Question écrite n° 1143 :
Difficultés de l'instruction en famille suite à la loi du 24 août 2021

17e Législature

Question de : M. Pascal Markowsky
Charente-Maritime (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Pascal Markowsky alerte Mme la ministre de l'éducation nationale sur les grandes difficultés rencontrées par les familles pratiquant l'instruction en famille (IEF) depuis l'entrée en vigueur de l'article 49 de la loi du 24 août 2021, en particulier pour la rentrée 2024. Alors que l'instruction à domicile relevait d'une simple déclaration, elle est désormais soumise à une autorisation administrative de plus en plus difficile à obtenir, en raison notamment de l'interprétation restrictive du « motif propre à l'enfant » par certaines académies. Le 6 avril 2021, M. Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'éducation nationale, affirmait au Sénat que « l'instruction en famille est l'une des quatre façons d'instruire les enfants en France (...) [elle] n'est nullement mise en cause. Le régime d'autorisation protège les libertés des familles et les droits des enfants ». Cependant, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite « loi CRPR »), de nombreuses familles se heurtent à l'arbitraire des services académiques dans l'octroi d'autorisations. Ceci malgré les intentions du législateur, les réserves du Conseil constitutionnel et les précisions du Conseil d'État. La loi CRPR a substitué le régime de déclaration de l'IEF par un régime d'autorisation préalable assorti de critères restrictifs. Ces critères incluent des motifs liés à la santé de l'enfant, à une activité sportive ou artistique intensive, à l'itinérance de la famille, ou à une « situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ». Or comme le souligne le rapport 2023 de la médiatrice de l'éducation nationale, les contours de ce dernier motif sont flous et sources d'interprétations diverses, créant une incompréhension chez les familles. Cela a conduit à une diminution de 27 % du nombre d'enfants suivant l'IEF depuis l'adoption de la loi, tandis que les réclamations auprès des médiateurs de l'éducation nationale ont été multipliées par dix, en grande partie liées à des refus d'autorisation. Cette année, l'académie de Poitiers se distingue par un nombre record de refus, notamment pour des familles ayant déjà été autorisées les années précédentes et qui se retrouvent à recevoir des mises en demeure de scolarisation sous 15 jours, souvent sans explication étayée. Les refus abusifs concernent en particulier les demandes justifiées par le quatrième motif et conduisent à des situations désastreuses pour les familles : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire et désorganisation familiale. Le changement de paradigme entre le projet éducatif propre à l'enfant et le projet de vie familial, ajouté à la durée d'autorisation limitée à un an, crée un fort sentiment d'insécurité chez les familles. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle semble en décalage avec l'objectif initial de lutte contre le séparatisme, alors que 92,8 % des contrôles de l'IEF étaient favorables en 2020. Enfin, les saisines auprès de la médiation et des tribunaux administratifs n'ont pas permis de clarifier la portée des nouvelles dispositions, notamment concernant la suffisance d'un projet pédagogique détaillé sans exigence de démonstration de la « situation propre à l'enfant », comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021. M. le député souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur l'évolution de la situation concernant l'instruction en famille. Il interroge également M. le ministre sur les mesures envisagées pour assouplir l'application de l'article 49 de la loi du 24 août 2021, afin de garantir aux familles une réelle liberté dans le choix de l'instruction, en conformité avec les droits en vigueur. Enfin, il demande au Gouvernement si une régularisation des refus abusifs pourrait être envisagée pendant l'année scolaire 2024-2025.

Réponse publiée le 4 février 2025

Le Conseil d'État a apporté des précisions concernant le traitement des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille, effectuées au titre du motif fondé sur la situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le ministère ne prévoit pas d'apporter de précisions supplémentaires par voie réglementaire. L'autorité administrative doit ainsi contrôler que « cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire » (décision CE n° 467550 du 13 décembre 2022). Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille pour ce motif ne doivent pas seulement justifier de la situation propre de leur enfant et présenter un projet éducatif. Ils doivent justifier que ce projet éducatif est conçu en fonction de la situation de leur enfant et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie et composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Le Gouvernement entend bien garantir l'application des dispositions de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et de ses textes d'application. Le ministère accompagne les services académiques afin d'harmoniser le traitement des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille, dans l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. Par ailleurs, les éventuelles différences de traitement des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille en fonction des départements ont récemment fait l'objet de consignes auprès des recteurs.

Données clés

Auteur : M. Pascal Markowsky

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 4 février 2025

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