Question écrite n° 123 :
Situation de certains rapatriés des forces supplétives d'Algérie de statut civil

17e Législature

Question de : M. Philippe Lottiaux
Var (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Philippe Lottiaux attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants sur la situation des certains rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun. Il existe en effet un régime particulier d'indemnisation pour ces anciens membres des formations supplétives de l'armée française soumis antérieurement au statut civil de droit local, en raison des difficultés d'intégration spécifique rencontrées lors de leur arrivée en métropole. Cette indemnisation passe notamment par l'attribution d'une allocation de reconnaissance. Dans sa décision du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, rendant ainsi les supplétifs de statut civil de droit commun éligibles à l'attribution de l'allocation de reconnaissance à compter du 5 février 2011. Cette éligibilité sera ensuite corrigée par la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, réservant à nouveau cette allocation aux seuls supplétifs de statut civil de droit local. Tous les supplétifs ayant formulé une demande ou un renouvellement de demande entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 étaient malgré tout éligibles à cette allocation. Néanmoins, l'administration a préféré garder volontairement le silence face aux demandes déposées sur cette période, entraînant donc des refus implicites. Elle a ensuite attendu la promulgation de la loi du 18 décembre 2013 pour rejeter officiellement les demandes. Dans une décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a admis que les supplétifs de statut civil de droit commun étaient éligibles à l'allocation du 5 février 2011 au 19 décembre 2013 et qu'en l'absence de recours dans les délais légaux leur situation est désormais forclose. Il serait donc juste que les supplétifs de statut civil de droit commun puissent bénéficier d'une aide d'un montant de 4 195 euros. Une petite vingtaine de personnes seulement est concernée. La loi de programmation militaire 2024-2030 du 1er août 2023 a fait un pas dans cette direction. Un amendement adopté a en effet donné à l'État pour objectif d'accorder cette aide, sur le fondement du rapport annexé à la loi. Cependant, la loi de programmation n'étant pas un texte budgétaire, cette mesure doit être intégrée au projet de loi de finances. Il lui demande donc si cette mesure peut être soutenue par le Gouvernement pour le budget de l'année 2025.

Réponse publiée le 4 mars 2025

Le législateur a réservé de manière constante un traitement différent aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun et de droit local. La situation des supplétifs de droit commun se compare davantage à celle des rapatriés et il ne peut être argué un traitement défavorable à la responsabilité de l'Etat. À leur arrivée en France, ces personnes ont perçu les aides spécifiques ouvertes aux rapatriés européens : prestations temporaires de subsistance, subventions d'installation, prêts à taux réduit, aides au reclassement professionnel, secours exceptionnels, indemnisation à concurrence de l'évaluation de la dépossession. Cette distinction permet a contrario de reconnaître plus spécifiquement les préjudices subis par les supplétifs de droit local du fait des conditions de rapatriement et d'accueil particulièrement difficiles. Une fenêtre juridique a bien été ouverte entre le 5 février 2011 et le 20 décembre 2013 permettant aux supplétifs de statut civil de droit commun de demander une allocation de reconnaissance : une décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel du 4 février 2011, sur la base du critère de nationalité, a en effet eu pour effet indirect de faire disparaître, à compter de sa publication, la distinction, pourtant voulue par le législateur, entre le statut civil de droit commun et le statut civil de droit local. La loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 a rétabli cette distinction, respectant la volonté initiale du législateur ; cette distinction a été déclarée constitutionnelle par le Conseil constitutionnel qui a jugé que ce critère ne méconnaissait pas le principe d'égalité dans sa décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016. Il en résulte que seuls les anciens supplétifs de statut civil de droit commun qui ont sollicité l'attribution de l'allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 et qui, à la suite d'un refus de l'administration, ont engagé un recours contentieux, ont pu obtenir l'allocation de reconnaissance. Ainsi que le confirment les jugements des tribunaux administratifs, les autres personnes, soit qu'elles aient formé une demande d'allocation postérieurement au 19 décembre 2013, soit qu'elles n'aient pas formé, dans les délais, de recours contentieux à l'encontre de la décision de refus opposée par l'administration à leur demande présentée entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, n'ont pas droit à l'obtention de l'allocation de reconnaissance. Celle-ci ne peut dès lors pas leur être légalement accordée par l'administration. La présence au sein du rapport annexé de la loi de programmation militaire 2024-2030 du 1er août 2023 n'emporte pas plus de droit légal à cette allocation. Comme a pu se prononcer le Conseil constitutionnel - notamment dans ses décisions n° 2002-461 DC du 29 août 2002, n° 2002-460 DC du 22 août 2002 et n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 - les orientations présentées dans le rapport annexé ne relèvent d'aucune des catégories de textes législatifs prévues par la Constitution et ne sont dès lors pas revêtues de la valeur normative qui s'attache à la loi. Le ministère des armées a mené avec diligence depuis 2019 plusieurs opérations d'identification des besoins. Lors de ce travail d'identification, sur 74 noms communiqués, 24 noms correspondaient à des individus qui n'étaient pas supplétifs de statut civil de droit commun dans les armées françaises durant la guerre d'Algérie, 25 noms sont restés introuvables dans les archives des services de l'État, et 25 correspondaient effectivement à des supplétifs de statut civil de droit commun. Le ministère des armées a demandé aux services départementaux de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) de contacter chacune de ces 25 personnes afin de pouvoir les intégrer dans les dispositifs d'aide sociale de l'Office. Toutes les personnes ont été contactées et conseillées sur les différentes aides financières auxquelles elles peuvent prétendre (en qualité d'ancien combattant ou de rapatrié). Les traitements sont individuels et une attention toute particulière est portée à tous ces dossiers. L'ONaCVG poursuit ainsi dans le temps cet accompagnement social et veille à ce que ces personnes puissent continuer à bénéficier de secours exceptionnels – en cas de besoin dont aucun cas nouveau à date ne s'est fait jour.

Données clés

Auteur : M. Philippe Lottiaux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre

Ministère interrogé : Armées et anciens combattants (MD)

Ministère répondant : Mémoire et anciens combattants

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 4 mars 2025

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