Question orale n° 141 :
Face aux phénomène de maltraitance institutionnelle, le Gouvernement doit agir !

17e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur un problème encore méconnu, la maltraitance institutionnelle, sur lequel ATD Quart-Monde a publié un rapport il y a quelques mois. Quand on parle de maltraitance institutionnelle, on parle de traitements inadaptés et parfois violents que va subir le public, qui lui, est souvent dans une situation de détresse. Le non-recours aux prestations sociales est l'un des marqueurs de la maltraitance institutionnelle. Quand 34 % des personnes éligibles au RSA ne perçoivent pas cette prestation, alors c'est de la maltraitance institutionnelle. Quand 39 % des personnes éligibles à la prime d'activité ne la perçoivent pas, alors c'est de la maltraitance institutionnelle. Les raisons de ce non-recours sont pourtant connues : des bénéficiaires ne sont pas informés de leurs droits, des démarches trop complexes et longues, le manque d'accompagnement dans les différentes démarches. Tout cela fait que les personnes abandonnent. À cela s'ajoute le manque de moyens et financiers pour la mise en œuvre des politiques publiques. La dématérialisation, voulue pour faciliter les démarches, produit pourtant l'effet inverse. Comme s'en féliciter quand l'INSEE dit qu'en France, 17 % de la population souffre d'illectronisme ? Beaucoup de citoyens n'ont pas d'accès internet ou, tout simplement, ne maîtrisent pas l'outil numérique. Le numérique ne peut se substituer à un accueil physique de qualité pour tous. M. le député est personnellement confronté à la maltraitance institutionnelle quand, chaque semaine, il rencontre à sa permanence des personnes qui éprouvent des difficultés à renouveler leur titre de séjour ou encore à prendre rendez-vous en préfecture, que ce soit par téléphone ou par mel. L'association La Cimade, que M. le député a rencontrée, réalise des permanences à Montreuil afin d'apporter une aide juridique aux personnes confrontées à ces mêmes problèmes. Entre le dépôt d'une demande de renouvellement de titre de séjour et l'obtention de celui-ci, il peut s'écouler 18 mois ! Le site de l'ANEF qui permet aux personnes d'effectuer leurs démarches a pris le pas sur l'accueil physique et les témoignages abondent sur les dysfonctionnements du site, notamment sur l'impossibilité des prises de rendez-vous. Une difficulté supplémentaire s'ajoute quand on sait qu'il existe, comme M. le député le rappelait en 2019, un marché parallèle autour des prises de rendez-vous et dont les personnes désespérées sont les premières victimes. Parmi les associations qui luttent contre cette problématique, il y a Espaces, Conseils et Découvertes de Montreuil : 15 bénévoles mobilisés qui, chaque semaine, se rendent au domicile d'une vingtaine de personnes en difficulté pour leur apporter une aide administrative. Délais de réponse des institutions anormalement longs ou pas de réponses du tout ; abandon des démarches : ils sont chaque jour les témoins de cette maltraitance institutionnelle. Ce phénomène doit être traité avec sérieux et a des conséquences néfastes, puisque les personnes qui en souffrent sont susceptibles de basculer dans une dépression profonde, une grande précarité. Comment M. le ministre compte-t-il agir concrètement pour que le non-recours aux prestations sociales baisse considérablement ? Comment s'assurer que chaque citoyen puisse réaliser ses démarches administratives dans des délais convenables et sans passer par des épreuves insurmontables ? Il lui demande s'il compte donner des moyens aux services publics et permettre un meilleur accueil physique.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2025

DÉMARCHES ADMINISTRATIVES
Mme la présidente . La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, no 141, relative aux démarches administratives.

M. Alexis Corbière . En septembre 2024, l'association ATD Quart Monde a publié un plaidoyer étayé sur un phénomène encore méconnu du grand public : la maltraitance institutionnelle. Enrichi par des témoignages de personnes en situation de grande pauvreté, ce rapport nous expose les dysfonctionnements des institutions et des organismes publics. La maltraitance institutionnelle, c'est le traitement inadapté et parfois violent que subit le public qui est souvent en situation de détresse sociale.

Le non-recours aux prestations sociales est un des marqueurs de cette maltraitance. Quand 34 % des personnes éligibles au RSA ou 39 % des personnes qui peuvent toucher la prime d'activité ne perçoivent pas ces prestations, il s'agit d'une maltraitance institutionnelle. Les multiples raisons de ce non-recours sont pourtant connues : des bénéficiaires potentiels qui ne sont pas informés, des démarches complexes et longues et un manque d'accompagnement qui pousse les personnes à abandonner.

