Crise conchylicole et mauvaise qualité de l'eau de l'étang de Thau
Question de :
M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Sylvain Carrière interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la forte mortalité des huîtres dans l'étang de Thau, qui condamne à court et moyen terme l'ensemble de la filière et de fait un savoir-faire ancestral. L'étang de Thau subit de plein fouet l'activité humaine. Le changement climatique a entraîné un effondrement des précipitations, une augmentation accrue de l'évaporation, une acidification de l'eau ainsi qu'une augmentation de la température de l'eau. Dans le même temps, la pression anthropique du fait de l'urbanisation accrue sur les pourtours de l'étang de Thau réduit l'écoulement naturel et limite l'alimentation naturelle en eau douce par la nappe phréatique mais aussi en nutriments. En conséquence, la salinité de l'étang augmente fortement. De 32 g/l, il y a quelques années, elle est aujourd'hui autour de 38 g/l avec des pics à 42g/l. Ces concentrations contribuent avec d'autres facteurs à l'accroissement de la mortalité des coquillages par les conditions propices au développement de certaines bactéries létales pour les huîtres, mais non nocives pour le consommateur. En 2023, la synthèse des déclarations REPAMO fait ainsi état de 73 % de mortalité estivale des coquillages dans l'étang de Thau, principalement à cause du pathogène Vibrio aesturianus. La présence de ce pathogène est accrue par une forte salinité, les fortes températures, même si dans les cas précis de l'étang de Thau l'origine exacte reste à déterminer précisément par l'IFREMER. Pourtant, la pollution de l'eau est la conséquence directe de la forte pression anthropique en amont du bassin versant et les conchyliculteurs en sont les « pollués payeurs ». En effet, les collectivités alentour développent des projets urbanistiques massifs. C'est le cas de la ville de Sète, dont le réseau unitaire n'est pas dimensionné pour la ville, ce qui entraîne des rejets dans la nature. Dans le même temps, la collectivité prévoit de créer 1 800 logements supplémentaires. La situation est similaire pour la ville de Marseillan qui prévoit la création de la ZAC Pioch du Pire qui va être reliée à un système d'assainissement déjà dysfonctionnel. En cas de fortes précipitations hivernales, les réseaux déborderont comme ce fut déjà le cas en 2022 avec une crise du norovirus empêchant toute vente au moment des fêtes de fin d'année et condamnant durablement l'image de marque de la production. Ainsi, il convient de raisonner à plusieurs échelles temporelles pour le bassin de Thau. À court terme, afin de garantir aux conchyliculteurs la possibilité de conserver une trésorerie suite aux crises norovirus 2022 et à la mortalité massive 2023-2024, il est nécessaire de calibrer correctement le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA). Aujourd'hui le fonds vise à pallier les chutes de chiffres d'affaires, en comparaison à la moyenne olympique. Pour autant, seul un professionnel sur les 130 ayant fait une déclaration de perte en 2023 dans l'application REPAMO a été éligible à une compensation. En effet, les conchyliculteurs pour faire face à la mortalité et à leurs charges incompressibles sont obligés de faire de l'achat-revente, qui impacte la marge brute et non le chiffre d'affaires. Le chiffre d'affaires n'est donc pas suffisamment impacté pour prétendre au FEAMPA. Il s'agirait donc de raisonner en marge brute qui est la plus révélatrice de la crise traversée par la profession. De manière parallèle, il convient de réduire les causes à l'origine de la pollution aquatique de l'étang de Thau, qui est un site Natura 2000. C'est-à-dire d'avoir des schémas d'aménagement urbain en accord avec la préservation du milieu naturel et de la qualité de l'eau. Par ricochet, cela garantit l'avenir des activités conchylicole et halieutique. Ainsi, M. le député aimerait savoir si Mme la ministre a prévu d'effectuer, à courte échéance, une refonte des critères d'éligibilité au FEAMPA. Aussi, il souhaite connaître sa position sur l'urbanisation massive sur le pourtour de l'étang de Thau et la pression qu'elle exerce sur le milieu naturel mais surtout savoir comment il est envisagé concrètement de garantir le maintien de l'activité conchylicole et ses externalités sur l'étang de Thau.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025
CONCHYLICULTURE
M. le président . La parole est à M. Sylvain Carrière, pour exposer sa question, no 119, relative à la conchyliculture.
M. Sylvain Carrière . Je tiens à vous alerter sur le caractère catastrophique pour la conchyliculture de la situation actuelle de l'étang de Thau. La forte mortalité des huîtres y condamne à court et moyen terme l'ensemble de la filière conchylicole, et partant, un savoir-faire ancestral propre au terroir héraultais.
