Question de : M. Yannick Monnet
Allier (1re circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Yannick Monnet interroge Mme la ministre de la culture sur l'état de la législation au sujet des droits SACEM dont sont redevables les loueurs d'hébergements touristiques. Les loueurs de meublés de tourisme, de chambre d'hôtes ou de gîtes qui mettent à disposition de leurs clients une télévision ou une radio doivent s'acquitter d'un forfait annuel à la SACEM, de l'ordre de 200 euros HT. Cet état de fait a fait l'objet de nombreuses controverses, ces dernières années, entre la SACEM et les loueurs d'hébergements touristiques. Le ministère de la culture, interrogé sur le sujet à l'occasion de questions écrites de certains députés ou sénateurs, s'est déjà exprimé sur le sujet en 2022 et 2023, considérant que l'intervention de la SACEM est juridiquement fondée, tout en se disant favorable à ce qu'une certaine forme de discernement soit appliquée, permettant de prendre en compte les préoccupations exprimées par les loueurs ponctuels et les propriétaires de petites structures. Ainsi, le ministère de la culture affirmait, en 2022, qu'il était souhaitable « que la SACEM poursuive ses efforts de simplification des modalités d'accès aux œuvres et de partenariat avec les exploitants du secteur touristique, sans pour autant priver les auteurs de leurs droits et de la juste rémunération de leur activité créatrice » et qu'à cette fin « la SACEM poursuit des discussions avec les principales fédérations et associations représentant les acteurs de l'hébergement touristique en vue d'adapter les conditions de son intervention à la réalité des exploitations les plus modestes ». À l'heure actuelle, il semble que des avancées aient été enregistrées, notamment avec la Fédération nationale des gîtes de France : en 2024, chaque département a désormais la possibilité de souscrire à une centralisation des autorisations et des paiements pour l'intégralité de ses adhérents, à travers un forfait unique centralisé s'élevant à 37,04 euros TTC par gîte (au lieu des 223,97 euros précédents). Pour le reste, la législation reste floue et laisse dans l'expectative de nombreux loueurs d'hébergements touristiques qui, dans le doute, songent à supprimer les téléviseurs de leurs locations. Ce qui aboutit à diminuer leur niveau de confort, alors même que l'équipement en radios ou en téléviseurs est pris en compte pour l'attribution de certains labels de qualité. Aussi, il lui demande de lui préciser l'état précis du droit en la matière.

Réponse publiée le 3 décembre 2024

Saisi de plusieurs questions écrites concernant le paiement des redevances à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) par les propriétaires d'hébergements touristiques, le ministère de la culture a eu l'occasion de préciser l'état de la législation au sujet des droits SACEM et l'étendue de sa compétence en la matière. S'agissant de la législation en matière de droit d'auteur, l'intervention de la SACEM est fondée sur l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle (CPI), qui soumet à l'autorisation de l'auteur la représentation de son œuvre, laquelle consiste dans la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». Il importe de souligner que l'article 3§1 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information consacre, dans le même sens, le principe selon lequel une communication au public d'une œuvre relève du droit exclusif de son auteur de l'autoriser ou de l'interdire. En pratique, c'est aux juges qu'il appartient de statuer et d'apprécier, au cas par cas en fonction de différentes circonstances de fait, la présence d'un acte de communication au public. Ainsi que le rappelle de manière constante la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la notion de communication au public implique une « appréciation individualisée » et suppose de « tenir compte de plusieurs critères complémentaires » qui comprennent notamment « le rôle incontournable de l'utilisateur », le « caractère délibéré de son intervention » ou encore le « caractère lucratif » de la communication. La notion de « communication au public » constitue, par ailleurs, une notion autonome du droit de l'Union européenne consacrée par la CJUE, qui a donné lieu à une jurisprudence abondante. Les juridictions françaises et européennes ont unanimement admis que l'hôtelier qui met à la disposition de ses clients un appareil permettant la réception de programmes de télévision réalise un acte de communication au public soumis à autorisation et, partant, au paiement des droits d'auteur (cf. Cass. 1re civ., 14 janvier 2010, n° 08-16.022 ; CJUE, 7 décembre 2006, C 306/05). La CJUE a admis récemment que la notion de communication au public couvrait aussi la mise à disposition délibérée, par l'exploitant d'un immeuble d'appartements mis en location, d'appareils de télévision équipés d'une antenne d'intérieur (cf. CJUE, 20 juin 2024, C 135/23). Elle a, à cette occasion, explicitement relevé l'analogie qui existait avec les hôtels en soulignant que si « les appartements de l'immeuble […] font l'objet de locations de courte durée, notamment au titre d'hébergement touristique, leurs locataires devraient être qualifiés de « public », étant donné qu'ils constituent ensemble, à l'instar des clients d'un établissement hôtelier, un nombre indéterminé de destinataires potentiels » (§42 de l'arrêt). Au-delà du caractère fondé de la SACEM à intervenir – en tant qu'organisme de gestion collective (OGC) représentant les intérêts des auteurs – auprès des loueurs d'hébergements touristiques lorsqu'ils effectuent des communications au public d'œuvres relevant de son répertoire, des règles de fond encadrent la fixation des montants de rémunération de droit d'auteur. Les montants de rémunération demandés en contrepartie des autorisations délivrées par les OGC sont, pour mémoire, encadrés par des critères et principes issus de l'article 16 de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins et l'octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur, et de l'article L. 324-6 du CPI qui le transpose. En application de ces textes, les OGC, tels que la SACEM, sont tenus de prévoir dans les contrats et tarifs qu'ils fixent un montant permettant d'assurer une « rémunération appropriée » pour les titulaires de droits qu'ils représentent, d'une part, et de fixer, à l'égard des utilisateurs, un « montant raisonnable » qui tient compte notamment de la « valeur économique » des droits exploités, d'autre part. S'agissant de la compétence du ministère de la culture, il importe de rappeler que les rémunérations contractuelles versées aux auteurs ne constituent pas une taxe ou une redevance de nature fiscale et que les OGC chargés de percevoir ces rémunérations, dont la SACEM, constituent des organismes de droit privé, et non des établissements placés sous la tutelle de l'État. Il n'appartient pas à ce dernier de s'immiscer dans une relation contractuelle de droit privé et de se prononcer sur le caractère approprié des montants de rémunération fixés dans ce contexte. Le ministère de la culture demeure néanmoins attentif à ce que les OGC prennent en compte les préoccupations exprimées par les utilisateurs, notamment au regard de considérations tenant à leur modèle économique. C'est ainsi qu'il encourage le dialogue entre les parties prenantes. En ce sens, des avancées ont pu être enregistrées avec la Fédération nationale des gîtes de France (FNGF). L'accord de partenariat conclu, en 2023, entre la SACEM et la FNGF prévoit ainsi des réductions protocolaires sur le montant des droits d'auteur et la mise en place d'un forfait unique centralisé pour les adhérents de 37,04 euros toutes taxes comprises (en ce compris les droits voisins gérés par la Société pour la perception de la rémunération équitable). Des négociations sont actuellement en cours pour étendre ce tarif réduit protocolaire centralisé aux adhérents d'une autre association de promotion des hébergements touristiques (Clévacances). D'après les informations portées à la connaissance du ministère, la SACEM devrait également poursuivre les discussions avec d'autres acteurs de l'hébergement touristique, comme l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances et la Fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme.

Données clés

Auteur : M. Yannick Monnet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Propriété intellectuelle

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024

partager