Décret portant annulation de crédits « Conseil supérieur magistrature »
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, pris à la suite de son annonce de dix milliards d'euros d'économies pour 2024. M. le député s'interroge en premier lieu sur l'insincérité budgétaire du budget 2024, qui découle directement d'un tel décret pris moins de deux mois après son adoption. En second lieu, M. le député dénonce la volonté assumée du Gouvernement de s'attaquer en réalité aux services publics en dégradant directement leur fonctionnement. Cette décision inspirée notamment du new public management est un non-sens économique ; une telle baisse des dépenses publiques alors que la croissance est en berne risque d'avoir un effet récessif pesant lourdement sur l'activité économique et va peser plus lourdement sur les Français et Françaises les plus précaires. Précisément, M. le député attire l'attention de M. le ministre sur la mission « Justice », qui se voit amputée de 327 877 590 euros. M. le député est inquiet de ces baisses importantes qui touchent des services publics déjà en grande souffrance et indispensables aux citoyens et aux citoyennes. Aussi, il souhaiterait que lui soit précisé si le Gouvernement entend revenir sur la partie du décret portant annulation des dépenses de l'État pour 2024 sur le programme « Conseil supérieur magistrature » dont le montant des annulations s'élève à 199 068 euros. À défaut, M. le député souhaiterait que lui soit communiqué le détail de ces annulations par action et par budget opérationnel de programme. Enfin, il souhaiterait connaître les modalités de détermination de ces annulations et notamment comment les partenaires sociaux ont été associés au sein du ministère concerné, en l'espèce le ministère de la justice avant et après la publication du décret.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Les décisions prises par le Gouvernement en début de gestion 2024, plus particulièrement le décret n° 2024-124 du 21 février, n'ont en rien entaché la sincérité de la loi de finances initiale. Le principe de sincérité bugétaire, sur la base d'une jurisprudence constante en la matière, doit se lire au regard de l'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances, ce qui ne ressort pas comme ayant été le cas, à quelconque étape de l'examen du texte au Parlement. C'est sur la base du constat, au terme du 2nd semestre 2023, d'un ralentissement de l'activité plus marqué que prévu, et de perspectives moins favorables pour 2024, qu'il a été décidé d'agir, rapidement, afin de préserver autant que faire se peut les grands équilibres des projections budgétaires justement soumises à l'examen du Parlement. Dans un premier temps, la prévision de croissance pour 2024 a ainsi été revue en début d'année 2024, à +1,0 %, contre +1,4 %. Cela s'est expliqué en particulier par le contexte économique international défavorable, marqué par la poursuite de chocs géopolitiques et par le net ralentissement de l'activité chez nos partenaires économiques : le Gouvernement allemand avait, à titre d'exemple, révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2024 de +1,3 % à +0,2 %. L'élan pour 2024 à la fin 2023 s'est ainsi avéré plus réduit que prévu au moment de la présentation et de l'examen du projet de loi de finances initiale, avec un acquis de croissance de +0,2 % à l'issue du 4e trimestre 2023 et de +0,5 % à l'issue du premier trimestre 2024. Ensuite, des mesures fortes, inédites et immédiates, de maîtrise de la dépense, ont été portées pour faire face aux baisses constatées et prévisionnelles de recettes, résultant nécessairement de cette dégradation du scénario macroéconomique. Ces mesures ont été prises avec vigilance sur deux éléments en particulier : la limitation de l'effet de ces mesures sur l'activité économique ; la préservation de la qualité des services publics et des objectifs prioritaires de politique publique. Concernant l'effet mécanique sur la croissance, ces annulations ont été calibrées de telle sorte qu'il soit non significatif. Une partie des réductions de dépenses n'a en effet pas vocation à engendrer de conséquence macroéconomique directe, comme l'annulation des crédits concernant l'aide publique au développement, ou la baisse des charges d'intérêt. D'autres mesures d'économies ciblées présentent un multiplicateur budgétaire réduit : c'est notamment le cas de la réduction des crédits de Ma Prime Rénov', l'activité du secteur de l'entretien-rénovation étant principalement contrainte par l'offre plutôt que par la demande, ou de l'instauration d'une participation pour l'utilisation du compte personnel de formation (CPF), incitant les bénéficiaires à privilégier les formations les plus pertinentes sans nécessairement réduire la demande globale de formation. Au total, la croissance française s'est établie en 2024 à 1,1 %, en ligne avec les prévisions révisées en début d'année, sans que le pilotage des dépenses de l'Etat tout au long de l'année, y compris postérieurement au décret d'annulation (surgel, plafonds de dépenses, annulation nette complémentaire en loi de fin de gestion) n'ait eu d'effet baissier notable. Concernant les modalités de détermination des annulations, le décret d'annulation a, en premier lieu, été fondé sur des modalités distinguant des situations spécifiques, des mesures ciblées, et un effort transversal. Pour les premières, à titre d'illustration et pour ce qui concerne les crédits hors dépenses de personnel (HT2), le ministère des Armées a été exonéré du décret d'annulation, compte tenu de la situation géopolitique. Les dépenses de pensions et de retraites financées par la mission « Régimes sociaux et de retraite » ont également été exonérées du fait de leur caractère peu pilotable en infra-annuel et de l'absence de données nouvelles sur les besoins effectifs à fin d'année. Enfin, en vertu du principe de séparation des pouvoirs et de la nécessité d'assurer le principe d'autonomie financière de ces derniers, aucune mesure de régulation n'a été réalisée sur la mission « pouvoirs publics » à l'initiative du Gouvernement. Ensuite, le décret d'annulation a été construit pour partie sur des annulations ciblées, parmi lesquelles des annulations sur le dispositif MaPrimeRénov' ou sur les dépenses d'aide publique au développement, ou assorties d'un pilotage fin, comme sur la masse salariale de l'État, avec une limitation forte des mesures nouvelles non prévues dans le budget initial. Enfin, le décret d'annulation a été fondé sur des annulations transverses sur le budget de l'État, portant en grande partie, et de manière transversale, sur des crédits mis en réserve au titre de dépenses pilotables, qu'il s'agisse de dépenses de fonctionnement ou de dépenses d'investissement, pour lesquelles une priorisation ou un rééchelonnement des dépenses étaient considérés possibles, sans que cela implique une quelconque dégradation de la qualité des services publics ou porte atteinte aux objectifs prioritaires. En méthode, de manière générale, il doit être précisé que la ventilation fine des annulations de crédits au sein des programmes, ainsi que l'assurance de leur soutenabilité, relève in fine de la responsabilité de chacun des responsables de programme, au sein de chacun des ministères compétents. C'est en ce sens qu'un travail de reprogrammation des dépenses pour l'année 2024 avait été engagé dans la continuité du décret d'annulation par les responsables de programme, dont la compétence en la matière est fondée sur l'article 70 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. De la même manière, les conditions de dialogue avec les partenaires sociaux relèvent de la responsabilité propre des ministères en charge des missions visées par les questions écrites. Ceci étant, les documents annexés au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, en particulier les rapports annuels de performance, reviennent de façon exhaustive et détaillée sur les conséquences qu'ont pu avoir ces annulations, ainsi que les décisions de gestion qui ont pu suivre. D'une manière générale, au fond, les résultats de la gestion, tels qu'ils ressortent du projet de loi déposé par le Gouvernement, montrent que les mesures vigoureuses prises en gestion sur la dépense de l'Etat s'avéraient nécessaires au regard de la dégradation du contexte et qu'elles ont porté leur fruit pour limiter la dégradation de notre trajectoire de finances publiques, sans dégrader la qualité du service public ou les ambitions prioritaires portées par l'Etat.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Finances publiques
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Comptes publics
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025