Question orale n° 145 :
Établissement d'une zone protégée forte (ZPF) dans l'archipel de Chausey

17e Législature

Question de : M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Bertrand Sorre attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'établissement d'une zone protégée forte (ZPF) dans l'archipel de Chausey. La France s'est engagée depuis 2022 à classer en aire protégée 30 % de ses écosystèmes terrestres et marins, dont 10 % sous protection forte. L'archipel de Chausey est un quartier insulaire de Granville, situé à 17 km de la côte normande. La perspective d'y établir une ZPF engendre de très fortes et légitimes inquiétudes. L'environnement naturel exceptionnel de l'archipel de Chausey est un joyau déjà soumis à plusieurs dispositifs de protection et jalousement préservé. Son état de conservation témoigne d'ailleurs de la capacité des acteurs à avoir pris soin de ces espaces, qui constituent leur environnement quotidien. Les herbiers de zostères, riches en faune benthique et utiles à la biodiversité, présentent tous les signes de bonne santé. Ils y sont d'ailleurs en phase d'expansion géographique depuis 1982, Chausey abritant le deuxième plus grand herbier de France. Et pourtant, ils sont au centre de ce projet de création d'une ZPF. Pêcheurs professionnels, conchyliculteurs, élus du territoire, pêcheurs de loisirs sont tous investis ici dans une logique durable et œuvrent en ce sens. Ils s'opposent à ce projet alors qu'ils ont intégré des pratiques vertueuses visant une empreinte environnementale réduite. Les pêcheurs professionnels de Granville pratiquent une pêche artisanale, côtière qui n'a rien en commun avec la pêche industrielle et le pillage des fonds marins. La conchyliculture, vertueuse par l'action de filtration des bivalves, participe à l'amélioration de la qualité des eaux et régule d'elle-même ses zones d'élevage. Les associations encadrant la pêche de loisirs et la plaisance œuvrent au quotidien, parallèlement aux actions de l'OFB, pour sensibiliser et éduquer aux bonnes pratiques. Les acteurs du tourisme et les gestionnaires du site sont investis dans une logique de développement durable avec la volonté de limiter la fréquentation afin d'offrir aussi aux visiteurs une expérience de qualité. Les activités maritimes soutiennent l'économie et les emplois. Ces filières sont déjà économiquement fragilisées par une succession de crises (covid, Brexit, prédation des araignées de mer, flambée de l'énergie, raréfaction du bulot par le réchauffement des eaux, norovirus...). Les pénaliser entraînerait un déclin socio-économique global du bassin granvillais. L'objectif de préservation environnementale n'est ni rejeté, ni négligé. Bien au contraire, cette protection est un enjeu majeur pour les pêcheurs et éleveurs marins dont l'activité et son devenir dépendent directement de la santé des écosystèmes. Le souhait, unanime, est toutefois d'étudier et d'évaluer les interactions entre les activités humaines et les habitats benthiques avant d'adopter toute nouvelle mesure. Du reste, pour être efficace, la préservation de l'environnement s'inscrit nécessairement dans un temps long. Or il n'y a pas de politique durable sans adhésion des populations et pas d'adhésions dans l'incompréhension. Les acteurs de proximité, les élus locaux sont des alliés à associer. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend préserver l'instance de concertation mise en place par l'État en avril 2023 et confortée le 29 juin 2023 par le ministre de la mer de l'époque, M. Hervé Berville.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2025

ZONE DE PROTECTION FORTE DANS L'ARCHIPEL DE CHAUSEY
Mme la présidente . La parole est à M. Bertrand Sorre, pour exposer sa question, no 145, relative à l'établissement d'une zone de protection forte dans l'archipel de Chausey.

M. Bertrand Sorre . La France s'est engagée en 2022 à classer en aire protégée 30 % de ses écosystèmes terrestres et marins, dont 10 % sous protection forte. L'archipel de Chausey est un quartier insulaire de Granville, situé à 17 kilomètres de la côte normande, dans la deuxième circonscription de la Manche, où je suis élu. La perspective d'y établir une zone de protection forte (ZPF) suscite de très fortes et légitimes inquiétudes.

L'environnement naturel exceptionnel de l'archipel de Chausey est un joyau déjà soumis à plusieurs dispositifs de protection et jalousement préservé. Son état de conservation témoigne d'ailleurs de la capacité des acteurs à prendre soin de ces espaces, qui constituent leur environnement quotidien.

