Régulation des populations de cormorans
Question de :
Mme Géraldine Bannier
Mayenne (2e circonscription) - Les Démocrates
Mme Géraldine Bannier attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les dégâts causés par les cormorans sur les plans d'eau ou les rivières de France. En effet, depuis plusieurs années, les pisciculteurs, associations de pêche et propriétaires tirent la sonnette d'alarme sur les dégâts causés par les cormorans sur les plans d'eau ou les rivières de France et sur leur impact sur les populations de poissons. En Mayenne, les associations de pêcheurs estiment à ce jour que le comptage des sites du cormoran est sous-estimé. Surtout, le grand nombre de cormorans engendre un appauvrissement halieutique des milieux aquacoles, un assèchement des productions en pisciculture, un renchérissement de la valeur des poissons de rempoissonnement, un investissement à fonds perdu du rempoissonnement réalisé par les associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques, l'importation de poissons, une raréfaction des poisson reproducteurs puisque les carpes d'un poids inférieur à 2 kg sont systématiquement mangées. C'est pourquoi afin de retrouver un meilleur équilibre entre les espèces aquatiques et alors que le cormoran est reconnu comme une espèce protégée, elle lui demande si les mesures de régulation prises par les préfets pourraient être élargies au domaine public, en fonction des besoins des territoires (à titre d'exemple, le quota alloué à la Mayenne de 450 individus par an pour les seules piscicultures semble très insuffisant). Elle lui demande également quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend mettre en œuvre en faveur de la filière piscicole pour que celle-ci puisse maintenir son activité.
Réponse publiée le 17 décembre 2024
Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « oiseaux »). La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre un niveau relativement stable depuis 2013 et oscillant autour de 100 000 individus présents. Le dernier recensement national des grands cormorans hivernants, réalisé à l'hiver 2023/2024, n'a pas encore livré ses résultats, les chiffres devant être compilés et analysés par le coordonnateur national du comptage. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation dans des conditions fixées par l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010. Un arrêté pris tous les trois ans fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il est lui-même décliné en arrêtés départementaux annuels ou triennaux définissant les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022-2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à plusieurs requêtes déposées ces dernières années. Plus d'une quinzaine d'arrêtés ont été ainsi annulés et plusieurs contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs ont fait état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne démontraient, ni la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, ni l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées, ni la mise en œuvre de solutions alternatives. Dès lors, les conditions de dérogation pour destruction d'une espèce protégée n'étaient pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté triennal, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettaient pas de démontrer l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 a donc prévu que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la régulation. Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles, ont été signalées. Un protocole-cadre national a été discuté avec la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) et quatre départements pilotes ont été retenus pour le mettre en œuvre, l'objectif étant de documenter les impacts du cormoran sur les espèces piscicoles sensibles. En outre, le Conseil d'Etat, suite à une requête visant à annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 en tant qu'il ne prévoit pas de quotas de prélèvement de grands cormorans en eaux libres, a, par décision du 8 juillet 2024, partiellement annulé cet arrêté triennal, considérant qu'il appartient aux préfets d'apprécier si la prédation du grand cormoran occasionne des risques pour des populations de poissons menacées, et d'accorder, le cas échéant, des dérogations dans la limite des plafonds départementaux fixés par arrêté ministériel. Le Conseil d'Etat enjoint donc les ministres en charge de l'environnement et de l'agriculture à prendre un arrêté modificatif fixant des plafonds départementaux de destruction de grands cormorans en eaux libres pour la période 2022-2025. Par conséquent, des travaux sont en cours avec l'ensemble des partenaires concernés afin de définir les conditions dans lesquelles des tirs pourront à nouveau être autorisés sur les cours d'eau et plans d'eau à partir de l'automne 2024 en mobilisant les données obtenues dans le cadre de l'accord-cadre national cité précédemment. Compte tenu de l'intégration de l'aquaculture au sein de la politique commune des pêches en tant que compétence partagée avec la Commission européenne, le principal levier financier pour mettre en œuvre les actions du plan « Aquacultures d'avenir » 2021-2027 est le fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA), qui a pris, pour la programmation 2021-2027, la relève du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Depuis près de dix ans, les filières aquacoles ont su mobiliser pleinement cet outil, les mesures du FEAMP dédiées à ce secteur ayant présenté un des meilleurs taux de consommation du fonds. Cette dynamique se confirme au vu du nombre de dossiers déposés dans les régions littorales et auprès de FranceAgriMer pour bénéficier du FEAMPA, sur des projets d'innovation, d'investissements productifs, d'acquisition de connaissance et projets scientifiques, de transformation, de communication, de valorisation ou de renforcement de la structuration des filières. Les piscicultures ont pleinement accès à ces financements et ont su s'en emparer, notamment pour moderniser leurs infrastructures et gagner en autonomie énergétique. Elles bénéficient également des projets de recherche portés par l'interprofession en lien avec des instituts techniques et scientifiques (Itavi, Ifremer, Inrae, etc.), également soutenus par le FEAMPA. Le fonds pour la souveraineté alimentaire et la transition écologique permettra aussi d'accompagner la filière, puisque le Gouvernement a prévu que les activités aquacoles, et de fait les piscicultures, puissent bénéficier d'un financement dans le cadre de projets territoriaux structurants. Le Gouvernement confirme donc son intention de soutenir pleinement le développement de l'aquaculture, dans toutes ses composantes, et notamment la filière piscicole française, afin de reconquérir sa souveraineté, notamment pour ce qui concerne les salmonidés, premières espèces d'importations françaises.
Auteur : Mme Géraldine Bannier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 17 décembre 2024