La dématérialisation, voulue pour faciliter les démarches, produit souvent l'effet inverse. Comment se féliciter de cette dématérialisation quand l'Insee nous dit que 17 % de la population française souffre d'illectronisme ? C'est pourquoi un accueil physique pour toutes les personnes qui le désirent doit être assuré.

Comme tous les parlementaires, je constate ce phénomène de maltraitance quand je rencontre à ma permanence des hommes et des femmes qui éprouvent toutes les difficultés du monde à renouveler leur titre de séjour ou même seulement à prendre rendez-vous en préfecture. La Cimade, parmi bien d'autres, assure des permanences à Montreuil afin d'apporter une aide juridique aux personnes confrontées à ces problèmes. Entre le dépôt d'une demande de renouvellement de titre de séjour et l'obtention de celui-ci, il peut s'écouler jusqu'à dix-huit mois.

Le site de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui permet aux personnes d'effectuer leurs démarches, a pris le pas sur l'accueil physique. Les témoignages abondent sur les dysfonctionnements du site, s'agissant notamment de l'impossibilité de prendre un rendez-vous. Une difficulté supplémentaire s'ajoute quand on sait qu'il existe, comme je le rappelais en 2019, un marché parallèle autour de ces prises de rendez-vous dont les personnes désespérées sont les premières victimes.

Des solutions existent. Il suffit de prendre en compte les propositions formulées par les associations, visant notamment à renforcer la formation des personnes et à les sensibiliser sur l'importance des droits attendus par les usagers.

Au vu des chiffres, comment comptez-vous agir concrètement pour que le non-recours aux prestations sociales baisse considérablement ? Comment s'assurer que chacun de nos concitoyens puisse réaliser ses démarches administratives dans des délais convenables et sans passer par des épreuves parfois insurmontables ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . En tant qu'élue de terrain, je mesure les difficultés que peuvent avoir nos concitoyens à accéder aux bonnes informations et aux services publics. Je tiens à vous rassurer : le gouvernement poursuit son action pour améliorer l'accès à nos services publics partout sur le territoire.

Si nos concitoyens, dans leur grande majorité, apprécient l'autonomie offerte par la possibilité d'accomplir leurs démarches en ligne, certains ont besoin d'un accompagnement. Nous devons continuer à travailler sur la performance de nos services numériques ainsi que sur la qualité de l'accueil physique et téléphonique, d'où l'implantation des maisons France Services sur l'ensemble du territoire afin que ceux qui en ont besoin y trouvent un accueil de proximité et un agent disposant du temps nécessaire pour les accompagner. Nous avons déjà ouvert 2 800 maisons France Services, au sein desquelles se trouvent des conseillers numériques, et leur déploiement continue.

Parmi les attentes principales des Français figure la réduction des délais de traitement de leurs demandes. Le gouvernement travaille autour de plusieurs axes en vue de simplifier les procédures administratives et de réduire la charge pesant sur les usagers comme sur les agents en matière de traitement, en s'appuyant notamment sur l'automatisation et l'intelligence artificielle, afin d'offrir aux usagers une meilleure qualité de service. Ils estiment que les démarches sont complexes, sentiment partagé par les agents : simplifier pour les uns, c'est donc aussi simplifier pour les autres.

Concernant l'accès aux prestations sociales, je rappelle que la généralisation de la solidarité à la source sera étendue à tout le territoire début mars. Cela permettra aux plus démunis de ne pas renoncer à leurs droits : les bénéficiaires du RSA et de la prime d'activité percevront directement leurs prestations. Leur compte à la caisse d'allocations familiales sera prérempli automatiquement chaque trimestre. Ils n'auront qu'à valider ou modifier leurs données en se référant à un montant net social qui figure sur leur bulletin de salaire.

Grâce à la solidarité à la source, à la simplification des démarches administratives et à la facilitation de l'accès aux services publics, l'État démontre sa capacité à se réformer au service des usagers.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer les nombreuses associations dont les bénévoles œuvrent en ce sens.

Mme la présidente . La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière . Merci de votre réponse. Nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre concrète des mesures que vous évoquez. Sans vouloir polémiquer, je ne crois pas que le budget proposé par le gouvernement, dont l'application aura souvent pour effet de réduire le nombre des agents publics, permette la réalisation des propositions et le déploiement des solutions dont vous faites état.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question orale

Rubrique : Services publics

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Action publique, fonction publique et simplification

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2025

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