Question de : Mme Alexandra Masson
Alpes-Maritimes (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Alexandra Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les trafics de la vente de cigarettes à la sauvette. En plus des pertes fiscales pour l'État et des pertes de revenus pour la chaîne de valeur légale, l'importante et rapide expansion des cigarettes de contrefaçon a provoqué à la fois une augmentation des risques pour les fumeurs dus à la consommation de produits non-conformes et un enracinement de la criminalité organisée et de la délinquance locale. Cette croissance de la contrefaçon de cigarettes s'explique à la fois par la politique fiscale appliquée aux produits du tabac, l'accessibilité des produits contrefaits à l'échelle nationale facilitée par la prolifération des points de vente de rue conjuguée au prix de vente des contrefaçons. Le développement de ces trafics génère directement une forte insécurité pour les habitants et les commerces locaux qui font face à de nombreux règlements de compte violents. En témoigne la récente altercation entre vendeur de cigarettes à la sauvette survenue le 31 août 2024 dans le quartier Max Dormoy à Paris. Une quarantaine de membres de la communauté afghane se sont effectivement affrontés à l'arme blanche, faisant sept blessés dont trois en urgence absolue. De même, au mois de février 2024, un commerçant montpelliérain excédé par une concurrence déloyale imposée par des vendeurs de tabac à la sauvette devant son établissement s'est fait tirer dessus par l'un de ces vendeurs auquel il était venu demander des comptes. Ainsi, face à l'explosion de ces trafics et des réseaux de criminalité qui les alimentent, elle souhaite connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour protéger les territoires impactés et endiguer ce phénomène.

Réponse publiée le 10 juin 2025

La préfecture de police est pleinement engagée dans la lutte contre les ventes à la sauvette de cigarettes et de tabac, qui ont pris une ampleur importante dans certains quartiers de l'agglomération parisienne, notamment autour du square Louise de Marillac et du métro La Chapelle à Paris. Afin de lutter contre ce phénomène, le plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025 est venu renforcer la coopération opérationnelle entre les services douaniers et ceux de la gendarmerie et de la police nationales. Il prévoit entre autre la réalisation d'actions coordonnées d'envergure, organisées par la douane pendant toute la durée de sa mise en œuvre. Ainsi, des partenariats, conclus entre l'État et la confédération des buralistes, ont permis la réalisation en France d'opérations conjointes dites « Colbert », menées dans le cadre du groupe opérationnel national anti-fraude (GONAF) « Tabac », co-piloté par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF). L'opération Colbert II, qui s'est déroulée du 20 au 27 mars 2024 dans toute la France, comportait quatre axes : contrôles urbains dits « sauvettes » ; contrôles des commerces dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) ; contrôles routiers et opérations de filtrage frontaliers ; et, enfin, contrôles sur le vecteur aérien dans les aéroports et sur le fret postal et le fret express. Pour permettre la réussite de l'opération, plus de 10 122 agents de la DGDDI, de la gendarmerie et de la police nationales ont été déployés, en coordination avec ceux de la préfecture de police et d'autres services de l'État (DGFIP, DREAL, URSAFF, inspection du travail), ainsi que plusieurs polices municipales. Vingt-sept tonnes de marchandises ont été interceptées, soit trois fois plus que lors de la première édition du plan Colbert en 2023. Cette opération a également permis de procéder à 108 interpellations et 52 demandes de fermeture administrative de commerces. S'agissant spécifiquement de l'agglomération parisienne, face aux difficultés que rencontre la circonscription du 18e arrondissement en la matière, de nombreuses opérations ont été mises en place par la préfecture de police sur le secteur de La Chapelle. En particulier, des opérations dites « place nette » ont été déployées dans le but d'améliorer durablement la physionomie des quartiers les plus impactés, en faisant appel à l'ensemble des ressources judiciaires et administratives, en lien avec le parquet. En outre, des actions de sécurisation quotidiennes des services de police de l'agglomération parisienne sont menées et renforcées par des unités de forces mobiles. Ces actions permettent chaque mois la saisie de plusieurs milliers de paquets de cigarettes illégaux et de centaines de kilos de tabac à chiquer. En outre, les saisies s'accompagnent fréquemment d'interpellation d'étrangers en situation irrégulière susceptibles d'aboutir à des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Pour exemple, en Seine-Saint-Denis, les policiers ont procédé, sur les 10 premiers mois de l'année 2024, à 37 opérations aboutissant à l'interpellation de 81 vendeurs à la sauvette, dont 80 en situation irrégulière. 