Question écrite n° 1125 :
Entrave au droit de manifestation par le préfet de l'Hérault

17e Législature

Question de : M. Jérôme Legavre
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Jérôme Legavre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés dressées par le préfet du département de l'Hérault contre l'exercice, en particulier par l'association Libre Pensée 34 et l'association BDS, de la liberté et du droit de manifestation reconnus à tous les citoyens dans le pays. Ces deux associations, avec de nombreuses autres associations et de très nombreux citoyens, soucieux d'exprimer leur émoi, leur colère et leur aspiration à ce que cessent les crimes perpétrés contre les peuples palestinien et libanais, ont régulièrement convoqué ou soutenu en y participant, des manifestations le samedi, totalement pacifiques et respectueuses de l'ordre public dans la commune de Montpellier. À preuve, malgré les tentatives initiales de la préfecture pour interdire les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, deux décisions du tribunal administratif, rendues les 21 et 26 octobre 2023 en référé-liberté, ont annulé les effets de l'arrêté préfectoral d'interdiction et rétabli le droit de manifester. Depuis lors, chaque semaine, ces deux organisations, comme beaucoup dans le département et dans toute la France, ont pu être organisatrices ou participantes de nombreux rassemblements ou manifestations. Aucune de ces initiatives n'a donné lieu à quelque violence physique ou verbale que ce soit, ce qui est attesté par tous les comptes-rendus dans la presse, les images diffusées et n'est contesté par personne. De même, il n'y a eu ni propos injurieux, ni agressions d'aucune sorte. Pourtant, le préfet n'en mène pas moins, et singulièrement depuis la fin du mois d'août 2024, une offensive visant de nouveau à empêcher le déroulement de ces manifestations et ce qui peut être rapproché d'une campagne de harcèlement contre les deux associations susnommées et leurs militants ; deux interdictions de manifestation, puis l'interdiction systématique de passer par la place de la Comédie et tout dernièrement le dépôt d'une plainte en diffamation contre le secrétaire de la Libre Pensée 34 : les témoignages dont M. le député a été saisi le conduisent à soulever auprès de M. le ministre le caractère aussi exceptionnel dans le pays, qu'exorbitant du droit commun eu égard à la liberté de manifestation qui y est la règle. Il convient de relever que, malgré les demandes en ce sens, le préfet n'a pas été en mesure de donner le moindre élément de faits concernant des « propos injurieux envers la communauté juive » qui auraient été tenus lors d'une conférence de presse pourtant publique. Ceci n'a pas empêché cette affirmation d'être répétée à plusieurs reprises dans les arrêtés d'interdiction M. le député a pu prendre connaissance. Il en va de même avec l'évocation de prétendues « agressions », terme employé lors du CDEN du 16 octobre 2024 par le préfet, sans donner plus de détail ni d'élément factuel. En effet, M. le député tient à rappeler que la liberté de manifestation est une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle, en outre reconnue et protégée par de nombreux textes internationaux et européens, auxquels il ne lui semble pas tolérable de permettre à un représentant de l'État de se soustraire. Le préfet ne peut en effet faire mine d'ignorer qu'en matière de manifestation, le principe est la liberté et que seul un risque avéré de trouble à l'ordre public peut justifier une mesure de police, qui plus est strictement limitée et proportionnée à son objet. C'est ce qu'a de nouveau rappelé le Conseil d'État, dans une décision rendue le 18 octobre 2023. Aussi, si le préfet affirme que des éléments sont de nature à troubler l'ordre public, il doit en donner le contenu exact et en aucun cas se servir d'élément étrangers aux manifestations pour justifier l'interdiction de celles-ci. Si des éléments de nature particulière à un territoire sont invoqués, il faut les indiquer clairement et ne pas simplement en évoquer l'existence. Il semblerait que ces principes guidant l'action publique ne soient pas respectés en la matière et que les motivations des arrêtés d'interdiction contenues dans les considérants soient de nature à remettre en cause la neutralité et la réserve qu'impose la fonction d'un représentant de l'État. C'est pourquoi il l'interroge sur les mesures qu'il envisage de prendre, dans des délais qui permettent le rétablissement d'une liberté fondamentale dans les semaines qui arrivent, afin que cesse cette situation d'exception qui ne peut raisonnablement s'installer dans un État de droit.

Données clés

Auteur : M. Jérôme Legavre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date :
Question publiée le 22 octobre 2024

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