L'étang de Thau subit de plein fouet les conséquences de l'activité humaine : le changement climatique a entraîné un effondrement des précipitations, une augmentation accrue de l'évaporation, une acidification de l'eau ainsi qu'une élévation de sa température. Dans le même temps, la pression anthropique causée par l'urbanisation accrue de ses pourtours réduit l'écoulement naturel des eaux et limite l'alimentation naturelle de l'étang en eau douce et en nutriments issus de la nappe phréatique. En conséquence, la salinité de l'étang n'a cessé d'augmenter : de l'ordre de 32 grammes par litre il y a quelques années, elle est aujourd'hui constamment au-delà de 38 grammes par litre – ce qui correspond au seuil de mortalité des huîtres –, avec des pics à 42 grammes par litre. Avec d'autres facteurs, ces concentrations contribuent à l'accroissement de la mortalité des coquillages, notamment à cause du pathogène vibrio aestuarianus. Ainsi, en 2023, les agriculteurs de la mer rapportaient 73 % de mortalité estivale des coquillages dans l'étang de Thau.
La pollution de l'eau est la conséquence directe de la forte pression anthropique en amont du bassin-versant : les conchyliculteurs en sont les « pollués payeurs ». En effet, les collectivités des alentours, telles Sète et Marseillan, développent des projets urbanistiques massifs alors que leurs réseaux d'assainissements sont déjà saturés. En 2022, cela avait causé la crise du norovirus qui, empêchant toute vente au moment des fêtes de fin d'année, avait durablement dégradé l'image de marque de la production.
Ainsi, il convient de raisonner à plusieurs échelles temporelles pour le bassin de Thau.
À court terme, afin de garantir aux conchyliculteurs la possibilité de conserver une trésorerie, il est nécessaire de calibrer correctement le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa). En 2023, ce fonds, qui vise à pallier les chutes de chiffres d'affaires, n'a bénéficié qu'à un seul professionnel sur les cent trente ayant fait une déclaration de perte. En effet, pour faire face à la mortalité des huîtres et à leurs charges incompressibles, les conchyliculteurs sont obligés de faire de l'achat-revente, qui impacte la marge brute. Il conviendrait donc de raisonner sur cet indicateur qui est le plus révélateur de la crise traversée par la profession.
Parallèlement, les schémas d'aménagement urbains devraient préserver le milieu naturel et la qualité de l'eau de l’étang de Thau, site Natura 2000, berceau de biodiversité.
Madame la ministre déléguée, avez-vous prévu d'effectuer, à courte échéance, une refonte des critères d'éligibilité au Feampa correspondant aux besoins de la filière ? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour résorber le problème de la salinisation grandissante de l'étang de Thau ? L'ensemble des activités conchylicoles et, avec elles, la biodiversité locale si chère à notre territoire, en dépendent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Votre question souligne la nécessité d'une approche globale, à différents niveaux et selon différents axes, afin d'assurer la qualité de la conchyliculture et du milieu dans lequel elle évolue.
Le gouvernement agit, en lien avec les collectivités, pour que les activités conchylicoles puissent perdurer dans un milieu le plus sain possible, notamment en établissant et en respectant des profils de vulnérabilité conchylicoles. Les préfets ont été sensibilisés en 2024 à la nécessité de veiller à ce que les systèmes d'assainissement et les critères de développement urbain – une question qui vous inquiète particulièrement s'agissant de l'étang de Thau – soient définis en adéquation avec le milieu environnant et puissent répondre à des pressions soudaines sans obérer la qualité de ce dernier.
Puisque vous avez évoqué l'accompagnement des conchyliculteurs, je tiens à vous assurer que le gouvernement est attentif à leur situation. Nous avons pleinement pris la mesure des difficultés d'une profession durement touchée par une baisse des ventes due à une désaffection des consommateurs. Pour répondre aux difficultés individuelles et collectives de la filière, le gouvernement a annoncé et déployé début 2024 plusieurs mesures comme la réduction des redevances domaniales, jusqu'à 90 % pour les entreprises ayant fait l'objet d'une fermeture sanitaire, et – puisque vous avez évoqué les problèmes de trésorerie – la mobilisation des outils bancaires d'urgence annoncés par le président de la République, à savoir des reports d'annuités ou des renégociations d'emprunts à des taux inférieurs au marché.
S'agissant plus spécifiquement de la mortalité des huîtres dans l'étang de Thau, l'État cofinancera le projet Spread, déposé par l'Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et le CNC (Comité national de la conchyliculture). D'un montant global de 1,5 million d'euros, ce plan vise à déterminer et à approfondir les causes de survenance et de virulence du virus. Voilà qui répond précisément à votre question.
Enfin, sachez que nous organiserons, dans quelques jours, un événement dans le cadre du Salon de l'agriculture 2025, destiné à rassurer le grand public sur la qualité des coquillages et à illustrer la mobilisation conjointe des professionnels et du gouvernement pour assurer une production saine.
Auteur : M. Sylvain Carrière
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025