Question orale n° 125 :
Emploi des seniors

17e Législature

Question de : M. Bruno Clavet
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Bruno Clavet attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le chômage de longue durée qui touche particulièrement les seniors du pays. En effet, en France, près de 60 % des chômeurs de longue durée sont des seniors et leur taux de retour à l'emploi demeure très bas : seulement 30 % des demandeurs d'emploi de plus de 55 ans retrouvent un travail dans les 12 mois. Et aujourd'hui, France Travail, censé être le pilier de la réinsertion professionnelle, peine à remplir sa mission de réinsertion de cette population dans le marché de l'emploi. Les dispositifs actuels semblent limités, insuffisants et déconnectés des besoins réels tant des seniors que des entreprises. Dans ce contexte, il lui demande de détailler la feuille de route du Gouvernement en matière d'emploi des seniors et quelles actions concrètes il entend mettre en place pour faire de leur réinsertion professionnelle une priorité.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025

EMPLOI DES SENIORS
M. le président . La parole est à M. Bruno Clavet, pour exposer sa question, no 125, relative à l'emploi des seniors.

M. Bruno Clavet . En France, près de 60 % des chômeurs longue durée sont des seniors. Dans le Pas-de-Calais, 15 % des demandeurs d'emploi ont plus de 50 ans et rencontrent jusqu'à deux fois plus de difficultés que les jeunes pour retrouver un travail.

S'il suffit, selon Emmanuel Macron, de traverser la rue pour trouver du travail, force est de constater qu'une grande partie de nos concitoyens est restée sur le côté depuis qu'il est à l'Élysée. Près de 500 000 Français de plus de 50 ans sont au chômage et donc privés de perspectives, alors qu'ils ont encore tant à apporter à notre pays.

Dans le même temps, on entend ici et là des préjugés injustifiés à leur sujet : ils coûteraient trop cher, ils ne sauraient pas s'adapter, ils seraient davantage une charge qu'un atout pour l'entreprise.

Ce sont des idées reçues absurdes qui ne tiennent pas face à la réalité sociale et économique, car les seniors apportent au monde de l'entreprise une expertise précieuse, une stabilité professionnelle et un savoir-faire essentiel dans de nombreux secteurs. Leur présence dans une entreprise n'est pas un coût, mais un investissement rentable, puisqu'ils assurent la transmission des compétences en jouant un rôle de mentor.

Les écarter revient à priver nos entreprises d'un atout précieux et nos jeunes de repères.

Dans ce contexte, France Travail devrait être un rempart contre l'exclusion de nos seniors en leur offrant les moyens de valoriser leur expérience, de se reconvertir et de retrouver un emploi digne. Or, comme si l'échec était devenu une doctrine d'État, cette institution peine à remplir sa mission. Les dispositifs actuels sont insuffisants, mal calibrés et déconnectés des réalités du terrain.

Seuls 8 % des demandeurs d'emploi seniors bénéficient d'une formation financée, contre 20 % pour les moins de 40 ans ; à peine 4 % des entreprises se disent prêtes à embaucher un salarié de plus de 55 ans, faute d'incitations financières suffisantes.

Le système actuel ne favorise pas la réinsertion des seniors ; il les pousse vers la sortie. Il est donc urgent de casser les idées reçues, de généraliser les dispositifs de reconversion et de prévoir des mesures incitatives pour les employeurs.

Le Rassemblement national y est favorable. Il a déjà proposé en ce sens la création d'un CDI senior destiné aux plus de 60 ans et qui s'accompagne de l'exonération du versement des cotisations familiales pour les employeurs. Il propose aussi d'assouplir les règles encadrant le cumul emploi-retraite, ce qui permettrait aux seniors de continuer à travailler et de percevoir leur pension, favorisant ainsi une transition plus souple vers la retraite.

Madame la ministre chargée du travail et de l'emploi, sur ce sujet, comme sur tous les autres, il faut une volonté politique forte. Existe-t-elle seulement au sein du gouvernement Bayrou ou bien considérez-vous l'exclusion des seniors comme une fatalité ? Comptez-vous faire de la réinsertion des seniors une priorité ou restera-t-elle un angle mort de la politique macroniste de l'emploi ? Donnerez-vous aux seniors la place dans la société qu'ils méritent et qu'ils ont gagnée tout au long de leur vie ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi . Les chiffres que vous avez rappelés sont éloquents, en particulier le taux d'activité des seniors si on le compare au mieux-disant européen. Il s'agit d'un immense gâchis humain et économique, car ces chiffres cachent des vies et la nation, en excluant les seniors, se prive et nous prive d'expériences, de savoir-faire ainsi que de forces productives et contributives.

Cette situation a des causes multiples, parmi lesquelles l'ancienneté de la préretraite. Ce dispositif, qui remonte à l'époque de Raymond Barre, nous a habitués, ce dernier demi-siècle, à considérer que l'on n'a plus tout à fait sa place en entreprise à 55 ans passés. Cette culture est bien ancrée et a la vie dure.

Des avancées significatives ont toutefois été réalisées en la matière. D'abord, grâce au recul de l'âge de départ à la retraite, lequel a un impact sur le maintien dans l'emploi des seniors. L'enjeu n'est pas seulement le chômage des seniors, comme vous l'avez souligné, mais aussi leur maintien dans l'emploi.

L'accord national interprofessionnel sur l'emploi des seniors, signé en novembre par quatre syndicats et l'ensemble des organisations patronales, constitue une deuxième réussite. Il prévoit un entretien renforcé et englobant de mi-carrière, qui aborde les questions relatives aux compétences et à la santé, laquelle me semble trop peu considérée quand il s'agit d'un certain nombre de métiers à forte usure professionnelle.

Cet accord impose une négociation obligatoire concernant l'emploi des seniors, pour qu'il soit discuté au niveau des branches et des entreprises. Il prévoit de faciliter l'accès à la retraite progressive, car la deuxième partie de carrière n'est pas uniforme jusqu'à la fin et ne se distribue pas en deux catégories distinctes : avec ou sans activité. Il faut envisager un spectre de possibilités, en particulier en matière d'aidance familiale ou de bénévolat. Il prévoit aussi un contrat de valorisation de l'expérience qui offre plus de facilités à l'employeur et qui se rapproche du CDI senior que vous proposez. Enfin, il contient des améliorations très concrètes pour le cumul emploi-retraite, qui restent néanmoins perfectibles.

L'emploi des seniors est, avec l'insertion professionnelle des jeunes, la mère des batailles.

Par rapport aux pays d'Europe du Nord, nous avons une conception très particulière de l'emploi des seniors. Pour changer ce regard et valoriser leur travail, leur expertise, leur fiabilité et leurs apports au monde de l'entreprise, nous voulons lancer, au printemps et en collaboration avec les partenaires sociaux et l'ensemble des organisations professionnelles, une campagne de communication.

Nous inscrirons dans la loi certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel, dès le premier semestre de 2025. Enfin, nous initierons, d'ici à un mois, une concertation avec les partenaires sociaux sur le sujet compliqué du dispositif de reconversion pour les seniors, en particulier dans le cadre de plans de restructuration industrielle.

Données clés

Auteur : M. Bruno Clavet

Type de question : Question orale

Rubrique : Chômage

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025

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