Question écrite n° 11847 :
Allégement des contrôles des produits phytopharmaceutiques déjà autorisés

17e Législature

Question de : M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Édouard Bénard attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire sur les projets européens visant à alléger significativement la réglementation relative à l'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Le cadre juridique européen en matière de pesticides repose sur le règlement n° 1107 du 21 octobre 2009 du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. Ce règlement prévoit un régime d'autorisation limité dans le temps, fondé sur des réévaluations périodes, tous les dix à quinze ans, afin de garantir que les substances autorisées demeurent compatibles avec le dernier état des connaissances, notamment provenant des sciences réglementaires. Ce dispositif s'inscrit dans l'application du principe de précaution, consacré à l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et constitue l'un des piliers du Pacte vert européen en matière de protection de la santé humaine, de la biodiversité et des écosystèmes. Or le paquet législatif dit « Omnibus VII » (actuellement en discussion au niveau européen) envisage de remettre en cause ces mécanismes de réévaluation. Ces évolutions pourraient ainsi aboutir à des autorisations de mise sur le marché sans échéance réelle, au mépris de l'évolution des connaissances scientifiques et des nouvelles études réalisées entre-temps, remettant profondément en cause le règlement (CE) n° 1107/2009 et participant plus largement au détricotage progressif du Pacte vert européen, ce qui représenterait un recul majeur d'un point de vue environnemental et sanitaire. Certes, la Commission européenne fait valoir qu'un réexamen resterait théoriquement possible lorsqu'apparaissent de nouvelles données scientifiques, mais ce mécanisme serait exclusivement subordonné à une demande d'un État membre, la Commission demeurant seule décisionnaire de l'opportunité d'engager ou non cette réévaluation, sans critères précis, transparents ni juridiquement encadrés permettant d'en garantir l'effectivité. Un tel dispositif, non automatique et largement discrétionnaire, apparaît dès lors insuffisant pour assurer une prise en compte réelle et systématique des avancées scientifiques. En outre, même dans l'hypothèse peu probable d'un retrait d'une substance active, les délais transitoires resteraient particulièrement longs (six mois pour la vente et un an pour l'utilisation) avec la possibilité d'une prolongation pouvant atteindre 36 mois lorsqu'aucune alternative jugée efficace n'est identifiée, prolongeant ainsi l'exposition des populations et des écosystèmes à des substances dont la dangerosité aurait pourtant été établie. Ces inquiétudes sont relayées par une lettre ouverte signée par plus de 2 300 médecins et scientifiques, qui alertent sur les conséquences sanitaires et environnementales d'une telle déréglementation. Ils soulignent que nombre de pesticides aujourd'hui interdits l'ont été précisément à l'issue de réévaluations tardives, ayant mis en évidence des effets cancérogènes, neurotoxiques ou perturbateurs endocriniens. La suppression de ces contrôles périodiques exposerait particulièrement les travailleurs agricoles, les populations vulnérables, notamment les femmes enceintes et les enfants, ainsi que la biodiversité, à des risques sanitaires et écologiques durables. Dans ce contexte, la simplification réglementaire ne saurait se traduire par une mise en danger de la santé publique et de la sécurité alimentaire. En France, ces préoccupations s'inscrivent dans un contexte institutionnel préoccupant. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), chargée de l'évaluation des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, a vu son cadre d'intervention et son indépendance fragilisés à la suite de la loi dite « Duplomb » et du décret n° 2025-629 du 8 juillet 2025. Par ailleurs, la Cour administrative d'appel de Paris, par une décision du 3 septembre 2025, a rappelé que l'État est tenu de fonder ses décisions en matière d'autorisations de pesticides sur le dernier état des connaissances scientifiques, engageant ainsi sa responsabilité en cas de carence. Le choix du Gouvernement de se pourvoir en cassation contre cette décision a suscité de vives interrogations quant à l'orientation retenue en matière de protection sanitaire et environnementale. Par conséquent, il lui demande de préciser ses positions sur les propositions portées par la Commission européenne dans le cadre du paquet « Omnibus VII » relatives à l'allègement des procédures de réévaluation des produits phytopharmaceutiques et, le cas échéant, de lui indiquer les initiatives qu'il serait susceptible d'engager auprès des instances européennes concernées.

Données clés

Auteur : M. Édouard Bénard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Date :
Question publiée le 23 décembre 2025

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