Question écrite n° 1226 :
Problématique de l'application de l'article 6-I-8 de la LCEN

17e Législature

Question de : Mme Béatrice Piron
Yvelines (3e circonscription) - Horizons & Indépendants

Mme Béatrice Piron appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur l'application de l'article 6-3 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), introduit par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (anciennement article 6-I-8). L'article 6-3 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), permet au président du tribunal judiciaire, dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, de prescrire des mesures visant à prévenir ou faire cesser des dommages causés par des contenus diffusés en ligne. Cette disposition introduite par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 initialement à l'article 6-I-8 de la LCEN avait pour objectif de fournir une réponse rapide aux enjeux complexes liés à la diffusion de contenus numériques. Cependant, des interrogations se posent quant à l'application cohérente de cette disposition et ses conséquences sur la bonne administration de la justice. En effet, bien que le législateur ait choisi de rendre compétent un juge de fond pour traiter ces questions complexes et ce afin d'éviter que de tels litiges ne se limitent à un examen sommaire par un juge des référés, il apparaît que ce juge ne peut statuer que sur la prévention ou la cessation des troubles causés par les contenus en ligne. Or lorsque la question de la réparation des préjudices matériels ou moraux de ces troubles se pose, les justiciables se retrouvent contraints d'engager une seconde procédure distincte. Cela crée une dualité procédurale qui pose de sérieux problèmes. D'une part, cette exigence d'une nouvelle procédure pour obtenir réparation allonge les délais de résolution des litiges, obligeant les justiciables à naviguer entre deux instances pour des questions pourtant liées. D'autre part, elle alourdit les coûts de procédure, ce qui est particulièrement pénalisant pour les justiciables individuels qui n'ont pas les moyens financiers des grandes entreprises, souvent mises en cause dans ces affaires. Ces dernières disposent de ressources considérables pour faire face à ces multiples procédures. Le coût prohibitif et le doublement des délais dissuadent ainsi de nombreuses victimes d'agir, limitant leur accès à une justice équitable. Cette fragmentation entre l'action en cessation des troubles et l'action en réparation est particulièrement incohérente. Le fait qu'un juge de fond, compétent pour trancher des questions complexes liées aux contenus en ligne, soit empêché de statuer simultanément sur la réparation des préjudices semble en contradiction avec les principes d'une bonne administration de la justice. En effet, l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. La fragmentation de ces procédures, qui entraîne des délais excessifs et des coûts prohibitifs, contrevient à ce principe fondamental. Par ailleurs, le Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) rappelle que le droit d'accès à un tribunal, tel que protégé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, doit être « concret et effectif ». Ce droit ne doit pas être compromis par des frais ou des obstacles procéduraux tels que ceux observés ici. La situation actuelle, qui impose de passer par deux procédures distinctes pour un même litige, affecte la capacité des justiciables à obtenir une justice rapide et abordable, en dépit des principes de sécurité juridique et d'efficacité des voies de recours. Ainsi, elle lui demande de bien vouloir clarifier la position du Gouvernement quant à l'application de l'article 6-I-8 de la LCEN. Plus précisément, s'il est envisageable que le juge de fond, dans le cadre de la procédure accélérée au fond, soit habilité à statuer non seulement sur la cessation des troubles, mais également sur la réparation des préjudices matériels et moraux subis par les justiciables.

Données clés

Auteur : Mme Béatrice Piron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Internet

Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique

Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique

Date :
Question publiée le 22 octobre 2024

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