Question orale n° 13 :
Dysfonctionnements dans les procédures de renouvellement des titres de séjour

17e Législature

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Stéphane Peu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les immenses difficultés rencontrées par les usagers à l'occasion du renouvellement de leur titre de séjour causant des interruptions de droits, d'emploi...

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

RENOUVELLEMENT DES TITRES DE SÉJOUR
Mme la présidente . La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour poser la question no 13, de M. Stéphane Peu, relative au renouvellement des titres de séjour.

M. Marcellin Nadeau. Il ne se passe plus une journée, écrit mon collègue, sans que ma permanence parlementaire soit sollicitée par un habitant de ma circonscription en détresse devant les difficultés rencontrées pour renouveler son permis de séjour, qu’il s’agisse d’une carte d’un an, d'une carte de dix ans, d’un titre pour vie privée et familiale ou d'un titre à caractère professionnel.

Les témoignages sont terribles. Dans l’impossibilité de faire renouveler leurs papiers dans les temps impartis, c’est-à-dire avant l’échéance de leur titre de séjour, ces femmes et ces hommes, souvent responsables de famille, se retrouvent menacés de licenciement, voire licenciés, et voient leurs droits sociaux suspendus. Ces conséquences dramatiques durent souvent des mois.

Alors que ces situations se multiplient et que les files d’attente réapparaissent devant les préfectures et les sous-préfectures – comme celle de Saint-Denis, que je connais bien –, l’État poursuit à marche forcée la dématérialisation des services publics, malgré les bugs et les limites de ce système. Depuis mon élection, en 2017, je n'ai pourtant eu de cesse de souligner ces dysfonctionnements, en déposant des questions écrites, en interpellant le gouvernement en commission et en séance, en rencontrant les préfets et sous-préfets successifs. Tous déplorent la situation, mais la seule action que j’ai constatée est la généralisation de la procédure dématérialisée à travers la plateforme d'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui est une catastrophe.

Les incidents de traitement se multipliant, les demandeurs finissent par saisir les tribunaux pour bénéficier de leurs droits ou les recouvrer, engendrant ainsi des contentieux de masse qui engorgent les tribunaux déjà surchargés. On marche sur la tête ! D’autant que le Conseil d'État, par un arrêt du 3 juin 2022, oblige l'administration à mettre en place des modalités de demande de titre de séjour non dématérialisées. Cette obligation n’est pas respectée dans nombre d’endroits, dont la Seine-Saint-Denis, qui ne propose pas de procédure physique de dépôt de dossier.

Tout cela a des conséquences sur la vie de milliers d'habitants et sur la vie économique du pays. Il y a tout de même des gagnants dans l’affaire : les réseaux mafieux. En effet, à cause de l’impossibilité de décrocher des rendez-vous en préfecture, un marché noir s’est développé où il suffit de payer pour obtenir miraculeusement un créneau, obtenu en quelques clics par des vendeurs équipés des outils informatiques adéquats. Comme la demande est forte, les prix explosent pour atteindre 150 euros.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour résorber ces dysfonctionnements ? Vous engagez-vous à vous conformer à la décision du Conseil d’État et à mettre en place dans les préfectures et sous-préfectures des modalités non numériques de dépôt des demandes de renouvellement de titre de séjour ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . Conscient des conséquences que peuvent entraîner des délais de traitement allongés, le ministère de l'intérieur a fait de la lutte contre les ruptures de droit une priorité, notamment dans le cadre du déploiement de l'Anef. Le portail de l'Anef permet le dépôt dématérialisé d'une demande de titre de séjour et limite ainsi le nombre de passages en préfecture pour l'usager. Si près de 80 % des demandes font d'ores et déjà l'objet d'une téléprocédure, la trajectoire de déploiement de l'Anef se poursuit avec la mise en service, le 1er juillet 2024, de la téléprocédure relative au renouvellement des cartes de résident de dix ans.

Un dispositif d'accompagnement numérique, réalisé par le centre de contact citoyen de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et les points d'accueil numérique des préfectures et des sous-préfectures, a été mis en place à compter de novembre 2021 pour les usagers étrangers ne disposant pas d'accès internet ou éloignés du numérique. L'administration a par ailleurs mis en œuvre une solution de substitution pour les usagers qui demeurent dans l'impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l'Anef.

Afin d'éviter les situations de rupture de droit et d'atténuer les effets des délais de traitement, le téléservice Anef permet à l'usager de télécharger, dans son espace personnel, une attestation de prolongation d'instruction d'une durée de trois mois ; une attestation de décision favorable est générée automatiquement dès que l'administration statue favorablement sur la demande. La loi garantit la continuité des droits des étrangers qui sollicitent le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans, d'une carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale. Pendant cette durée de trois mois, l'usager conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que le droit d'exercer une activité professionnelle.

En Seine-Saint-Denis, la préfecture a mis en place des circuits courts d'instruction des demandes de renouvellement pour les dossiers ne présentant aucune difficulté du point de vue sécuritaire. Des opérations « samedi travaillé » sont régulièrement organisées pour réduire les délais pour les usagers. La préfecture est également très mobilisée pour améliorer les prises de rendez-vous : plus de 4 000 rendez-vous se tiennent par semaine au sein des services chargés des étrangers. Ces services sont d'ailleurs en train d'être renforcés de manière prioritaire : en 2024, ils ont bénéficié d'un renfort de 37,5 équivalents temps plein (ETP) sur les 91 alloués à la préfecture. Au total, 143 ETP sont répartis sur les trois arrondissements.

Mme la présidente . La parole est à M. Marcellin Nadeau.

M. Marcellin Nadeau . Vous faites état de mesures, notamment en matière de numérique, mais vous ne répondez pas à la question de mon collègue Stéphane Peu : quand vous conformerez-vous à la décision du Conseil d'État qui vous oblige à proposer des modalités alternatives à la demande dématérialisée, c'est-à-dire la possibilité d'un dépôt physique des dossiers ?

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024

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