Friche industrielle de Château-Feuillet à La Léchère en Savoie
Question de :
M. Jean-François Coulomme
Savoie (4e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Jean-François Coulomme interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la friche industrielle de Château-Feuillet (anciennement Ferroglobe) à La Léchère, en Savoie. Les industries à forte consommation d'énergie se sont développées dans les vallées alpines il y a plus d'un siècle pour accéder à l'énergie hydroélectrique. C'est ainsi que le site de Château-Feuillet, en Tarentaise, a vu se développer sur une dizaine d'hectares des activités électro-métallurgiques autour de la production de silicium. La multinationale Ferroglobe a décidé de manière incompréhensible l'arrêt d'activité de Ferropem et a licencié en 2022 plus de 200 personnes sans que le motif économique n'ait été reconnu par le ministère du travail ; une vingtaine d'agents sont toujours salariés protégés actuellement du fait du refus du motif économique par l'administration. Ferroglobe a cédé cette « friche industrielle » de 12 hectares à la société Ugi'Ring au capital de 100 000 euros, à l'exception de la zone de décharge de 2 hectares conservée par Ferropem et dont on ne connaît pas la destinée. Cette friche industrielle se situe : à côté de la RN90 qui est saturée de voitures, souvent à l'arrêt lors des chassés-croisés de déplacements vers les stations de sports d'hiver ; à une centaine de mètres de l'école communale ; à quelques décamètres de logements, d'un hôtel, d'une station thermale qui existait bien avant l'implantation des usines, et au droit de trois cours d'eau, dont l'Isère. La société Ugi'Ring est la filiale d'Ugitech à Ugine, située à 30 km de Château-Feuillet, et qui a bénéficié d'une aide publique de 9,4 millions d'euros en 2021 pour développer le projet d'économie circulaire en recyclant les déchets de l'aciérie d'Ugine et de 20 millions d'euros au titre des métaux critiques. Ce projet était prévu sur le site d'Ugine. Saisissant l'opportunité de l'arrêt d'activité de Ferropem à Château-Feuillet, Ugi'Ring a sollicité des aides publiques importantes pour un projet passant de 13 000 tonnes de déchets sidérurgiques à 77 000 tonnes par an d'entrants dont 50 000 tonnes de déchets dangereux non spécifiés. Ce faisant, le projet consiste à faire entrer dans la vallée étroite de Tarentaise, par camions, 80 000 tonnes par an de produits toxiques, pour faire ensuite ressortir de la vallée 26 000 tonnes de produits extraits du ou des fours d'Ugi'Ring, après les opérations d'incinération et de traitement à proximité d'habitations, d'une école, d'une station thermale et de plusieurs cours d'eau dont l'Isère. Le projet prévoit 3 ou 4 cheminées de 33 mètres de hauteur, par lesquelles s'échapperont des fumées dont la composition n'est pas communiquée, et probablement des PFAS (alkyls perfluorés et polyfluorés) et autres molécules toxiques, ce qui est particulièrement inquiétant pour les populations. L'aérologie en vallée étroite empêche souvent la circulation des masses d'air, ce qui est un facteur aggravant dans ce type de configuration géographique. La population n'a pas été associée au choix de reprise et de destinée de cette friche industrielle stratégique. Elle a découvert le dossier Ugi'Ring en février 2024 au moment de l'enquête publique en vue d'autoriser la société Ugi'Ring à exploiter le site et d'instaurer des servitudes d'utilité publique, plusieurs mois après l'achat du site par la société Ugi'Ring. Malgré la faible information officielle, les habitants se sont très vite mobilisés : en quelques jours plus de 800 personnes se sont regroupées sur les réseaux sociaux, une pétition a été signée par 17 000 personnes alors que la population du territoire est de 6 500 habitants. Le collectif citoyen a organisé des réunions publiques qui ont permis d'informer et de débattre sur les enjeux de ce projet de site Seveso « seuil haut », et a élaboré un projet alternatif pour proposer un autre avenir à ce site, correspondant aux besoins économiques et sociaux locaux : accueil d'entreprises puisque l'assemblée du Pays de Tarentaise Vanoise déclare le manque de 30 ha pour accueillir des activités économiques sur ce territoire. Le nombre d'emplois industriels par hectare est en moyenne de 30 à 50 en France. Avec Ugi'Ring, on