Question écrite n° 11858 :
Contradiction - Arrachage haies bocagères

17e Législature

Question de : Mme Sandra Delannoy
Nord (3e circonscription) - Rassemblement National

Mme Sandra Delannoy interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, sur les contradictions potentielles entre les objectifs nationaux de préservation du linéaire bocager et les modalités du projet de décret relatif à la destruction des haies actuellement soumis à consultation publique. Selon les données officielles rappelées dans la note de présentation du projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies (NOR TECL2521973D), la France continue de connaître un déclin accéléré de son bocage, avec une perte annuelle moyenne évaluée à 23 500 kilomètres de haies entre 2017 et 2022, malgré l'existence d'un cadre réglementaire déjà dense. Plus largement, les travaux de l'Office français de la biodiversité indiquent que près de 70 % du linéaire de haies a disparu depuis les années 1950, entraînant une diminution importante des habitats d'espèces, une perte de connectivité écologique et une réduction des capacités de stockage de carbone, alors que les haies françaises représenteraient environ 60 millions de tonnes de carbone stocké. Face à cette situation, le Gouvernement a présenté en septembre 2023 un « Pacte en faveur de la haie » dont l'ambition est d'atteindre un gain net de 50 000 km de haies d'ici 2030. Dans le même temps, les acteurs locaux - agriculteurs, associations de chasse, collectivités, réseaux d'agroforesterie - multiplient les efforts pour replanter, restaurer et gérer durablement les haies, souvent sur fonds propres ou dans le cadre de dispositifs territoriaux. Pourtant, le projet de décret soumis à consultation vise à simplifier et unifier les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable assortie, le cas échéant, d'une autorisation unique et en prévoyant une compensation « au moins équivalente ». Dans ce contexte, Mme la députée souhaite également rappeler que sa circonscription, l'Avesnois, est l'un des territoires bocagers les plus emblématiques de France. La densité exceptionnelle de son maillage de haies, sa fonctionnalité écologique et son identité paysagère en font un territoire directement et fortement concerné par toute évolution réglementaire touchant à la destruction, la gestion ou la compensation des haies. Les habitants, les agriculteurs et les élus locaux expriment, depuis plusieurs mois, leur inquiétude face à des modifications perçues comme incohérentes, parfois déconnectées des enjeux locaux et susceptibles d'affecter durablement un bocage dont la valeur écologique et paysagère est unanimement reconnue. Mme la députée se fait ainsi l'écho d'un attachement profond à cette trame paysagère et s'inquiète de décisions nationales jugées instables ou insuffisamment articulées avec les réalités du terrain. Ces inquiétudes ont été récemment renforcées par l'avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), rendu le 19 novembre 2025, qui formule plusieurs critiques substantielles sur le projet de décret. Le CNPN relève notamment que le texte pourrait, dans sa version actuelle, conduire à une augmentation nette des destructions, alors même que la France s'est engagée à atteindre un gain de linéaire. Il souligne des insuffisances juridiques et scientifiques majeures, en particulier l'absence de critères garantissant l'équivalence écologique des compensations, la faiblesse de certains coefficients, le plafonnement injustifié des ratios de replantation et l'absence de prise en compte de la maturité écologique des haies détruites. L'avis indique également que plusieurs définitions essentielles, ainsi que les documents techniques devant accompagner le décret, ne sont pas encore stabilisés ou suffisamment précis pour garantir une application rigoureuse, ce qui expose à un risque accru de dérives et de contournements, notamment via le saucissonnage des projets ou la multiplication des accords tacites. Le CNPN alerte en outre sur les capacités de contrôle insuffisantes des services départementaux, rappelant que sans moyens supplémentaires et sans mécanisme de suivi renforcé, la compensation pourrait rester théorique, créant un décalage croissant entre les destructions autorisées et la reconstitution effective du maillage bocager. Il s'inquiète enfin d'un manque de cohérence globale entre ce décret et les engagements nationaux et européens, notamment le règlement sur la restauration de la nature, estimant qu'un tel texte, s'il n'est pas renforcé, risque de placer la France en contradiction avec les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés. Si la volonté d'unification répond à la complexité réelle d'un système reposant aujourd'hui sur treize législations distinctes, ce dispositif soulève de fortes inquiétudes sur le terrain. En internalisant la complexité administrative au sein d'un guichet unique, le nouveau régime pourrait être perçu comme un abaissement des freins à l'arrachage, dans un contexte où les destructions restent massives malgré l'arsenal réglementaire en place. Les acteurs locaux craignent que la simplification des démarches ne se traduise, de facto, par une facilitation des suppressions de haies, alors même que le bocage connaît déjà une érosion structurelle documentée. Plusieurs contributions à la consultation soulignent par ailleurs une contradiction manifeste entre les objectifs du Pacte haie et un dispositif qui rend la procédure de destruction plus lisible, mais potentiellement plus accessible. D'autres inquiétudes portent sur le principe même de « compensation équivalente ». Les experts en écologie bocagère rappellent qu'une haie ancienne, structurée et connectée, ne peut être remplacée fonctionnellement par une haie nouvellement plantée avant plusieurs dizaines d'années. Or le projet de décret prévoit une compensation linéaire minimaliste en matière de métrage, sans préciser les critères agroécologiques nécessaires à une équivalence réelle (essences locales, composition, largeur, continuité paysagère, taux de reprise, contrôle à 5 ans). Les documents mis en consultation ne détaillent pas non plus les modalités de contrôle effectif de ces compensations, alors que les services départementaux connaissent déjà des tensions de moyens importantes, susceptibles d'entraîner des disparités territoriales dans la mise en œuvre. Enfin, les acteurs de terrain pointent un manque d'articulation entre ce nouveau régime de destruction et les politiques d'accompagnement de la gestion durable. L'enjeu majeur ne réside pas seulement dans l'encadrement des arrachages, mais aussi dans la capacité de l'État à soutenir l'entretien, la formation, la valorisation du bois bocager et les mécanismes incitatifs à la préservation. Plusieurs organisations rappellent que l'objectif de gain net de 50 000 km ne pourra être atteint qu'en évitant toute augmentation des destructions autorisées, même compensées. Au regard de ces éléments, Mme la députée souhaite interroger Mme la ministre sur les garanties que le Gouvernement entend apporter pour que la simplification administrative des procédures de destruction ne se traduise en aucune manière par un accroissement des arrachages, ni par une banalisation de la destruction compensée. Elle lui demande également de préciser les dispositifs opérationnels prévus pour assurer la qualité écologique réelle des haies replantées, ainsi que les moyens alloués au contrôle et au suivi des compensations. Elle souhaite enfin connaître les mesures prévues pour associer pleinement les acteurs ruraux - agriculteurs, forestiers, associations de chasse, collectivités et organisations de protection de la nature - à la détermination des coefficients de compensation, des périodes d'interdiction des travaux et des pratiques usuelles d'entretien, afin de garantir la cohérence de l'ensemble du dispositif avec les objectifs nationaux de restauration du bocage.

Données clés

Auteur : Mme Sandra Delannoy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales

Date :
Question publiée le 23 décembre 2025

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