Question orale n° 133 :
Plan pluriannuel et segmentation par âge de la politique d'autonomie

17e Législature

Question de : Mme Sandrine Runel
Rhône (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Sandrine Runel appelle l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la nécessité de prévoir un plan pluriannuel pour les maladies neuro-dégénératives doté de moyens financiers à la hauteur des besoins, ainsi que sur l'obligation pour le Gouvernement de prendre le décret d'application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 prévoyant la fin de la segmentation par âge de l'attribution de la PCH. Par cette question, Mme la députée se fait la porte-parole des malades et proches aidants de personnes atteints de maladies neuro-dégénératives. Depuis des années, les malades, leurs familles, les soignants, les accompagnants, demandent la mise en place d'un plan pluriannuel pour les maladies neuro-dégénératives. Le bilan du plan 2014-2019 a pointé l'insuffisance des réalisations au regard des besoins et des objectifs, laissant de nombreux aspects non couverts. Pour y répondre, une feuille de route a émergé en 2021, sans qu'elle ne soit jamais mise en œuvre ou financée. Même sort pour la feuille de route des années 2023-2024, jamais validée. Finalement, un des prédécesseurs de M. le ministre, M. François Braun, avait confirmé son souhait de repartir sur un plan pluriannuel pour la période 2024-2028, mais rien n'a été annoncé depuis et il n'est pas resté assez longtemps pour concrétiser ses promesses en actes. Il est inacceptable que la France n'ait pas de politique de santé publique relative à cet enjeu prioritaire que représentent les maladies neuro-dégénératives, depuis maintenant 5 ans. Il n'est pas satisfaisant de les appréhender « par morceaux », dans des stratégies larges (bien vieillir, aidants, modernisation du système de santé) menées sans coordination entre elles, ni cohérence. Des ruptures de parcours de soins, le manque de soutien aux proches aidants, des politiques d'inclusion trop peu lisibles, des dispositifs non adaptés : il est urgent d'accompagner dignement les millions de Français et de Françaises concernés. Au-delà des moyens financiers nécessaires, un des grands combats des associations est d'acter la fin de la segmentation par âge des politiques publiques de l'autonomie. Aujourd'hui, la France est le seul pays de l'UE à utiliser une barrière d'âge entre le handicap et l'autonomie. Si le diagnostic de la maladie se fait avant 60 ans, le patient est considéré comme handicapé et peut potentiellement toucher la PCH. Si le diagnostic se fait après, il sera considéré comme relevant de la dépendance, ne pouvant prétendre qu'à l'APA. Le montant de la PCH étant en moyenne deux fois plus important que celui de l'APA, cela n'est pas sans conséquence. Le législateur a pourtant d'ores et déjà supprimé cette distinction de l'âge il y a maintenant 20 ans, à l'article 13 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, avec un délai de mise en œuvre de 5 ans. Cela fait donc 15 ans que le Gouvernement aurait dû prendre ce décret et pourtant, la segmentation par âge est toujours en vigueur. On est toujours dans une approche catégorielle de l'autonomie, plutôt que de se concentrer sur les besoins des patients. Mme la députée sollicite ainsi M. le ministre afin de savoir, d'une part, quand un plan pluriannuel ambitieux, exigeant et doté de moyens financiers à la hauteur de l'enjeu, sera mis en place et, d'autre part, quand le décret d'application de la loi du 11 février 2005 portant sur la fin de la segmentation par âge des politiques d'autonomie sera enfin pris par le Gouvernement. Elle lui rappelle également que la jurisprudence du Conseil d'État indique clairement depuis l'année 2000 que l'État ne peut refuser de prendre un décret d'application nécessaire à l'application d'une loi. Elle a conscience du coût de ces réformes et l'invite à ouvrir des discussions avec les parlementaires sur des pistes de financements de ces mesures. Elle souhaite connaître les perpectives à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025

LUTTE CONTRE LES MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES
M. le président . La parole est à Mme Sandrine Runel, pour exposer sa question, no 133, relative à la lutte contre les maladies neurodégénératives.

Mme Sandrine Runel . Les maladies neurodégénératives touchent 4 millions de Français. Les personnes qui en sont atteintes et leurs proches aidants demandent depuis plusieurs années un plan pluriannuel, le dernier datant de 2019. Toutes les tentatives pour établir une feuille de route ont été abandonnées. En 2023, le ministre de la santé d’alors, M. François Braun, avait confirmé son souhait d'établir un tel plan pour la période 2024-2028, mais ses nombreux successeurs n’ont rien annoncé. Il est inacceptable que la France n’ait pas de politique de santé publique en la matière alors que cela devrait être une priorité. Ruptures de parcours de soins, manque de soutien aux proches aidants, politiques d'inclusion trop peu lisibles : quand sera mis en place un plan pluriannuel doté de moyens financiers à la hauteur des enjeux ?

