viol ou agression sexuelle à l'encontre de l'assuré. Toutefois, ces récentes évolutions législatives en faveur d'une plus grande justice pour les victimes de violences familiales méritent d'être renforcées. En effet, la rédaction actuelle de l'article L. 221-9-2 du code pénal prévoit que cette peine complémentaire puisse être prononcée pour les « coupables des crimes prévus à la section 1 » du chapitre 1 du titre II du même code. Or une section 1 bis a été créée ultérieurement par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure afin de distinguer les homicides par intoxication volontaire. Cette catégorie d'homicide se retrouve donc désormais exclue des dispositions de la peine complémentaire de privation du droit à la pension de réversion. Cette exclusion est totalement contraire à l'esprit de la loi du 28 décembre 2019. Il est donc urgent de corriger ce vide juridique. Par ailleurs, il serait également pertinent d'élargir le champ de la peine complémentaire. En effet, en cas de condamnation pour harcèlement moral envers l'assuré, le juge n'a pas la possibilité de priver le conjoint survivant du bénéfice de la pension de réversion. On sait pourtant le caractère destructif que peut avoir le harcèlement moral envers un conjoint ou un ex-conjoint qui peut parfois pousser jusqu'au suicide de la victime. Dans de tels cas, il est intolérable que le conjoint survivant puisse continuer de bénéficier de la pension de réversion de sa victime après son décès. Enfin, il serait également judicieux de priver de versement de la pension de réversion le conjoint dont le divorce a été prononcé pour torts exclusifs. Cette décision peut en effet intervenir lorsque l'un des époux adopte un comportement qui viole de manière grave ou répétée les droits et obligations du mariage (acte de violence, injures répétées, absence de contribution aux charges du mariage, abandon du domicile conjugal, défaut de secours et d'assistance etc.). Bien que la justice reconnaisse ainsi que la faute est imputable exclusivement à l'un des époux, celui-ci continue toutefois de jouir de son droit à la pension de réversion de son ex conjoint après son décès. Or cette situation crée un sentiment d'injustice de la part du partenaire victime. En effet, en cas de privation du droit à la pension de réversion du conjoint dont les torts exclusifs ont été reconnus, le bénéfice de cette pension pourrait aller en totalité au nouveau conjoint de l'assuré ou, s'il n'existe aucun conjoint survivant, à ses enfants âgés de moins de 21 ans. Cette mesure d'équité serait un signal fort envoyé aux victimes de violences familiales. C'est pourquoi il souhaitait connaître les intentions du Gouvernement sur ces élargissements du champ d'application de la peine complémentaire de privation de versement de la pension de réversion.
Réponse publiée le 8 avril 2025
La peine complémentaire d'interdiction de percevoir la pension de réversion due au conjoint survivant ou divorcé, prévue par les articles 221-9-2 et 222-48-3 du code pénal, a été introduite par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. En application des articles 221-9-2 et 222-48-2 du code pénal, la peine complémentaire d'interdiction de percevoir la pension due au conjoint survivant ou divorcé doit être obligatoirement prononcée, sauf décision spécialement motivée de la juridiction en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, à l'encontre des personnes physiques coupables d'atteinte volontaire à la vie de nature criminelle, de tortures et actes de barbarie, de violences, de viol ou d'autres agressions sexuelles, lorsque les faits ont été commis à l'encontre de leur époux assuré. Le Gouvernement, particulièrement mobilisé pour lutter contre les violences faites aux femmes, est favorable à un élargissement du champ d'application de cette peine complémentaire pour y intégrer les atteintes à la vie et à l'intégrité physique commises après intoxication volontaire, mais également les délits de harcèlement et de menaces de mort lorsque ces faits sont commis à l'encontre de l'époux. En revanche, s'agissant de la proposition visant à permettre au juge aux affaires familiales, lorsqu'il prononce le divorce pour faute aux torts exclusifs de l'un des époux de prononcer une même interdiction de percevoir la pension due au conjoint survivant ou divorcé, il convient de souligner que le juge aux affaires familiales est un juge civil qui n'a aucune compétence pour prononcer une peine complémentaire.
Auteur : M. Nicolas Ray
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025