Question de : Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National

Mme Sophie Blanc attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur une problématique majeure touchant le système de santé français : la gestion des stocks de médicaments, en particulier face aux pénuries croissantes, au gaspillage des médicaments encore utilisables et aux profits colossaux réalisés par certains laboratoires pharmaceutiques, notamment en raison de pratiques contestables relatives à la durée de vie des médicaments. Depuis plusieurs années, la France connaît des pénuries récurrentes de médicaments, une situation qui n'a cessé de s'aggraver. Selon les dernières données disponibles, environ 3 000 médicaments sont actuellement en rupture de stock ou en tension d'approvisionnement. Cette situation n'est pas sans conséquence pour les patients, qui se retrouvent bien souvent dans l'incapacité de suivre correctement leurs traitements. Des médicaments essentiels, parfois vitaux, manquent cruellement dans les officines et hôpitaux français, exposant les patients à des risques graves pour leur santé. Les pénuries touchent particulièrement des traitements indispensables pour des pathologies graves comme le cancer, le diabète, ou encore l'épilepsie. Ces pénuries, en plus de fragiliser le système de soins, provoquent un sentiment de détresse et de colère chez les professionnels de santé, notamment les pharmaciens, qui se trouvent dans l'incapacité de répondre aux besoins de leurs patients. Comme le rappelle un article de BFM TV du 30 mai 2024, la situation est devenue « critique », les pharmaciens se trouvant souvent contraints de se tourner vers des alternatives, parfois moins efficaces, voire inexistantes, pour répondre aux demandes croissantes. Cette pénurie de médicaments, qui est une question de santé publique cruciale, met en lumière plusieurs dysfonctionnements au sein du système de distribution, de production et de régulation des médicaments. Il est urgent de revoir l'organisation de la chaîne de production pour prévenir les ruptures d'approvisionnement qui mettent en danger la vie de milliers de patients en France. Dans ce contexte de pénurie, un autre problème vient aggraver la situation : le gaspillage de médicaments encore utilisables. L'association UFC-Que Choisir a récemment dénoncé une pratique préoccupante : des quantités importantes de médicaments dits « périmés » sont systématiquement détruites, alors même qu'ils pourraient encore être utilisés. Selon l'association, ces médicaments restent souvent efficaces bien après la date de péremption indiquée sur leur emballage. En conséquence, des centaines de tonnes de médicaments sont jetées chaque année, créant une gabegie environnementale, économique et sanitaire inacceptable. Pour démontrer l'inefficacité des dates de péremption apposées par les laboratoires, UFC-Que Choisir a fait analyser des boîtes de paracétamol et d'ibuprofène censées être périmées depuis plusieurs années. Les résultats sont sans appel : dans 80 % des cas, les médicaments contiennent encore suffisamment de substances actives pour être efficaces. L'exemple le plus frappant est celui du paracétamol, prétendument périmé depuis 1992, mais qui contenait encore 100 % de la substance active. Cela montre bien que les dates de péremption imposées par les laboratoires ne sont pas toujours justifiées et ne reflètent pas la réalité de l'efficacité des médicaments. Dans certains cas, ces médicaments restent pleinement efficaces jusqu'à 30 ans après leur date de péremption initiale. Comment justifier la destruction de médicaments en bon état alors que les officines et les hôpitaux sont incapables de répondre à la demande ? Cette pratique contribue à l'aggravation des pénuries et participe à un cycle de gaspillage coûteux pour la société. Le coût de production et d'élimination de ces médicaments est élevé, sans parler de l'impact environnemental que représente leur élimination. Cette destruction massive aggrave les difficultés d'accès aux traitements pour les patients, notamment ceux vivant dans les zones rurales ou souffrant de maladies chroniques. Le gaspillage de médicaments est d'autant plus insupportable qu'il survient dans un contexte de tension extrême