Au-delà des moyens financiers nécessaires, la reconnaissance de la fin de la segmentation par âge des politiques publiques de l’autonomie est un des grands combats des associations. La France est actuellement le seul pays de l'Union européenne à utiliser une barrière d'âge entre le handicap et l’autonomie : lorsque le diagnostic de la maladie intervient avant 60 ans, le patient est considéré en situation de handicap et peut potentiellement toucher la prestation de compensation du handicap (PCH) ; si le diagnostic intervient après 60 ans, le patient sera considéré comme relevant de la dépendance, ne pouvant alors prétendre qu'à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le montant de la PCH étant en moyenne deux fois plus important que celui de l’APA, cela n’est évidemment pas sans conséquence.

Le caractère ubuesque de la situation tient au fait que le législateur a déjà supprimé, il y a vingt ans, cette distinction par l’âge : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoyait en effet l'application de la disposition dans les cinq ans suivant sa promulgation. Or, vingt ans après, force est de constater que la segmentation est toujours en vigueur. Quand le décret d’application de la loi du 11 février 2005 sera-t-il enfin pris ? La jurisprudence du Conseil d’État est pourtant claire : le gouvernement ne peut refuser de prendre un décret d’application. Nous n'avons donc pas vraiment le choix. Vous me répondrez sans doute qu’une telle réforme coûte trop cher. Cherchons pour une fois des pistes de financement ! Vous savez par ailleurs où les trouver. N'abandonnons pas les malades et leurs familles !

M. le président . La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi . Je vous remercie de soulever la question de la prise en charge des maladies neurodégénératives sur le long terme, en insistant sur la segmentation par l'âge, spécifique à la France.

Le problème est épidémiologique : plus de 1,5 million de personnes sont déjà concernées par ces maladies et 50 % de plus devraient l'être dans les vingt prochaines années. Une gouvernance nationale a d'ailleurs été établie depuis 2004 : les plans Alzheimer, notamment, ont permis la création des centres mémoire de ressources et de recherche, les CMRR, ainsi que des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer, les Maia. Entre 2021 et 2022, une stratégie nationale pour les maladies neurodégénératives a servi de feuille de route. Dans son prolongement, une nouvelle stratégie de prévention et de lutte contre ces maladies, pour la période 2025-2030, est en cours de finalisation ; cette stratégie devrait être annoncée à l'été 2025. L'objectif du gouvernement est bien de concrétiser en actes concrets et visibles cette logique pluriannuelle que vous appelez de vos vœux.

En ce qui concerne le décret d'application de la loi du 11 février 2005, le Conseil d'État a statué dans une décision du 4 juillet 2012, rejetant la requête de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA) tendant à l'annulation des conditions d'âge pour l'octroi de la PCH. Je comprendrais que cette réponse ne vous satisfasse pas mais il ressort de cette décision que l'article D. 245-3 du code de l'action sociale des familles, fixant la limite d'âge pour solliciter la PCH, n'est pas contraire à la loi et ne viole pas le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, malgré l'expiration du délai de cinq ans mentionné à l'article 13 de la loi du 11 février 2005.

À l'approche des 20 ans de cette loi « handicap » du 11 février 2005, soyez néanmoins assurée, au nom de M. Neuder et de Mme Vautrin, de l'engagement plein et entier du gouvernement dans la lutte contre les maladies neurodégénératives. Nous suivrons attentivement les travaux du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui planche en ce moment sur des propositions destinées à mettre à jour le pacte national pour l'accès aux droits des personnes en situation de handicap. La consultation citoyenne s'étant terminée le 31 janvier, le gouvernement souhaite laisser le temps aux acteurs de consolider ces mesures venues directement du terrain. Puis il avancera de concert avec le CNCPH pour les concrétiser. Il serait d'ailleurs souhaitable d'y associer la représentation nationale.

Je vous remercie pour votre engagement et votre vigilance à l'égard de cette problématique essentielle, qui prend de l'ampleur.

M. le président . La parole est à Mme Sandrine Runel.

Mme Sandrine Runel . Merci pour cette réponse. Si je comprends bien, le gouvernement s'engage à élaborer un plan pluriannuel pour la période 2025-2030, qu'il devrait annoncer bientôt. Nous y serons attentifs.

Données clés

Auteur : Mme Sandrine Runel

Type de question : Question orale

Rubrique : Dépendance

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025

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