Les herbiers de zostères, riches en faune benthique et utiles à la biodiversité, présentent tous les signes de bonne santé. Ils y sont d'ailleurs en phase d'expansion géographique depuis 1982, Chausey abritant le deuxième plus grand herbier de France. Et pourtant, ils sont au centre de ce projet de création d'une ZPF.

Pêcheurs professionnels, conchyliculteurs, élus du territoire, pêcheurs de loisir sont tous investis ici dans une logique durable et œuvrent en ce sens. Ils s'opposent d'autant plus à ce projet qu'ils ont intégré des pratiques vertueuses visant à réduire leur empreinte environnementale.

Les pêcheurs professionnels de Granville pratiquent une pêche artisanale et côtière qui n'a rien de commun avec la pêche industrielle et le pillage des fonds marins. La conchyliculture, elle aussi vertueuse, grâce à l'action de filtration des bivalves, participe à l'amélioration de la qualité des eaux et régule d'elle-même ses zones d'élevage.

Les activités maritimes soutiennent l'économie et les emplois. Ces filières sont déjà fragilisées économiquement par une succession de crises : le covid ; le Brexit, particulièrement préjudiciable dans cette région proche des îles anglo-normandes ; la prédation des araignées de mer ; la flambée des prix de l'énergie ; le réchauffement des eaux, qui provoque une raréfaction du bulot ; le norovirus. Les pénaliser entraînerait un déclin socio-économique global du bassin granvillais. L'inquiétude, croyez-moi, est forte.

L'objectif de préservation environnementale n'est ni rejeté ni négligé, bien au contraire ! La protection de l'environnement constitue un enjeu majeur pour les pêcheurs et éleveurs marins, puisque l'avenir de leur activité dépend directement de la santé des écosystèmes. Toutefois, le souhait – unanime – est d'étudier et d'évaluer les interactions entre les activités humaines et les habitats benthiques avant d'adopter toute nouvelle mesure. Pouvez-vous m'assurer qu'il y aura une concertation et que les acteurs locaux seront associés à toute éventuelle nouvelle décision concernant une ZPF ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . Oui, je peux vous assurer qu'ils seront associés ; il y aura une concertation.

Vous l'avez dit, le secteur de Chausey abrite une biodiversité marine exceptionnelle. Aussi ces zones bénéficient-elles déjà d'une protection significative grâce à leur classement comme site Natura 2000.

Le site des îles Chausey a été identifié comme une ZPF potentielle au sein du plan d'action du document stratégique de façade, établi par les préfets coordonnateurs de façade. Le conseil maritime de façade, dans lequel siègent les professionnels de la mer et du littoral, a été étroitement associé à l'élaboration de ce document, qui acte une gestion intégrée de la mer et du littoral.

Le gouvernement a pris la mesure des préoccupations exprimées par les acteurs locaux à ce sujet. Je partage pleinement votre avis selon lequel l'adhésion des acteurs et de la population est primordiale pour la mise en œuvre d'une politique environnementale durable. C'est la raison pour laquelle, dès la rédaction du document stratégique de façade, il a été précisé que la concertation concernant la ZPF de Chausey se tiendrait dans le cadre des groupes de travail Natura 2000 de cette façade maritime.

J'entends les inquiétudes des pêcheurs et suis consciente de l'importance d'une concertation à ce sujet, comme l'était mon prédécesseur Hervé Berville il y a deux ans. C'est pourquoi je tiens à maintenir cette instance de concertation autour du préfet de la Manche, afin de permettre à tous les acteurs concernés de contribuer activement à la réflexion sur cette question dans les prochains mois.

Dernière précision importante : une ZPF n'est pas une zone dépourvue d'activité humaine ; c'est une zone dans laquelle les activités humaines sont conciliées avec la nature. Je n'oppose pas nature et homme : le propre de l'écologie est précisément de les faire vivre ensemble de manière équilibrée.

Mme la présidente . La parole est à M. Bertrand Sorre.

M. Bertrand Sorre . Je vous remercie pour cette réponse étayée et pour votre précision sur la cohabitation nécessaire entre l'homme et les espaces naturels.

Me faisant là encore le porte-parole des élus et professionnels du territoire, je vous transmets une invitation : si votre agenda vous le permettait, une visite de votre part à Granville serait particulièrement appréciée. Le dialogue que vous prônez est attendu par les acteurs du territoire.

Données clés

Auteur : M. Bertrand Sorre

Type de question : Question orale

Rubrique : Mer et littoral

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2025

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