sur les stocks, une situation qui pourrait être évitée si des mesures concrètes étaient prises pour allonger la durée de vie des médicaments et repenser leur gestion dans les pharmacies et les hôpitaux. Par ailleurs, il est essentiel de souligner la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques dans cette situation. La question de la durée de vie des médicaments est au cœur du débat. De nombreuses études, soutenues par des organisations comme l'UFC-Que Choisir, montrent que les laboratoires raccourcissent artificiellement la date de péremption des médicaments pour inciter à leur renouvellement plus fréquent. Cette pratique, destinée à maximiser les profits, conduit à la destruction prématurée de médicaments encore efficaces, ce qui aggrave la crise des pénuries tout en favorisant un gaspillage scandaleux. Les laboratoires pharmaceutiques réalisent des marges considérables grâce à ce système, qui repose sur l'obsolescence programmée des médicaments. En imposant des dates de péremption raccourcies, ils s'assurent de vendre davantage de produits, au détriment des patients et des finances publiques. Ce mécanisme, qui profite exclusivement aux laboratoires, ne prend aucunement en compte les impératifs de santé publique ni les enjeux écologiques liés à la production et à l'élimination de ces produits. Cette stratégie commerciale pose également un problème éthique majeur : dans quelle mesure est-il acceptable que la santé des citoyens soit sacrifiée sur l'autel du profit ? La gestion actuelle des stocks de médicaments a des conséquences multiples. Sur le plan économique, le gaspillage de médicaments encore utilisables entraîne des coûts supplémentaires pour les collectivités et les patients, qui doivent racheter des médicaments souvent plus chers en raison de la tension sur les stocks. Ces coûts pourraient être largement évités si des solutions étaient mises en place pour prolonger la durée de vie des médicaments et réutiliser ceux qui sont encore valides. D'un point de vue environnemental, la destruction systématique de tonnes de médicaments pose également un problème majeur. La production de médicaments consomme énormément de ressources naturelles et énergétiques et leur élimination, souvent sous forme d'incinération, libère des substances nocives dans l'environnement. Dans un contexte de prise de conscience croissante des enjeux climatiques et de la nécessaire transition écologique, il est impératif de repenser ces pratiques destructrices pour la planète. Enfin, sur le plan sanitaire, la destruction de médicaments efficaces dans un contexte de pénurie mondiale de certains produits essentiels met directement en danger la santé de nombreux patients. Il est inacceptable qu'en France, un pays doté d'un système de santé parmi les plus avancés, des patients soient privés de traitements vitaux en raison de mauvaises pratiques de gestion et d'une recherche de profit à court terme par les laboratoires pharmaceutiques. Face à cette situation alarmante, Mme la députée demande à Mme la ministre de prendre des mesures urgentes pour mieux réguler la gestion des médicaments en France. Tout d'abord, il est essentiel de mettre en place un mécanisme de contrôle plus strict sur la durée de vie des médicaments, en s'appuyant sur des études scientifiques indépendantes pour évaluer leur réelle péremption. Cela permettrait de prolonger leur durée d'utilisation et de réduire le gaspillage. Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer la production nationale de certains médicaments stratégiques pour réduire la dépendance aux importations et prévenir les pénuries. Une meilleure anticipation des besoins en médicaments et une régulation plus rigoureuse des stocks doivent également être mises en place, en concertation avec les professionnels de santé et les associations de patients. Enfin, elle demande au Gouvernement d'étudier de près les pratiques commerciales des laboratoires pharmaceutiques, notamment en ce qui concerne la fixation des dates de péremption et leur responsabilité dans le gaspillage des stocks. Des mesures doivent être prises pour encadrer ces pratiques et faire en sorte que la priorité soit donnée à la santé publique, plutôt qu'aux profits des industriels.

