Occupation illégale des logements
Question de :
Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Sophie Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des propriétaires confrontés à l'occupation illégale de leur logement, qui se retrouvent parfois poursuivis et condamnés au pénal lorsqu'ils tentent de récupérer leur bien. Elle rappelle qu'une affaire récente, largement médiatisée, met en cause une propriétaire d'Andernos-les-Bains (Gironde) dont la maison, vide en raison d'une succession, avait été occupée pendant plusieurs mois par un squatteur. Souhaitant vendre le bien pour faire face aux frais successoraux, cette dernière a, dans un contexte de grande détresse, fait appel à deux individus pour déloger l'occupant sans droit ni titre. À l'issue de la procédure, le tribunal correctionnel de Bordeaux l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et à verser des dommages et intérêts au squatteur pour des violences commises dans le cadre de cette expédition punitive. Sans contester que le recours à la violence privée doive être sanctionné, cette décision nourrit dans l'opinion publique un sentiment d'incompréhension et d'inversion des valeurs : d'un côté, un occupant illégal bénéficie d'une protection procédurale complète ; de l'autre, le propriétaire, qui supporte les charges du bien et en assume la responsabilité civile et fiscale, se voit exposé à une sanction pénale lourde lorsqu'il cherche, même de manière maladroite et répréhensible, à mettre fin à une situation vécue comme une spoliation. Mme la députée rappelle que la loi du 27 juillet 2023, dite loi « antisquat » (loi « Kasbarian-Bergé »), visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, a déjà fortement renforcé l'arsenal juridique en la matière : peines portées jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour les squatteurs, clarification de la notion de domicile, extension de la procédure administrative accélérée d'expulsion et création de délits spécifiques pour les occupants qui se maintiennent dans les lieux après une décision d'expulsion. Un an après l'entrée en vigueur de ce texte, la presse spécialisée et les observateurs soulignent une hausse significative des expulsions avec concours de la force publique, de l'ordre de 23 % entre 2022 et 2023 et une accélération des procédures à l'encontre des locataires en situation d'impayés. Pour autant, ces évolutions n'ont manifestement pas suffi à dissiper le sentiment, très ancré chez de nombreux petits propriétaires, d'être moins protégés par l'État que les occupants illégaux. Les affaires où le propriétaire se retrouve poursuivi et condamné, tandis que le squatteur demeure ou a longtemps demeuré dans les lieux, sont perçues comme le symptôme d'un déséquilibre profond entre le droit de propriété, pourtant garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la protection procédurale accordée aux occupants, y compris lorsqu'ils n'ont aucun titre légitime. Mme la députée souhaite également attirer l'attention de M. le ministre sur l'évolution de certains États européens, notamment l'Italie, qui ont fait le choix d'affirmer plus clairement la primauté de la protection du domicile et de la propriété privée dans les situations de squat. Le décret « sécurité » adopté en 2025 par le gouvernement italien a créé un délit spécifique d'occupation illégale d'un logement d'autrui, passible de peines pouvant aller jusqu'à sept ans de prison, et a introduit une procédure de restitution particulièrement rapide, avec intervention immédiate des forces de l'ordre lorsque le bien occupé constitue la résidence principale du propriétaire, avec une évacuation déclenchée d'office par la police et validée par un juge en moins de dix jours. Dans une partie de l'Europe, l'occupation illégale d'un logement est traitée rapidement et avec fermeté. En Allemagne, au Danemark et dans les pays nordiques, la protection du droit de propriété est immédiate, ce qui empêche les situations de squat durables. En Espagne, la loi « okupas » de 2025 prévoit une expulsion en quelques jours grâce à des procédures accélérées. La France, elle, reste en retrait sur ce point. Le Gouvernement est-il disposé à ouvrir un chantier législatif visant à réaffirmer clairement la primauté du droit de propriété dans le traitement des situations de squat, en renforçant encore les moyens d'action des forces de l'ordre et des préfets, tout en redonnant aux propriétaires la certitude qu'ils ne seront plus, dans ces affaires, les grands oubliés de la protection pénale ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour éviter que des propriétaires, souvent âgés ou modestes, confrontés à des délais et à des coûts de procédure importants, ne se retrouvent pénalisés plus lourdement que les occupants sans droit ni titre, alors même qu'ils sont, en droit, victimes d'une atteinte à leur propriété ? Elle lui demande enfin si le Gouvernement envisage d'introduire dans le droit français des garanties supplémentaires pour les victimes de squat, par exemple sous la forme d'une procédure de réintégration accélérée systématique pour la résidence principale, d'une cause d'atténuation de responsabilité pénale dans des cas de détresse manifeste, ou d'une modulation des peines tenant compte du rapport entre l'atteinte initiale (le squat) et la réaction du propriétaire.
Auteur : Mme Sophie Blanc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date :
Question publiée le 16 décembre 2025