Répercussions de l'austérité dans les services publics et les EHPAD publics
Question de :
Mme Marie Mesmeur
Ille-et-Vilaine (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Marie Mesmeur interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les répercussions de l'austérité dans les services publics et en particulier sur le financement des EHPAD. Le Gouvernement a décidé de reprendre le budget qui a fait chuter M. Michel Barnier, au mépris du vote de cette Assemblée, prévoyant 50 milliards d'économies dont 10 milliards supplémentaires. Les services publics et les collectivités territoriales sont les premiers touchés par l'austérité. Mme la députée aimerait évoquer en particulier le service public du grand âge. 85 % des EHPAD publics affichent un résultat déficitaire à la fin 2023 d'après la Fédération hospitalière de France. Ils sont pris en étau entre l'augmentation des besoins et celle des charges. Qualité d'accueil et conditions de travail sont menacées. Concomitamment, les groupes privés lucratifs imposent des tarifs exorbitants aux familles. Dans la ville de Bruz, l'EHPAD public affiche un déficit d'au moins 500 000 euros en 2024 alors qu'il était en excédent en 2021. Le manque de moyens pousse des élus locaux à réagir. En Bretagne, 16 maires, soutenus par les quatre départements bretons et conduits par M. Xavier Compain, maire de Plouha, ont porté plainte contre l'État pour carence. La négligence de l'État, qui entraîne une « maltraitance institutionnelle » à l'égard des résidents et des usagers des EHPAD, est en cause. Leur collectif, baptisé « Territoire en résistance pour le grand âge », réunit plus de 330 collectivités bretonnes et 5 000 élus. Trente-six parlementaires le soutiennent également. Ils demandent à ce que le secteur soit renfloué pour prendre soin correctement des personnes âgées dépendantes. La mairie de Bruz, comme les autres collectivités en souffrance, peut-elle espérer un soutien de l'État ? M. le ministre va-t-il engager le budget de l'État pour sauver les EHPAD publics ? Plus largement, la situation est déjà critique pour tous les services publics : 4 universités sur 5 sont en déficit, d'après France université ; 14 départements sont en grande difficulté financière et une trentaine en quasi cessation de paiement ; et le déficit des hôpitaux a triplé en un an. M. le ministre ne peut raisonnablement pas mettre tout le monde sous tutelle. Par conséquent, elle lui demande de renoncer aux coupes budgétaires annoncées dans le budget 2025 pour protéger les services publics et les publics nécessitant la solidarité nationale et souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025
EHPAD PUBLICS
M. le président . La parole est à Mme Marie Mesmeur, pour exposer sa question, no 117, relative aux Ehpad publics.
Mme Marie Mesmeur . Le gouvernement a décidé de reprendre le budget qui a fait chuter le dernier gouvernement et de l’aggraver. C'est du Barnier en pire, au mépris du vote de cette assemblée et toujours du vote des Français en juillet dernier. Votre obsession austéritaire saigne les services publics et les collectivités territoriales, les biens communs de ceux qui n'ont rien.
J'évoquerai en particulier le service public du grand âge. Les Ehpad publics, dont 85 % affichent un résultat déficitaire à la fin 2023, sont pris en étau entre l'explosion des besoins et l'augmentation inexorable des charges, et risquent la mise sous tutelle, voire la fermeture. Dans tous les cas, les conséquences sont dramatiques : qualité d’accueil en chute libre, soignants épuisés, fermetures d'établissements imminentes. Pendant ce temps, des groupes privés lucratifs imposent des tarifs exorbitants aux familles. Politique de malheur !
Dans la ville de Bruz, dans ma circonscription, l'Ehpad public affiche un déficit d'au moins 500 000 euros en 2024 alors qu'il était en excédent en 2021.
Votre austérité pousse des élus locaux à réagir. En Bretagne, cette terre de combat, seize maires soutenus par le département d'Ille-et-Vilaine ont porté plainte contre l'État pour carence, à l'initiative de Xavier Compain, maire de Plouha. La négligence de l'État, qui entraîne une maltraitance institutionnelle, est en cause. Le collectif de ces maires, baptisé Territoires en résistance pour le grand âge, réunit plus de 330 collectivités bretonnes, 5 000 élus et 36 parlementaires. Ils ne demandent qu'une chose : que le secteur soit renfloué afin qu'il soit pris correctement soin des personnes âgées dépendantes.
Ces déficits ne sont pas seulement une ligne comptable. Prendre soin de nos aînés, c'est honorer celles et ceux qui ont bâti ce pays. Les abandonner à la précarité, c'est rompre le fil qui lie les générations.
