Question écrite n° 11789 :
Situation des enseignants grévistes en Cisjordanie

17e Législature

Question de : M. Jérôme Legavre
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Jérôme Legavre interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de la grève des enseignantes et enseignants en Palestine. Depuis le 13 octobre 2025 en effet, les enseignants ont décidé de recourir à la grève pour obtenir la satisfaction de leurs revendications : un salaire complet et des horaires de travail complets. Leurs salaires ont été baissés arbitrairement en juin 2025, puis seulement versés à moitié. Cela a plongé une grande partie d'entre eux dans une situation difficile et les a poussés à recourir à la grève pour obtenir leurs droits financiers et professionnels. Mais, alors même que la grève est un moyen légal et pacifique de faire valoir leurs droits pour les salariés dans ce territoire, les grévistes sont victimes de brutales pressions, de mesures punitives et de menaces pour les faire renoncer à leurs revendications et reprendre le travail sans que le fond du problème ne soit résolu. Ainsi, l'association Avocats pour la justice (située à Ramallah) a-t-elle relevé que le gouvernement de Cisjordanie a exercé « une série de violations graves à l'encontre des enseignants et enseignantes participant à la grève, allant de pressions administratives, économiques, sécuritaires et sociales, dont les plus notables sont les suivantes : menaces de licenciement, de suspension ou de mise à la retraite sans justification légale ; réduction de salaire malgré le paiement irrégulier de celui-ci (...) ; transfert arbitraire vers d'autres écoles ou directions (...) ; pressions sociales et familiales, en particulier à l'encontre des enseignantes, notamment des menaces de divorce et la création de conflits au sein de la famille pour les contraindre à reprendre le travail ; convocation de certains enseignants par les services de sécurité ; remplacement des enseignants grévistes par des remplaçants sous contrat temporaire jusqu'à la fin de l'année scolaire afin d'affaiblir la position des enseignants et de saper la grève ; harcèlement psychologique et professionnel sous forme d'intimidation, de menaces directes, d'avertissements verbaux ou de notifications informelles de privation d'avantages (...) ». En outre, soulignent les avocats, « ces faits indiquent que le cadre administratif est devenu un outil de pression et de punition collective plutôt qu'un mécanisme d'organisation du travail. Certaines de ces violations constituent une atteinte grave au droit constitutionnel de grève et créent un environnement dangereux pour les enseignant et enseignantes ». En effet, l'article 19 de la loi fondamentale dispose que « la liberté d'opinion est inviolable et que tout individu a le droit d'exprimer et de diffuser son opinion par la parole, l'écriture ou tout autre moyen d'expression ou d'art, dans le respect des dispositions de la loi ». Et la loi n° 11 de 2017 régissant le droit de grève des fonctionnaires autorise expressément le recours à la grève comme moyen de protestation et de revendication et en particulier son article 1er, qui constitue la référence juridique applicable dans le cas des enseignants. La situation de la population de Cisjordanie, comme de toute la population palestinienne, est parfaitement documentée et connue par la France et les services du ministère des affaires étrangères. Ces services eux-mêmes ont jusqu'à ces dernières années rappelé que « les contraintes de l'occupation » exercent des pressions particulièrement douloureuses sur le territoire : « perception à la source des taxes douanières par Israël et remboursement discrétionnaire (bloqué à l'occasion par mesure de rétorsion), restriction des libertés de mouvements des personnes et des biens en zone C (60 % de la Cisjordanie) contrôlée par Israël, poursuite de la colonisation, Jérusalem-Est intégrée de facto à Israël, blocus de Gaza, etc ». C'est ce qui a conduit l'État français, depuis des décennies, à soutenir financièrement les services et organismes de l'ONU (UNRWA, UNESCO), ou à constituer des partenariats internationaux venant en aide aux réfugiés palestiniens, particulièrement pour leur permettre l'accès à la nourriture, aux soins, à l'eau et l'énergie et à l'éducation. Et le Gouvernement verse des soutiens financiers au gouvernement de l'Autorité palestinienne, « afin de soutenir l'Autorité palestinienne fragilisée par le conflit en cours et dont la stabilité est une forte priorité diplomatique française ». Dans le PLF 2026, le Gouvernement a inscrit 8 millions d'euros en opération budgétaire, soulignant que « les aides budgétaires directes s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté de l'État bénéficiaire, à savoir la prise en charge d'arriérés de salaires (...). Cette enveloppe sera intégralement dédiée à l'AP en 2026, comme en 2025 ». Or la presse s'est fait l'écho, début octobre 2025, des déplorations du recteur du gouvernorat de Jénine et du vice-ministre de l'éducation de l'Autorité palestinienne : « Nous avons deux mois d'impayés et quand les salaires sont versés, cela n'excède pas 50 % à 60 %. Nous avons déjà dû repousser la rentrée d'une semaine, le temps que le Gouvernement trouve les moyens de régler une partie de ceux de juin ». Les enseignants grévistes expliquent strictement la même chose et se mobilisent parce qu'ils veulent vivre. Elle soulignait également que la police et les services de sécurité de l'AP, bien équipés et qui « représentent un bon tiers des fonctionnaires », sont décriés par la population car vus comme des supplétifs de la force occupante, prompts « à réprimer tout mouvement de contestation de l'AP » et, on le voit aujourd'hui, réprimer la mobilisation gréviste légitime des enseignants. Il va de soi que les « fragilités » de l'Autorité palestinienne soulignées par le ministère des affaires étrangères (que M. le député comprend comme l'appellation diplomatique d'une corruption galopante) et les exactions exercées par le gouvernement israélien contre la population palestinienne dans tous les territoires (rétention de l'argent des taxes douanières, bombardements, multiplication des check-points, encouragement de la colonisation) sont des entraves considérables à l'exercice de leurs droits pour les Palestiniens et pour les salariés. Au mois d'août 2025 encore, le Gouvernement a publié un communiqué dans lequel « la France condamne fermement la destruction, par les autorités israéliennes, d'une école en cours de construction dans le nord de la Cisjordanie, financée par l'AFD, en lien avec l'UE », précisant qu'« il s'agit de la deuxième démolition d'un projet financé par l'AFD en Cisjordanie, à laquelle s'ajoute la destruction du centre de l'Association Al-Bustan, à Jérusalem-Est, soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et 21 collectivités locales françaises ». Le ministre israélien des finances et ministre de tutelle de la Cisjordanie occupée au sein du ministère de la défense, M. Smotrich, « a suspendu tous les paiements à l'Autorité palestinienne » et revendiqué « qu'il recherchait l'effondrement du Gouvernement palestinien par un « étranglement économique » » (AFP). Dans ces circonstances, M. le député souhaite connaître les dispositions que va prendre le Gouvernement afin que les fonds que la France envoie à l'AP servent effectivement au paiement des salaires, et afin que cessent les menaces et la répression contre les grévistes et qu'une solution conforme au droit et à leurs droits, soit apportée à la situation financière, professionnelle et personnelle des enseignants en Cisjordanie : respect du droit de grève et paiement intégral des salaires. Il souhaite également connaître les moyens par lesquels le Gouvernement entend conduire l'État israélien à cesser l'occupation et les exactions commises contre le peuple palestinien.

Données clés

Auteur : M. Jérôme Legavre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date :
Question publiée le 16 décembre 2025

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