est à 5, et peut-être, à terme, 10 emplois par hectare. Le projet alternatif permet d'envisager plus de 300 emplois avec l'accueil de plusieurs entreprises, ce qui diminue le risque concernant la durabilité des emplois. A contrario, la société Ugi'Ring, qui dépend du groupe international Swiss Steel, et dont une partie du capital appartient à un oligarque russe, est vulnérable et ne s'engage pas dans la durée, malgré les importantes aides publiques qui ne font pas l'objet de contreparties engageant la holding bénéficiaire, et ne s'engage pas davantage dans la garantie financière des risques et potentielles catastrophes industrielles, puisque le capital engagé par l'industriel n'est que de 100 000 euros. Ce projet alternatif prévoit aussi la création de nombreux logements dans une partie de terrain qui n'est pas polluée, ce qui répondrait à une forte demande (pour de la résidence principale à prix accessible, notamment en location). Compte tenu de la loi « ZAN », ce projet alternatif présente l'avantage de développer des emplois et des logements sans aucune consommation d'espaces non anthropisés, et sans risque pour un territoire de montagne en pleine reconversion de son modèle économique jusqu'ici largement dépendant du tourisme hivernal, et pour lequel le tourisme des 4 saisons est un enjeu de maintien de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, saisonniers et permanents. Ainsi, les questions de M. le député sont les suivantes : suite à l'enquête publique qui a suscité plus de 900 questions dont la plupart sans réponse, et des risques pour la population comme pour l'environnement, M. le ministre peut-il suspendre toute décision de l'État ? M. le ministre peut-il organiser une concertation avec tous les acteurs permettant d'envisager toutes les hypothèses, y compris celle de trouver un autre site pour le projet Ugi'Ring et envisager un projet alternatif à La Léchère ? M. le ministre peut-il apporter toutes les informations sur les 54 000 tonnes de différence entre les intrants et les sortants du projet Ugi'Ring ? M. le ministre peut-il garantir l'absence d'impact sur l'activité agricole (zone AOC Beaufort), sur l'apiculture, sur la santé des riverains, sur l'activité de la station thermale de La Léchère, sur les nuisances sonores, sur les déversements accidentels de toxiques dans les cours d'eau, sur les risques sismiques et les risques de sinistres ? Vu la proximité avec la zone Natura 2000 du massif de la Lauzière, du site de montagne préservé de Naves bénéficiant d'une politique financée au titre du tourisme doux, comment M. le ministre voit-il la compatibilité de ce projet Seveso avec la politique de valorisation du patrimoine naturel engagé par les vallées d'Aigueblanche, largement financée par les fonds publics dans le cadre notamment de « l'Espace valléen » ? Qui paiera les conséquences sur l'activité agricole (zone AOP Beaufort), sur l'apiculture, sur la santé des riverains, sur l'activité de la station thermale de La Léchère, sur la qualité de l'air et de l'eau ? L'usine sidérurgique de Feurs (Loire), qui pratique aussi le recyclage et le traitement de piles, qui fut dirigée par un des actionnaires d'Ugi'Ring, a connu une dizaine d'accidents ayant eu pour conséquences des décès et des blessés graves : quelle confiance peut-on avoir en ces dirigeants ? Sur un investissement d'environ 90 millions d'euros, les subventions publiques étant de 30 millions d'euros, comment justifier ces versements publics bénéficiant à une holding à capitaux étrangers, par ailleurs en difficulté financière ? Quelles garanties sont exigées de la part de l'actionnaire majoritaire pour assurer la viabilité économique, sociale et environnementale de cette activité ? Il lui demande enfin ce qu'il pense de la sous-densité d'emplois du projet Ugi'Ring par rapport à la surface exploitée, tandis que la Tarentaise est en manque de foncier pour l'expansion des entreprises locales, fortement liées à l'activité touristique, thermale, des sports d'hiver et du pastoralisme, ainsi que les services médicaux, paramédicaux, bien-être, restauration et hôtellerie qui les accompagnent.
Auteur : M. Jean-François Coulomme
Type de question : Question écrite
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances et industrie
Date :
Question publiée le 22 octobre 2024