1 129 paquets de cigarettes, 320 g de tabac à chicha et 35 paquets de tabac à chiquer ont été saisis. À cela, il convient d'ajouter que conformément au décret du 18 décembre 2019 portant création d'une contravention d'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette, les services de police ont la possibilité de sanctionner directement les acheteurs. Ce levier dissuasif a été actionné à plus de 1000 reprises en 2023 et plus de 800 fois au cours des 8 premiers mois de l'année 2024. Par ailleurs, le travail sur le terrain et d'investigation permettent de porter de véritables coups d'arrêt aux réseaux alimentant la plaque parisienne. De façon concrète, en avril 2024, un réseau organisé au sein de communautés pakistanaises et nord-africaines a été démantelé (interpellation de 6 organisateurs et complices, dont 5 en situation irrégulière, 366 cartouches de cigarettes contrefaites et 2 125 euros en numéraires saisis). Puis, en juin 2024, c'est une filière organisée au sein de la communauté moldave qui a été démantelée (5 organisateurs et complices interpellés, dont 5 en situation irrégulière, 3 148 cartouches de cigarettes contrefaites et 22 552 euros en numéraire saisis). En juillet 2024, une filière d'approvisionnement en provenance de Belgique a été démantelée, conduisant à la saisie d'une tonne de tabac à chiquer et au déferrement des trois principaux organisateurs du réseau. Enfin, en septembre 2024, un réseau organisé au sein des communautés bangladaises et maghrébines a été stoppé (2 fournisseurs et 7 vendeurs interpellés, dont 8 en situation irrégulière ; 564 paquets de cigarettes contrefaites saisis). L'ensemble de ces efforts a permis un véritable recul des procédures pour commerce illicite de tabac à Paris : au cours des 10 premiers mois 2024, 1 157 procédures ont été enregistrées (-8,68% par rapport à la même période en 2023), dont 796 pour le 18e arrondissement (-14,41%), et 170 pour le secteur Marx Dormoy – porte de la Chapelle (-3,95%). Enfin, s'agissant de la communauté afghane, celle-ci est effectivement bien implantée dans le 18e arrondissement, où elle a considérablement renforcé sa présence depuis la chute de Kaboul en août 2021, entrainant une hausse des flux migratoires vers notre pays. Ces deux dernières années, sur 80 personnes d'origines afghanes mises en cause dans le 18e arrondissement, 30% l'ont été pour des faits de ventes à la sauvette ou trafic de produits manufacturés (tabacs et cigarettes) et 45% d'entre eux pour des infractions à la législation relative aux stupéfiants ou aux produits psychotropes. Les autres affaires sont des vols ou des violences volontaires, souvent en rapport avec les trafics précédemment évoqués.  La préfecture de police continuera de mener une action résolue dans le cadre de la lutte contre les ventes à la sauvette de tabac, en particulier sur le 18e arrondissement de la capitale Sur le plan national aussi, cette forme de délinquance et les nuisances occasionnées sur la voie publique, notamment près des gares, sont pleinement prises en compte par la police nationale, tant par les services spécialisés de police judiciaire en matière de groupes criminels organisés que par les services généralistes en matière de répression des nuisances qui peuvent être commises sur la voie publique, par exemple dans le cadre de ventes à la sauvette. Les services spécialisés de la police nationale, notamment ceux de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), continueront de s'impliquer activement dans la lutte contre ce marché parallèle et les réseaux organisés et transnationaux, en partenariat avec la douane, cheffe de file interministérielle de la lutte contre la contrebande et le commerce illicite des produits du tabac. La lutte contre les trafics