Question de : M. Philippe Gosselin
Manche (1re circonscription) - Droite Républicaine

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'intérêt, en cas de séparation parentale, de privilégier un temps de présence parentale aussi équilibré que possible. En effet, la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a fait entrer la résidence alternée dans le code civil. Les travaux préparatoires montrent que la volonté du législateur était de donner la priorité à ce mode de résidence. Ainsi, un rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale manifeste le souhait « qu'en cas de désaccord des parents sur la résidence de l'enfant, la priorité soit donnée à la formule de la garde alternée » (rapport n° 3117, déposé le 7 juin 2001). Pourtant, près de 20 ans après le vote de cette loi, seuls 12 % des enfants de parents séparés se trouvent en résidence alternée d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Pire, en France, ce chiffre baisse. Il était de 15 % en 2015, alors qu'il était déjà l'un des plus faibles d'Europe. Il pourrait résulter de ce que, en cas d'opposition de la mère, la demande de résidence alternée formulée par le père ne semble être accordée que dans 30 % des cas. Il apparaît donc que la volonté du législateur de 2002 n'a pas été respectée. Or selon un sondage de l'Institut français d'opinion publique (IFOP) de décembre 2017, 76 % des Français sont d'accord pour que la résidence alternée devienne la règle. Une modification de la loi française pourrait conduire les juges à accorder plus souvent une résidence alternée. Une telle réforme pourrait aussi créer une nouvelle culture et conduire les parents, en cas de séparation, à envisager des modes de résidence plus équilibrés. L'exemple de la Belgique, qui a modifié son code civil en 2006, montre que la loi peut en effet conduire à changer les approches des parents en cas de séparation de manière à ce que l'enfant puisse bénéficier du droit, reconnu par l'article 9.3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, à être élevé par ses deux parents. À cet égard, la cour d'appel de Versailles a jugé que « l'alternance est un système simple, prévisible, qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l'avenir et de construire des projets fiables (...). Elle permet aux enfants de prendre appui de façon équilibrée sur chacun des parents et de bénéficier plus équitablement de leurs apports respectifs de nature différente mais complémentaires » (CA Versailles, 2e chambre, 1re section, 9 février 2017 - n° 16/08609). Bien sûr, il ne s'agirait pas d'imposer au juge une solution mais de lui demander d'examiner prioritairement un temps parental équilibré, en dehors naturellement des cas avérés de violences d'un parent sur l'autre parent ou sur l'enfant. Il lui demande donc de bien vouloir lui communiquer les intentions du Gouvernement en la matière et sous quels délais une modification peut être envisagée.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

Le droit en vigueur promeut largement la résidence alternée puisqu'il impose, d'ores et déjà, au juge aux affaires familiales d'envisager la résidence alternée en première intention et de la favoriser. Ainsi, l'article 373-2-9 du code civil, d'une part, dispose que « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. » et, d'autre part, permet au juge de mettre en place une résidence alternée à l'essai, à titre provisoire, et laisse à ce dernier toute latitude pour en fixer les modalités et prévoir le cas échéant une progressivité. Il en résulte que la résidence alternée progresse de manière significative en France. A titre illustratif, en 2016, 400 000 enfants mineurs vivaient en résidence alternée (source INSEE Première n° 1728, janvier 2019). Selon l'étude de l'INSEE n° 1841 de mars 2021, en France hors Mayotte, 480 000 enfants mineurs partagent en 2020 de manière égale leur temps entre les domiciles de leurs parents séparés. La résidence alternée égalitaire a ainsi progressé de 20 % en quatre ans, de 2016 à 2020. Plusieurs obstacles se dressent toutefois face à la généralisation du principe de la résidence alternée. D'une part, le juge est lié par les demandes des parties en application du principe dispositif (article 4 du code de procédure civile). Or, dans la grande majorité des cas, les parents s'accordent sur les modalités d'organisation de la résidence des enfants et ne choisissent pas la résidence alternée. En cas de désaccord, les parents sollicitent rarement la résidence alternée. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes relevait ainsi, dans son rapport en date du 22 novembre 2017, que « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd hui chez les mères, c'est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. ». Le juge étant lié par les demandes des parties, il appartient donc aux parents et à leurs conseils de solliciter davantage la résidence alternée s'ils le souhaitent. D'autre part, la résidence alternée paritaire ne peut être un modèle unique pour tous. Elle peut être adaptée à la situation de l'enfant dans certains cas et ne pas l'être dans d'autres. La résidence alternée doit être le mode privilégié en particulier lorsque chacun des parents a eu un investissement réel auprès de l'enfant du temps de la vie commune et que les conditions de vie de chacun le permettent afin de maintenir, autant que faire se peut, la stabilité du cadre de vie de l'enfant après la séparation de ses parents. En revanche, elle ne sera pas adaptée en cas d'éloignement géographique ou bien dans un contexte de violences. C'est pourquoi, lorsque le juge rejette une demande de résidence alternée, ce refus est motivé par l'intérêt de l'enfant en particulier au regard de l'éloignement entre les domiciles des deux parents, de l'âge de l'enfant, des mauvaises relations entre les parents, de l'indisponibilité d'un des deux parents, des conditions matérielles, ou des capacités éducatives insuffisantes d'un des deux parents. Il est essentiel de conserver la possibilité pour le juge de prendre en compte la réalité de chaque situation familiale et d'apprécier au cas par cas l'intérêt de l'enfant afin d'ajuster sa décision aux multiples configurations familiales. Les règles existantes permettent dès lors déjà de répondre à la demande des parents à ce titre.

Données clés

Auteur : M. Philippe Gosselin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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