Dérives d'utilisation du terme « fermier »
Question de :
Mme Chantal Jourdan
Orne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Chantal Jourdan interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les dérives d'emploi du terme « fermier ». L'Association nationale des producteurs laitiers fermiers (ANPLF) défend, depuis sa création en 2016 le terme « fermier » en mettant particulièrement l'accent sur la notion de souveraineté notamment via son slogan : « J'élève, je transforme, je vends ». Une lettre ouverte de l'ANPLF à destination de M. le ministre Marc Fesneau le 17 janvier 2023 démontrait une carence réglementaire au sujet des modalités d'information du consommateur pour les fromages fermiers. En effet, la loi n° 2020-699 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires prévoyait une modification du code rural et de la pêche maritime via son article 6 : « Pour les fromages fermiers, lorsque le processus d'affinage est effectué en dehors de l'exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l'information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa selon les modalités fixées par décret ». À ce jour, le décret précité n'est pas encore publié. Ainsi, l'absence de publication du décret a permis à de grands groupes d'acquérir des coopératives d'affinage afin de commercialiser leurs fromages sous la labellisation « fermier » malgré l'affinage effectué hors-ferme. De vives préoccupations émanent désormais quant au possible élargissement de ces pratiques sur l'ensemble des produits laitiers. Ces préoccupations font notamment suite à l'apparition de différentes start-up spécialisées dans la location de container permettant la fabrication de yaourts, de glaces et autres produits directement sur l'exploitation. Par exemple, la marque « J'achète Fermier » propose aux producteurs laitiers la location d'un container comprenant une véritable yaourterie, directement livrée clef en main sur l'exploitation. Les yaourts produits sont ensuite vendus en exclusivité dans une chaîne de la grande distribution. Cependant, le fermier ne choisit ni la recette de son produit, ni son prix de vente, ni ses réseaux de distribution. Bien que l'ANPLF ne remette pas en cause ce système permettant aux agriculteurs une valorisation de leur production laitière, elle conteste fermement l'utilisation du terme « fermier ». En effet, l'ANPLF souhaite réserver ce terme aux exploitants agricoles qui maîtrisent toutes les étapes de la chaîne de production et ainsi préserver la mention valorisante qu'il reflète. Elle souhaiterait donc avoir connaissance de ses intentions concernant cette problématique et les pistes qui peuvent être envisagées pour protéger les producteurs laitiers fermiers.
Réponse publiée le 19 novembre 2024
Le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères comporte, à l'article 9-1, une disposition indiquant que « la dénomination "fromage fermier" ou tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière est réservée à un fromage fabriqué selon les techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci ». Il est toutefois admis, sous certaines conditions, que l'affinage d'un fromage fermier puisse être réalisé hors de l'exploitation, par un affineur, sans pour autant que cela remette en cause le caractère « fermier » du fromage. Afin que le consommateur puisse avoir connaissance de cette pratique au moment de son acte d'achat, l'article 6 de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires a modifié l'article du code rural et de la pêche maritime relatif à l'utilisation de la dénomination « fermier » pour des fromages affinés en dehors de l'exploitation. Cette nouvelle disposition prévoit, que pour les fromages fermiers, lorsque le processus d'affinage est effectué en dehors de l'exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l'information du consommateur doit être assurée selon des modalités fixées par décret. Un projet de décret a été élaboré par les services du ministère chargé de l'économie et du ministère chargé de l'agriculture, après consultations des différentes filières concernées, avec les représentants desquelles les services des deux ministères chargés de cette question ont des échanges fréquents. Le projet de décret a été notifié à la Commission européenne le 20 décembre 2023 au titre de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société d'information. La Commission européenne a transmis aux autorités françaises un avis circonstancié sur ce projet de décret à la fin du mois de mars 2024. Les ministères concernés, qui connaissent l'importance de la dénomination « fromage fermier » pour les filières laitières, travaillent suite à cet avis sur une version révisée du décret, avec le double objectif d'adopter une approche équilibrée et pragmatique, et de respecter les exigences du droit de l'Union européenne.
Auteur : Mme Chantal Jourdan
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 19 novembre 2024