Conditions de travail dans le secteur du jeu vidéo
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur les conditions de travail dans le secteur du jeu vidéo en France. D'une importance économique croissante pour le pays, plus rentable même que le cinéma français, l'industrie vidéoludique semble pourtant échapper au droit du travail. Exerçant des activités historiquement perçues comme relevant de la passion avant tout, les travailleurs et travailleuses du secteur se voient imposer des rythmes de travail usants et pénibles. L'habitude adoptée par les employeurs des périodes dites de « crunch » est emblématique de ce problème : afin de boucler la production d'un jeu vidéo dans les temps, les employés sont utilisés comme la variable d'ajustement principale. Ils et elles sont ainsi amenés à cumuler de nombreuses heures de travail non déclarées et à ne pas pouvoir respecter les temps de travail contractuels. Le droit du travail n'est donc pas respecté dans le secteur du jeu vidéo : cette culture du surtravail, unifiée bien que problématique, est même inculquée aux futurs salariés dès leur formation, puisque ces schémas sont déjà présents dans les écoles spécialisées. Malgré un discours du Syndicat national du jeu vidéo (représentant les employeurs du secteur) qui se veut rassurant, les heures supplémentaires ne peuvent être refusées par les employés du fait de la nature même de la production d'un jeu vidéo, en équipe et à la chaîne, le travail des uns dépendant des résultats des autres. Il est essentiel de noter que ces heures forcées ne sont de surcroît que rarement rémunérées intégralement, ce qui représente de la part des employeurs un manquement grave au code du travail. La banalisation voire l'institutionnalisation de ces pratiques entraîne de graves problématiques de mal-être au travail et de santé mentale chez les travailleurs du jeu vidéo, ainsi qu'un turn over important du fait de l'« agilité » qui leur est demandée. Ces exigences sont en outre incompatibles avec une vie de famille, ce qui induit des situations de déséquilibres profonds entre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi que des abandons de carrière prématurés. Enfin, le secteur n'échappe pas aux inégalités entre les femmes et les hommes, qui sévissent par ailleurs dans de nombreux domaines. Les 14 % de travailleuses du jeu vidéo sont ainsi souvent moins rémunérées que leurs collègues masculins, y compris à poste, statut et diplôme égaux (des différences de 300 euros à 400 euros mensuels ayant été révélées par une enquête de Médiapart sur le sujet en janvier 2018). Le 15 octobre 2024, c'est une grève historique qui a eu lieu chez Ubisoft avec plus de 700 salariés mobilisés sur les 4 000 que compte l'entreprise en France, selon une estimation du Syndicat des travailleurs du jeu vidéo (STJV), pour protester contre la décision prise mi-septembre par le groupe contre ses salariés. Face à cette situation, il l'interroge quant aux mesures que le Gouvernement compte mettre en place afin que le droit du travail déjà existant s'applique dans le secteur du jeu vidéo, où il n'est aujourd'hui que trop rarement respecté.
Réponse publiée le 26 novembre 2024
Le domaine des jeux vidéo est souvent identifié comme une « industrie » ou un « secteur d'activité » à part entière. Or, les entreprises se répartissent au sein de différents codes de Nomenclature d'activités française (NAF) englobant d'autres types d'activités. Dès lors, il apparait difficile de réellement quantifier l'activité des agents de l'inspection du travail au sein de ce secteur. Il existe, en effet, un code NAF dédié à cette activité (58.21Z - Édition de jeux électroniques), mais d'autres entreprises françaises très connues de ce secteur (Ubisoft, Amplitude Studios, Arkane Studios, ou encore Cyanide) se répartissent au sein de différents autres codes NAF, qui ne sont pas liés exclusivement au développement de jeux vidéo. Néanmoins, des dizaines d'interventions sont réalisées par les inspecteurs du travail dans ces entreprises sur de multiples sujets, et notamment les licenciements de salariés protégés. Les interventions des inspecteurs du travail s'inscrivent dans les orientations nationales fixées par la direction générale du travail dans le plan pluriannuel d'action (1) qui donne la priorité à la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, la lutte contre les fraudes, contre la dissimulation d'heures de travail, la réduction des inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ou encore la protection des travailleurs les plus vulnérables. Ces sujets s'inscrivent bien dans les priorités nationales du Gouvernement. (1) Un nouveau plan d'action pour le système d'inspection du travail (SIT) | Travail-emploi.gouv.fr | Ministère du Travail et de l'Emploi
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Travail et emploi
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 26 novembre 2024