Délinquance environnementale et moyens humains et financiers pour lutter contre
Question de :
Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Clémence Guetté attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la délinquance environnementale et le manque de réponses pénales pour y faire face. Les exemples de délits que l'on peut citer sont notamment la pêche illégale, les incendies volontaires et les trafics de pesticides ou de déchets. En effet, un rapport de la Cour de cassation datant de 2022 pointe que seulement 47 % des infractions environnementales constatées donnent suite à une réponse pénale et que 75 % d'entre elles occasionnent des mesures alternatives aux poursuites judiciaires. Cela signifie que seulement 5,4 % de délits environnementaux sont jugés par un tribunal correctionnel, une baisse de 10 points en moins de 10 ans, alors que dans le même temps, l'Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique) a constaté dans un rapport datant également de 2022 une augmentation depuis 2016 des atteintes contre l'environnement. Le rapport de la Cour de cassation pointe également que les sanctions pour infractions environnementales sont à 71 % des amendes contre 35 % pour l'ensemble des autres délits et que les dispenses de peines sont beaucoup plus courantes (près de 8 fois plus). Cela est à contre-sens de la gravité de la crise environnementale à laquelle sont confrontées l'humanité et la France. Les délinquants climatiques doivent être condamnés et cette impunité ne peut pas être la norme. Bien que la Macronie se targue d'un renforcement pénal contre les infractions environnementales en 2021, le ministère de la justice ne constate aucune amélioration face à ce bilan alarmant. Cette situation s'intègre dans le cadre d'un manque de moyens humains et financiers de la justice correctionnelle en France, qui l'explique partiellement. Les coupes budgétaires annoncées pour 2025 ne devraient pas améliorer la situation. Elle l'interroge donc sur les mesures que compte prendre le Gouvernement pour enfin lutter efficacement contre la délinquance environnementale et sur les moyens humains et financiers accordés au ministère de la justice pour pouvoir le faire.
Réponse publiée le 8 avril 2025
Le ministère de la justice tient à assurer que la lutte contre les atteintes portées à l'environnement figure au rang de ses priorités d'action. Les lois du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée et du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, ont eu pour ambition de donner au contentieux pénal environnemental une place à la hauteur des enjeux cruciaux qui sont les siens. Elles ont ainsi permis le développement de la spécialisation des juridictions, grâce à la création des pôles régionaux environnementaux (PRE), et un renforcement de l'arsenal répressif en la matière, notamment par l'introduction de l'infraction d'écocide. Dans cette continuité, le ministère de la justice porte une politique pénale ambitieuse et adaptée qui se traduit par des résultats tangibles. Ainsi, les données statistiques issues du Système d'information décisionnelle (SID), source statistique produite par la sous-direction des statistiques et des études (SSER, service statistique ministériel) du secrétariat général (SG) du ministère de la justice, à partir des données enregistrées par les utilisateurs de l'applicatif Cassiopée dans les juridictions de première instance, compétentes en matière délictuelle, établissent que pour l'année 2023, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une décision d'orientation par un parquet pour une infraction relative au droit pénal de l'environnement a augmenté par rapport à l'année 2022. Le taux de réponse pénale, qui est constant au fil des années, s'est élevé à près de 87 %. Les poursuites ont été engagées dans plus de 28 % des cas, ce chiffre étant en augmentation par rapport à l'année 2022, et alors qu'il s‘élevait à 24,8 % en 2014. Le ministère de la justice ne constate ainsi pas d'impunité ou de chute de la réponse pénale, mais au contraire son affermissement. Le recours majoritaire aux alternatives aux poursuites constitue un mode de réponse pénale approprié à certaines atteintes environnementales. La circulaire du 9 octobre 2023 invite en ce sens les parquets à privilégier pour les infractions de basse intensité n'ayant pas entraîné de dommages environnementaux graves et irréversibles, les alternatives aux poursuites et les compositions pénales. En revanche, pour les affaires le justifiant, par la gravité de l'atteinte, l'importance du préjudice, ou le positionnement de la personne mise en cause, les poursuites devant le tribunal sont diligentées. Dans ce contexte, des peines lourdes, d'emprisonnement ou d'amende, notamment en matière de trafic de déchets, d'espèces sauvages, ou de pollutions, ont été prononcées par les juridictions, y compris les juridictions inter-régionales spécialisées, compétentes en matière de délinquance organisée. Par ailleurs, si la peine d'amende est davantage prononcée en matière environnementale que dans les autres champs du droit pénal, elle peut s'expliquer par la proportion importante des personnes morales poursuivies, qui est trois fois supérieur à l'ensemble de la matière pénale. La circulaire du 11 mai 2021 a ainsi invité les parquets à systématiquement rechercher la responsabilité pénale des personnes morales. La loi précitée du 24 décembre 2020 a également introduit à l'article 41-1-3 du code de procédure pénale la procédure alternative de convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale, spécifique aux personnes morales, à laquelle les juridictions ont recours de manière croissante. Enfin, le ministère de la justice, en étroite collaboration avec les ministères de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et le ministère de l'intérieur, a travaillé à la création des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale, consacrés par le décret du 13 septembre 2023. Cette instance départementale doit permettre de nourrir et de développer des stratégies judiciaires dynamiques, adaptées aux enjeux environnementaux du ressort et de les coordonner avec l'action administrative, afin de renforcer l'efficacité de cette lutte. Le ministère de la justice est également engagé dans une démarche constante d'accroissement des moyens dévolus à la justice pénale environnementale. Pour le quinquennal 2023-2027, conformément à la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, 10 000 emplois sont prévus pour la Justice, dont 1 500 magistrats, 1 800 greffiers, et 1 100 attachés de justice. Ces effectifs supplémentaires ont fait l'objet d'une répartition territoriale fine, afin que les cours d'appel puissent organiser au mieux ces recrutements, juridiction par juridiction, d'ici 2027. Ces moyens supplémentaires bénéficient à l'ensemble des juridictions judiciaires. Aussi, depuis la création des pôles régionaux de l'environnement (PRE), la direction des services judiciaires s'est attachée à soutenir les juridictions désignées pour accompagner ces nouveaux pôles de compétence. 19 assistants spécialisés ainsi que 14 attachés de justice sont notamment localisés au sein des PRE, en soutien de l'activité juridictionnelle des magistrats. Par ailleurs, l'outil d'évaluation de la charge de travail des personnels de greffes, qui estime le besoin théorique en effectif de greffe pour traiter d'une activité, valorise la charge de travail pour les dossiers complexes, incluant celle des PRE. Ainsi, eu égard au renforcement des effectifs de greffe prévu sur le quinquennal 2023-2027, les chefs de juridiction et les directeurs de greffe disposent des moyens pour affecter les personnels de greffe dans les services en fonction de l'activité et des priorités dégagées.
Auteur : Mme Clémence Guetté
Type de question : Question écrite
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025