Initiative française de prospection de ventes d'armements à la Géorgie
Question de :
Mme Constance Le Grip
Hauts-de-Seine (6e circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Constance Le Grip interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les implications politiques et stratégiques pouvant entourer une initiative française de prospection de ventes d'armements à la Géorgie. Depuis les élections législatives d'octobre 2024, dont les institutions européennes ont relevé qu'elles n'ont été ni libres ni transparentes, la Géorgie connaît une dégradation préoccupante de l'État de droit, marquée par l'adoption de lois restreignant l'espace civique, par une répression croissante sur l'opposition, les médias indépendants et les organisations de la société civile, ainsi que par une instrumentalisation accrue de l'appareil judiciaire. Ces évolutions sérieuses et graves ont conduit la Commission européenne, dans son rapport 2025 sur l'élargissement, à constater un recul substantiel du respect des critères politiques requis pour la poursuite des négociations d'adhésion à l'Union européenne, actant l'interruption de facto du processus et qualifiant la Géorgie de « pays candidat uniquement de nom ». Le Parlement européen, comme la Commission, a également alerté sur la dérive autoritaire du pouvoir géorgien et sur sa proximité politique croissante avec le Kremlin. L'Assemblée nationale travaille elle aussi à une résolution condamnant les dérives illibérales et autoritaires du régime en place à Tbilissi. À la lumière d'informations publiques faisant état de récents échanges et déplacements en Géorgie de membres de la direction générale de l'armement du ministère des armées, en vue d'explorer des possibilités de coopération en matière d'armement avec les autorités géorgiennes, force est de constater qu'un tel déplacement, même à un stade exploratoire, sous forme de mission de prospective, s'inscrit dans un contexte politique particulièrement sensible et appelle une attention particulière quant à ses implications diplomatiques et européennes. En effet, dans ce contexte fragilisé, une initiative française de prospection de potentielles ventes d'armements peut apparaître en décalage avec la position exprimée par les institutions européennes et brouiller le message porté notamment par la déclaration conjointe du 11 juillet 2025, signée par vingt ministres européens des affaires étrangères - dont celui de la France - ainsi que par la Haute Représentante de l'Union, déclaration qui souligne sans équivoque le démantèlement en cours de la démocratie en Géorgie, imputable aux autorités géorgiennes, ainsi que sa transformation rapide en un régime autoritaire, en contradiction avec les normes et valeurs européennes. Et ce, alors même que la grande majorité de la population géorgienne demeure résolument tournée vers l'Europe et continue de se mobiliser courageusement pour la défense des valeurs démocratiques. Plusieurs partenaires européens abordent désormais avec prudence toute perspective de coopération en matière d'armement avec la Géorgie, notamment à la suite du virage politique pro-Kremlin des autorités géorgiennes. Alors que certains partenaires européens ont limité ou suspendu leurs propres initiatives dans ce domaine, une démarche française isolée pourrait créer un décalage d'appréciation au sein des États membres et nuire à la cohérence de la position européenne à un moment où la dégradation de la situation politique géorgienne appelle, au contraire, une approche pleinement concertée. Cette perspective soulève en outre des questions technologiques et industrielles, notamment quant à la protection de matériels sensibles dans un environnement instable. À ces éléments s'ajoute la question des influences exercées par le régime russe sur les institutions politiques géorgiennes. Le rôle central de M. Bidzina Ivanishvili, figure dominante de la vie politique géorgienne, placée sur les listes de sanctions pour ses liens étroits avec Moscou tant par les trois États baltes que par les États-Unis d'Amérique, ainsi que l'occupation persistante de 20 % du territoire géorgien par les forces armées russes, nourrissent de légitimes inquiétudes quant à l'orientation stratégique du Gouvernement en place, au regard du contexte ainsi décrit. Elle souhaite, en conséquence, connaître son appréciation sur ces différents risques et les éléments qui permettent de garantir la compatibilité et la cohérence de toute démarche française de prospection de vente d'armements à la Géorgie avec les intérêts stratégiques de la France et les positions européennes.
Auteur : Mme Constance Le Grip
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date :
Question publiée le 16 décembre 2025