Montée préoccupante de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur
Question de :
Mme Caroline Yadan
Français établis hors de France (8e circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Caroline Yadan attire l'attention de M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la montée préoccupante et insoutenable de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. La récente mission d'information sénatoriale consacrée à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur a mis en évidence, depuis le 7 octobre 2023, la réactivation d'un antisémitisme au sein de nombreux établissements supérieurs, qui s'inscrit depuis plusieurs mois dans une dynamique collective inquiétante. Depuis le 7 octobre, cet antisémitisme décomplexé contamine un grand nombre des établissements supérieurs, qu'il s'agisse d'universités ou de grandes écoles prestigieuses. Ces lieux, censés être des espaces de savoir, de dialogue et d'intelligence collective, sont aujourd'hui le théâtre d'actes antisémites inacceptables. Depuis plus d'une année, des affiches sont collées, des tracts sont distribués, des manifestations sont régulièrement organisées au sein des universités, durant lesquelles sont scandés des slogans glorifiant des actes terroristes, appelant à la destruction ou à la négation d'Israël, qui constituent des formes renouvelées de l'antisémitisme. De nombreux professeurs sont empêchés d'enseigner sereinement. Le 12 mars 2024, une étudiante juive était refoulée à l'entrée d'une conférence sur la Palestine, organisée à Sciences Po Paris, par un groupe d'étudiants occupant illégalement un amphithéâtre et proférant des propos antisémites en toute impunité. Le 31 octobre 2024, après avoir été exclus, quatre étudiants reconnus coupables de propos appelant à la haine ont été réintégrés. Lors d'un conseil d'administration organisé le 25 juin 2024 et dont le compte rendu vient d'être rendu public le 29 octobre 2024, Sciences Po Strasbourg a suspendu son partenariat avec l'université Reichman de Herzliya, une ville située près de Tel-Aviv. Cette décision discriminatoire, portée par une liste étudiante d'extrême gauche du conseil d'administration de l'établissement, constitue un véritable boycott académique, symptomatique du climat délétère qui alimente la haine antijuive dans l'enseignement supérieur. Face à ces graves dérives, l'enseignement supérieur doit demeurer un espace où le débat est constructif, où les idées s'opposent sans haine, dans le respect des valeurs républicaines et des principes de la démocratie française. Il faut rappeler que l'article L. 141-6 du code de l'éducation dispose que « le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ». Dans ce contexte, elle lui demande de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l'égard de cette montée de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Elle souhaite également connaître les mesures envisagées afin de préserver l'indépendance du service public de l'enseignement supérieur de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
ANTISÉMITISME DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Mme la présidente . La parole est à Mme Caroline Yadan, pour exposer sa question, no 11, relative à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.
Mme Caroline Yadan . Pas un jour ne passe sans que nous observions avec inquiétude la montée préoccupante de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Depuis le 7 octobre, comme l'a mis en évidence la récente mission d'information sénatoriale consacrée à ce sujet, une haine des Juifs décomplexée, qui se nourrit de la haine d'Israël, contamine un grand nombre de nos établissements – universités comme grandes écoles prestigieuses. Ces lieux, censés être des espaces de savoir, de dialogue et d'intelligence collective, sont aujourd'hui le théâtre de propos et d'actes antisémites inacceptables. Depuis plus d'une année, des affiches sont collées, des tracts sont distribués, des manifestations sont régulièrement organisées au sein de ces établissements, dans lesquelles on retrouve des slogans glorifiant des actes terroristes, comparant les Juifs à des nazis, ou appelant à la destruction ou à la négation d'Israël. De nombreux professeurs sont également empêchés d'enseigner sereinement.
Ces formes renouvelées d'antisémitisme s'accompagnent, au nom des droits humains, d'appels au boycott discriminatoires à l'égard d'Israël. Lors d'un conseil d'administration organisé le 25 juin dernier, Sciences Po Strasbourg a suspendu son partenariat avec l'Université Reichman de Herzliya. L'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a adopté, le 22 novembre dernier, une résolution de suspension de partenariat avec des établissements ou des fournisseurs israéliens. Ces décisions discriminatoires constituent un véritable boycott académique, symptomatique du climat délétère qui alimente la haine antijuive dans l'enseignement supérieur. Par ailleurs, les membres du conseil d'administration de l'université Paris-Nanterre ont adopté, le 18 novembre dernier, une motion sur la guerre en cours opposant Israël et le Hamas, motion qui reprend précisément la rhétorique propagandiste des mouvements terroristes.
Face à ces graves dérives, l'enseignement supérieur doit demeurer un espace où le débat est constructif, où les idées s'opposent sans haine, dans le respect des valeurs républicaines et des principes de notre démocratie. Dans ce contexte, quelles mesures envisagez-vous de prendre face aux appels au boycott discriminatoires et à cette montée de l'antisémitisme dans nos facultés et grandes écoles ? Quelles actions prévoyez-vous de mener afin de préserver l'indépendance du service public de l'enseignement supérieur de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique, conformément aux dispositions de l'article L. 141-6 du code de l'éducation ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . Permettez-moi d'excuser mon collègue Patrick Hetzel, qui ne peut être présent ce matin. Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche tient à vous remercier pour votre question qui lui permet de rappeler ses positions, qui ont toujours été claires : la tolérance zéro doit s'appliquer face aux intimidations et menaces que l'on peut constater sur nos campus, notamment à l'encontre des étudiants de confession juive.
Depuis plus d'un an, le conflit meurtrier qui sévit au Proche-Orient a des répercussions dans nos établissements, avec des démonstrations de soutien à la Palestine pouvant entraîner des débordements, des blocages ou des tentatives de confiscation du débat par une minorité d'étudiants radicalisés. Ces dérives sont une menace pour la neutralité du service public, garante à la fois de la liberté d'expression et de la sécurité des étudiants. Quinze jours après sa nomination, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a adressé une circulaire aux présidents d'université pour leur rappeler leur responsabilité légale et leurs devoirs en matière d'ordre public au sein de leur établissement.
Le service public se doit d'obéir à des valeurs républicaines, dont celle de neutralité, pour que tous les usagers puissent en bénéficier sans crainte. Il est intolérable qu'une poignée d'étudiants radicalisés puisse remettre cela en question. Lors de la présentation récente de sa feuille de route, le ministre a annoncé plusieurs mesures nouvelles pour garantir la sérénité des études et la sécurité des campus, dont la création d'une instance disciplinaire académique pour les faits délictueux, et une nouvelle boîte à outils opérationnelle pour soutenir les efforts des chefs d'établissement. Son engagement dans ce domaine est, comme vous le voyez, plein et entier – tout comme le vôtre.
Mme la présidente . La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan . J'entends la volonté ferme et entière du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme la vôtre, de lutter contre le phénomène d'antisémitisme. Cependant les paroles ne suffisent pas toujours ; les actes valent davantage. La suppression de certaines subventions aux grandes écoles, par exemple, peut représenter un moyen d'agir concrètement contre ce fléau. Sauf erreur ou omission de ma part, vous n'avez pas réagi aux décisions des conseils d'administration des grandes écoles que j'ai citées. Ces établissements sont phagocytés par une idéologie d'extrême gauche qui fait mal à notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Auteur : Mme Caroline Yadan
Type de question : Question orale
Rubrique : Discriminations
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024