Question écrite n° 1352 :
Sécurité des JO : le règne des arrestations arbitraires est-il de retour ?

17e Législature

Question de : M. Antoine Léaument
Essonne (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Antoine Léaument alerte M. le ministre de l'intérieur sur la violence des mesures de privation de liberté arbitraires et injustes prises pendant les JO. Dans une tribune publiée le 2 octobre 2024 dans le journal Libération, la politiste Chloé Morin présente le cas de Latifa (le nom est modifié), une femme algérienne de 30 ans, en situation régulière sur le territoire français et qui travaille en France depuis 10 ans comme garde d'enfant. Une personne sans histoire et qui pourtant a vécu un calvaire policier, judiciaire et administratif en raison des mesures appliquées par le prédécesseur de M. le ministre, prétendument pour lutter contre le terrorisme. Que s'est-il passé ? Le 15 juillet 2024, Latifa est convoquée au commissariat. On lui dit alors qu'elle va devoir pointer au commissariat tous les jours à 8 h. Elle est accusée d'avoir publié sur son compte Tiktok du contenu à caractère terroriste. À tort. Pourtant, elle sera assignée à résidence pendant deux mois, passera à deux reprises en garde à vue, subira l'humiliation que des policiers lui demandent d'enlever son voile sans motif pour, à la fin, que les mesures de privation de liberté soient levées par la décision discrétionnaire du ministre de l'intérieur lui-même. Ce système arbitraire de privation de liberté a officiellement été mis en place pour lutter contre le terrorisme. Pourtant, il a aussi été utilisé contre des militants écologistes et politiques. Et on constate dans le cas de Latifa qu'il peut être utilisé contre des personnes innocentes et inoffensives comme des gardes d'enfants, les empêchant de travailler et les traumatisant, sans raison et sans recours efficace. Aussi, Chloé Morin alerte : « Le « risque zéro» souhaité par tous mérite-t-il le sabordage des valeurs qui font l'honneur de la France (...) ? ». M. le député répond bien sûr par la négative, car les terroristes essaient précisément de détruire ces valeurs ; et c'est leur donner la victoire que de leur permettre d'arriver à leurs fins. Mais Chloé Morin pose aussi une question : « Combien de Latifa ont été injustement enfermées cet été ? ». M. le député pose la même question à M. le ministre. Combien de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été mises en place officiellement pour assurer la sécurité des JO ? Parmi elles, combien ont été contestées ? Parmi elles, combien ont été annulées par décision de justice ? Et enfin, combien ont été in fine levées par le prédécesseur de M. le ministre lui-même, sans autre forme de procès que l'arbitraire de la libération succédant à l'arbitraire de la privation de liberté ? Par ailleurs, il lui demande quelles mesures il compte prendre à l'avenir pour empêcher que des injustices comme celle qui a frappé Latifa ne se reproduisent à l'avenir.

Réponse publiée le 4 mars 2025

A l'occasion d'évènements particulièrement exposés à un risque d'acte terroriste, tels que les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) 2024, un suivi sécuritaire accru, par le biais de la mise en œuvre de mesures de police administrative, notamment les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), à l'endroit de certains profils radicaux, est plus particulièrement nécessaire. Essentielle dans le cadre de la prévention des atteintes à l'ordre public, objectif à valeur constitutionnelle, la MICAS n'en reste pas moins une mesure exceptionnelle qui ne peut être prise que si elle répond à des conditions précises définies par la loi. En vertu de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure, une MICAS ne peut en effet être prononcée qu'aux fins de prévenir la commission d'un acte de terrorisme. En outre, deux conditions cumulatives doivent être réunies. D'une part, il appartient au ministre de l'intérieur d'établir qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne visée par la mesure constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. Cette menace doit être nécessairement en lien avec le risque de commission d'un acte de terrorisme. D'autre part, il lui appartient également de prouver soit que cette personne « entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme », soit qu'elle « soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ». Sous le contrôle du juge, les services du ministère de l'intérieur veillent à ce que les conditions prévues par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure précité soient satisfaites afin d'assurer une utilisation maîtrisée et proportionnée de cet outil de lutte contre le terrorisme. Au total, 547 MICAS sont entrées en vigueur pendant la période des JOP 2024, soit entre le début du parcours du relais de la flamme olympique - le 3 mai 2024 - et le défilé des athlètes à Paris - le 14 septembre 2024. Ces mesures prévoyaient, à titre principal, l'interdiction pour les intéressés de se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne pouvait être inférieur au territoire d'une commune, assortie pour la plupart d'une obligation de se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. A titre complémentaire, elles prévoyaient une interdiction de paraître dans certains lieux liés aux JOP (lieux d'épreuves ou d'entrainements) considérés comme exposés à un risque de menace terroriste. Parmi ces 547 mesures, 178 MICAS ont été contestées devant le juge administratif et 52 ont été suspendues ou annulées au 31 décembre 2024, certaines l'ayant été uniquement pour leur durée excédant la période des jeux Paralympiques. A l'issue des jeux Olympiques et Paralympiques, à compter soit du 9 septembre 2024, à la fin des épreuves sportives, soit du 15 septembre 2024, après le défilé des athlètes sur les Champs-Elysées, 222 abrogations de MICAS JOP ont été prononcées compte tenu de la fin de cet évènement ou compte tenu de l'évolution de la situation des intéressés (incarcération, placement en centre de rétention administrative, etc.). Grâce au suivi sécuritaire mis en place et à la mobilisation des forces de sécurité, aucun acte de terrorisme n'a été perpétré durant les JOP et deux projets d'action violente, en mai et juin 2024, pendant la période du passage de la flamme olympique, ont pu être déjoués.

Données clés

Auteur : M. Antoine Léaument

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 4 mars 2025

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