Protection des entreprises françaises
Question de :
M. Christophe Naegelen
Vosges (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 24 décembre 2025
PROTECTION DES ENTREPRISES FRANÇAISES
Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen . Les entreprises ne sont riches que des hommes et des femmes qui les composent. En cette veille de Noël, j'ai une pensée particulière pour les quatre-vingt-seize salariés d'Asteelflash Lorraine et pour leurs familles, qui ont vu l'usine de Cleurie fermer, alors que le groupe auquel elle appartient développe des sites en Tunisie et en Pologne et que l'État français est actionnaire de certains de ses clients. De plus, je regrette qu'un fleuron de l'industrie vosgienne et française, l'entreprise de Buyer, implantée au Val-d'Ajol, fournisseur historique de l'armée, ait perdu une partie de ce marché au profit d'un fabricant chinois.
M. Jean-Paul Lecoq . C'est incroyable !
M. Christophe Naegelen . La taxe sur les petits colis instaurée en réponse à l'affaire Shein n'est que l'arbre qui cache la forêt du mal-être fiscal et normatif dont souffre l'entrepreneuriat français. Les normes imposées aux entreprises sclérosent notre économie et, malgré le travail effectué, l'adoption du projet de loi sur la simplification de la vie économique, dont je suis un des corapporteurs, ne constituerait pas le grand soir. En effet, trois quarts des normes sont issues de l'administration, donc des ministères, et non du travail des parlementaires.
Monsieur le premier ministre, quand comptez-vous demander à vos ministres la suppression des normes et des Cerfa qui bloquent le pays ? D'autre part, puisque, selon une étude de l'Union des industries textiles, 84 % du chiffre d'affaires d'un producteur français bénéficie à l'économie nationale contre seulement 35 % de celui d'un importateur, quand comptez-vous, pour mieux protéger les entreprises françaises, instaurer une priorité, notamment dans les marchés publics et dans les achats d'entreprises dont l'État est actionnaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Je m'associe à vos pensées pour les salariés des deux entreprises et salue votre investissement personnel à propos d'Asteelflash. Vous avez rencontré le ministre de l'industrie et savez que les services de l'État de votre région et de votre département ont été largement mobilisés, notamment pour suivre l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. La moyenne d'âge des salariés, qui se situe entre 40 et 50 ans, nécessite des efforts importants de reclassement et, en prévision de votre question, j'ai demandé au ministre de se tenir à vos côtés pour répondre aux demandes.
Le cas de l'entreprise de Buyer, fournisseur historique d'équipements de cuisine pour les armées françaises, soulève la question de la rédaction des appels d'offres. Le sujet est à la fois juridique – il faut respecter le droit européen et les règles de concurrence – et économique, la loi de l'offre et de la demande devant conduire aux prix les plus bas possibles. Toutefois, la manière dont sont passés les marchés publics, y compris ceux du ministère des armées, interroge de plus en plus, voire suscite une incompréhension croissante, quand bien même on ne parle pas de matériels au cœur de la souveraineté nationale, comme des missiles nucléaires. Lorsque j'étais ministre des armées, j'ai demandé à la direction générale de l'armement de redonner de la visibilité sur la manière dont sont construits ses marchés publics. La ministre Vautrin va poursuivre ce travail.
Cela m'amène à me projeter sur notre plan de travail des prochaines semaines, sur ce que nous avons à accomplir. Comme je l'ai annoncé au congrès des maires, je signerai avant la fin de l'année le décret pérennisant le seuil de 100 000 euros pour les marchés publics de travaux. C'est particulièrement important pour les collectivités territoriales et pour les entreprises du BTP. D'autre part, nous allons rehausser le seuil pour les marchés publics de fournitures de 40 000 à 60 000 euros. C'est essentiel pour les collectivités locales et cela va constituer un choc de simplification pour beaucoup d'entreprises.
On voit bien qu'avancer vers la simplification est compliqué et que les initiatives parlementaires autour du projet de loi que vous avez rapporté ont beaucoup divisé. Cela s'explique en partie par un peu de centralisme : à Paris, on veut que tout soit égalitaire et géré partout de la même manière. Or, on le sait bien, une véritable simplification ne peut aller sans différenciation territoriale, sans adaptation aux circonstances et aux situations locales, ce qui n'est pas forcément gagné.
Deuxième élément, que la ministre des comptes publics vient de rappeler : il faudra adopter un budget de l'État au mois de janvier, afin d'assurer à nos entreprises la lisibilité fiscale dont elles ont besoin.
Enfin, il convient d'améliorer la protection commerciale à nos frontières – Serge Papin et ses collègues ont commencé de le faire – et notre capacité d'action collective – on l'a vu à propos de la plateforme Shein –, notamment en rendant le droit commercial de l'Union européenne encore bien plus protecteur pour nos acteurs économiques à l'intérieur de nos frontières. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Auteur : M. Christophe Naegelen
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 décembre 2025