La commune de Bruz et les autres collectivités en souffrance peuvent-elles encore espérer une prise de conscience de l'État ou resteront-elles livrées à elles-mêmes ? Plus largement, avant même les coupes prévues dans votre budget de misère, la situation est déjà critique pour tous les services publics : quatre universités sur cinq sont en déficit, d'après France Universités, quatorze départements sont en grande difficulté financière et une trentaine en quasi-cessation des paiements, et le déficit des hôpitaux a triplé en un an, ce qui a conduit les présidents de trente-deux centres hospitaliers universitaires (CHU) à tirer la sonnette d’alarme.
Vous ne pourrez pas mettre tout le monde sous tutelle et votre budget qui dépense 23,4 milliards d'euros de moins que le budget pour 2024 ne peut que ruiner davantage nos biens communs. Que comptez-vous faire ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . Le gouvernement prend toute la mesure des difficultés financières que rencontrent les Ehpad, notamment publics. Les moyens accordés à ces structures ont largement augmenté, pour ce qui est de la partie financée par la sécurité sociale. Je rappelle que l'Ondam, l'objectif national de dépenses d’assurance maladie, au profit des personnes âgées a progressé de 4,68 % entre 2023 et 2024. Ainsi, 650 millions d'euros ont bénéficié aux Ehpad. Je rappelle également que l'ensemble des mesures salariales prises ont été financées par l'État, pour la part du cofinancement qui relève de la sécurité sociale.
Le gouvernement a également pris la mesure de l'inflation et de l'augmentation de la charge que représentent les soins et le traitement de la dépendance dans les Ehpad, et leur alloue 130 millions d'euros supplémentaires chaque année pour y faire face.
Outre cette progression, plusieurs fonds d'urgence ont été créés depuis 2023 afin de répondre aux difficultés. En 2023, c'est un fonds abondé de 100 millions d'euros qui a été créé. Il a été reconduit en 2024 et 2025, les sénateurs ayant voté un amendement en ce sens, tandis que le gouvernement a accepté la majoration de l'aide apportée, à hauteur de 200 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 300 millions d'euros supplémentaires consacrés aux Ehpad.
En dépit du soutien qui leur a été accordé, force est de constater que leur situation a continué de se dégrader jusqu'en 2023. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, pour 2025 doit permettre de lancer l'expérimentation relative à la fusion des sections soins et dépendance le 1er juillet 2025 et ainsi d'élargir le financement des Ehpad par la sécurité sociale. C'est une demande formulée depuis plusieurs années. Ce nouveau régime de financement, outre qu'il répond à un besoin de simplification des procédures, a pour objet de rehausser le niveau de financement des Ehpad en intégrant une plus grande partie de leur budget dans le périmètre de la branche autonomie. Il donnera également lieu à une harmonisation des valeurs de point GIR – groupes iso-ressources – que les différents départements fixent aujourd'hui de manière très hétérogène.
J'ajoute que la loi de 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie a introduit l'obligation pour les établissements publics d'appartenir à un groupe territorial. Dans un contexte marqué par la fragilité économique des Ehpad, les stratégies de coopération et de mutualisation à l'échelle d'un territoire peuvent constituer un moyen pour les établissements d'améliorer leurs performances et de retrouver un équilibre financier. Cette même loi prévoit également l'instauration de tarifs différenciés pour les Ehpad, qui sont à l'heure actuelle entièrement soumis à un tarif fixé par le département. À compter de janvier 2025, ils auront la possibilité d'opter pour un tarif d'hébergement libre pour les résidents non bénéficiaires de l'ASH, l'aide sociale à l'hébergement. J'invite les départements, qui y ont tout intérêt, à se saisir de cette possibilité. Cette disposition devrait permettre aux établissements concernés de retrouver des marges financières.
M. le président . La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur . Vos fonds d'urgence ne suffisent pas car vous laissez les Ehpad et tous les services publics agoniser depuis trop longtemps. Vous évoquez une expérimentation mais elle n'a pas lieu parce que vous bloquez le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2025 à coups de 49.3.
La réalité est que vous vous livrez à un chantage au budget. Nous en avons un, celui de 2024, dans la mesure où nous avons voté la loi spéciale. Même l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, affirme que le budget pour 2024 serait plus favorable que le budget austéritaire que vous faites passer en force par 49.3.
En vérité, vous cassez tous les biens communs qui font l'histoire de la France et mettez tous les services publics au service du privé lucratif. Notre modèle ne sera jamais le vôtre mais toujours celui de l'intérêt commun, de la dignité de tous et des solidarités.
J'espère que la plainte des élus bretons sera entendue et que d'autres maires, avec le soutien des collectivités, les rejoindront afin que la justice vous condamne et vous oblige à agir.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Puis-je répondre, monsieur le président ?
M. le président . Je suis désolé, madame la ministre, votre temps de parole est écoulé.
Auteur : Mme Marie Mesmeur
Type de question : Question orale
Rubrique : Dépendance
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025