Réponse publiée le 16 septembre 2025

Concernant les Médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), 3 825 signalements de risque ou de ruptures recensés ont été effectués auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2024, contre les 4 925 signalements de 2023. Bien que cette diminution de 22% des signalements formulés concernant les MITM par rapport à la situation constatée en 2023 témoigne d'une amélioration de la situation, l'effort engagé par le Gouvernement sur le sujet se poursuit. Diverses mesures prévues dans le cadre de la feuille de route 2019-2022 ont ainsi pu être déployées, avec une attention soutenue pour les MITM. En application de l'article R. 5124-49-4 du code de la santé publique, les titulaires d'autorisation de mise sur le marché pour un MITM doivent ainsi constituer un stock de sécurité de deux mois, lequel peut être porté à quatre mois par l'ANSM. En outre, l'obligation de réaliser un plan de gestion des pénuries pour les MITM, sous contrôle de l'ANSM, permet d'inciter les entreprises pharmaceutiques à une meilleure anticipation des tensions d'approvisionnements ou risques de rupture. Concernant le cas spécifique de la Ventoline® et du Seretide®, commercialisés par le laboratoire GlaxoSmithKline, ces spécialités ont fait face à partir de juin 2024 à des tensions d'approvisionnement dans certains territoires. L'ANSM a enjoint l'entreprise pharmaceutique à prendre les mesures nécessaires pour assurer une bonne répartition de la spécialité sur l'ensemble du territoire et l'accès des patients à leur traitement. Les tensions d'approvisionnements constatées ont été maitrisées dès novembre 2024. La lutte contre les pénuries de médicaments demeure un champ d'action prioritaire du ministère chargé de la santé et de l'accès au soin. Dans cet objectif de gestion et d'anticipation des pénuries, la feuille de route 2024-2027 de lutte contre les pénuries, résultat de travaux avec l'ensemble des parties prenantes, a été lancée en février 2024. Les mesures proposées se déclinent en quatre axes : - la détection du signal et les plans d'actions gradués ; - les nouvelles actions de santé publique pour améliorer la disponibilité des médicaments ; - les nouvelles actions économiques pour améliorer la disponibilité des médicaments ; - la transparence de la chaîne d'approvisionnement : l'information jusqu'au patient. La dernière loi de financement de la sécurité sociale 2025 a permis, au travers de ses articles 75 et 76, la mise en place des mesures suivantes dans la lutte contre les pénuries : - étendre l'obligation de recours aux ordonnances conditionnelles pour les médicaments soumis à forte variation saisonnière ; - permettre au pharmacien de remplacer un médicament par un autre, sur la base d'une recommandation de l'ANSM en cas de risque de rupture de stock d'un médicament ; - renforcement des sanctions financières de l'ANSM et obligation de publier les sanctions pour une durée d'une année sur le site de l'agence ; - possibilité de suspendre toute procédure d'inscription au remboursement (droit commun) des spécialités ayant fait l'objet d'un achat public et possibilité, dans le cadre de la négociation de prix en droit commun, de prendre en compte le tarif fixé dans le cadre de l'achat public. - obligation pour tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement et de distribution de médicaments de remplir des informations sur les ruptures et les stocks de médicaments dans une évolution du logiciel DP-Ruptures développé par le conseil national de l'ordre des pharmaciens. Sur ce dernier point, les services du ministère de la santé et de l'accès aux soins travaillent actuellement, en lien étroit avec le conseil national de l'ordre des pharmaciens et l'ANSM, à la consolidation et à la généralisation de cet outil, levier central de la lutte contre les pénuries de médicaments. Concernant la coordination européenne, la Commission européenne a présenté le Critical Medicines Act le 11 mars 2025, quelques semaines après la sortie du rapport de l'Alliance des médicaments critiques dans lequel la France a joué un rôle moteur. Ce texte vise à apporter des réponses aux pénuries de médicaments critiques et en particulier identifier les points de faiblesses de nos chaines d'approvisionnement et renforcer nos capacités de production européennes. Les services du ministère chargé de la santé et de l'accès aux soins œuvrent également avec la direction générale des entreprises dans le cadre de France 2030 à 14 projets de relocalisation, permettant la relocalisation de la production de 42 médicaments.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Blanc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 16 septembre 2025

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