et la vente illicite de tabac est une réalité quotidienne des unités de la gendarmerie nationale dans un large domaine d'action, qu'il s'agisse de la sécurité publique générale, du contrôle des flux ou de l'investigation judiciaire. Ainsi, la gendarmerie nationale vu son activité de répression des infractions spécifiquement liées au commerce illicite de tabac et de la vente à la sauvette augmenter de 50 % entre 2022 et 2023, passant de 1 368 à 2 058 infractions constatées, y compris dans la profondeur des territoires. La gendarmerie nationale agit pleinement dans le cadre interministériel des plans tabac et anti-contrefaçon. Opérationnellement, cela se traduit par sa pleine contribution aux opérations dites « Colbert », décrites supra. La gendarmerie nationale est également présente sur le haut du spectre criminel qui irrigue l'ensemble de l'écosystème de la vente du tabac illicite. A titre d'exemple, la plus vaste usine clandestine de cigarettes démantelée en France se trouvait en Seine-Maritime. Elle a pu être mise au jour en janvier 2023 par les investigations de la section de recherches (SR) de Rouen. Deux chaînes de production et 60 tonnes de tabac, d'un prix à la revente estimé à 13 millions d'euros, ont été saisies. Neuf individus, tous de nationalité étrangère, moldaves pour la plupart, et âgés de 21 à 55 ans, ont été interpellés et mis en examen. La section de recherches de Paris, au mois d'avril 2024, a procédé à la saisie de 44 000 cartouches de tabac contrefaisantes, soit 13 tonnes de marchandises, pour une valeur marchande au marché noir d'environ 2,5 millions d'euros. Dans cette affaire, neuf personnes ont été interpellées, déférées et mises en examen pour importation de tabac en bande organisée et travail illégal en bande organisée. Le trafic de tabac est un champ infractionnel prégnant des opérations « place nette », dans lesquelles les gendarmes, au cœur des territoires, sont pleinement engagés. Une opération « place nette 69 » a permis au mois d'avril 2024, dans le département du Rhône, au terme d'une enquête menée par la brigade de recherches de Mions, le démantèlement d'un réseau majeur de contrebande de cigarettes. Dix personnes ont été mises en examen, dont six écrouées, et 2,4 tonnes de marchandises ont été saisies. Une opération « place nette 22 », a permis au mois de mai 2024, dans les Côtes d'Armor, et plus largement en Normandie et en région parisienne, le démantèlement d'une structure polycriminelle, mêlant trafic de stupéfiants, de cigarettes contrefaisantes et de véhicules volés. Les gendarmes des Côtes d'Armor, en co-saisine avec des enquêteurs de la police nationale, à Saint-Brieuc, ont procédé à l'interpellation de 25 individus, dont 5 têtes de réseau. Il a été procédé à des saisies en quantités importantes de cigarettes de contrebande, des stupéfiants, des produits de contrefaçon et des véhicules frauduleux. Par ailleurs, depuis mars 2024, les enquêteurs sous pseudonyme de la SR de Nîmes ont enquêté sur un trafic de cigarettes revendues par un Gardois via Snapchat. Les investigations ont permis d'établir que le trafic était opéré par une bande organisée des Hauts-de-France s'approvisionnant en Belgique. Depuis juin 2024, ils livraient différentes personnes en métropole, dont le Gardois et son complice. Une opération judiciaire est déclenchée à Arles (13) en octobre 2024. Les perquisitions permettent la saisie de 1,2 tonnes de tabac contrefaisant d'une valeur marchande de 600 000 €, 45 530 euros en numéraire et 6 véhicules. Enfin, comme le démontre le résultat de ces opérations, les trafics de tabac sont imbriqués dans de nombreux pans de la criminalité et corrélés à la problématique plus générale des contrefaçons. Pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle, la gendarmerie met en oeuvre depuis plusieurs années une stratégie pilotée par la sous-direction de la police judiciaire, visant à renforcer la proximité entre le gendarme et le titulaire de droits, notamment par le biais d'un partenariat majeur avec l'UNIFAB, pour mieux détecter la contrefaçon, notamment en ligne, et mettre en œuvre le savoir-faire de l'institution en matière d'investigation à tous les niveaux, de la délinquance quotidienne à la criminalité organisée.

Données clés

Auteur : Mme Alexandra Masson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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