Question écrite n° 1476 :
Occupations illicites de terrains publics ou privés par les gens du voyage

17e Législature

Question de : M. Jean-François Portarrieu
Haute-Garonne (5e circonscription) - Horizons & Indépendants

M. Jean-François Portarrieu attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien, sur les occupations illicites de terrains publics ou privés par les gens du voyage. Depuis la loi de 1990, l'arsenal législatif français a progressivement permis de donner un cadre légal à l'accueil des gens du voyage en octroyant droits et obligations aux citoyens itinérants, aux communes accueillantes et à l'État, mais aussi en renforçant la lutte contre les campements illicites, notamment en vertu des lois du 7 novembre 2018 et du 5 juillet 2020. Ainsi, communes et établissements publics de coopération intercommunale participent activement aux conditions d'accueil des gens du voyage en mettant à disposition des aires de vie, pour des séjours de courte ou longue durée. En dépit des infrastructures existantes, les communes font face, de manière de plus en plus récurrente, à des installations non autorisées sur des terrains municipaux mais aussi privés. Ces occupations illégales génèrent de nombreux problèmes : atteinte au droit de propriété, exposition des occupants à des risques liés à l'utilisation de terrains souvent non habilités à l'accueil du public, dégradations conséquentes des infrastructures et des parcelles, détournement des réseaux eau ou d'électricité, allumage de feux sauvages, mais aussi menaces et nuisances de voisinage. Avec au final, de lourds préjudices financiers et matériels à la charge exclusive des communes. Comme bien d'autres villes partout sur le territoire national, Toulouse, sa métropole, dont plusieurs communes du nord toulousain où M. le député est élu (Launaguet, Fenouillet, Saint-Alban...), ont eu à gérer de telles occupations illicites, pas moins de 101 depuis 2023, dont la moitié à Toulouse : occupation de parcs, de terrains sportifs, de boulodromes municipaux, de parkings de cimetière, d'un cynodrome associatif avec saccage complet des infrastructures, etc. Bien que la loi prévoie des procédures d'évacuation judiciaire et administrative, les élus locaux regrettent leur longueur et leur complexité, ce qui suscite leur incompréhension et leur exaspération, tout comme celles des concitoyens. Pour remédier à ces situations, plusieurs propositions sont faites par les élus de Toulouse Métropole. Par exemple, le raccourcissement des délais de mise en exécution des décisions d'expulsion du juge, ou encore l'octroi au préfet d'une capacité d'expulsion sans décision de justice en cas de refus par les gens du voyage de se déplacer sur des aires d'accueil libres, mais aussi la création d'une circonstance aggravante applicable au délit d'installation illicite en cas de dégradations ou de destruction de biens. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures et les améliorations que le Gouvernement envisage pour lutter contre les occupations illicites des gens du voyage et de fait contre le sentiment d'impuissance des pouvoirs publics et d'impunité des contrevenants.

Réponse publiée le 27 mai 2025

Le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est prévu par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Il établit un équilibre entre, d'une part, la liberté d'aller et venir et l'aspiration des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes, et, d'autre part, le souci des élus locaux et de nos concitoyens d'éviter des installations illicites susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et d'occasionner des troubles à l'ordre public. Les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage formalisent l'obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de créer, d'aménager et d'entretenir des aires d'accueil réservées aux gens du voyage. Lorsque la commune ou l'EPCI se sont dotés d'aires et terrains conformes à ce schéma, le maire ou le président de cet EPCI peuvent interdire le stationnement des gens du voyage en dehors des aires aménagées et, en cas de violation de cette interdiction, demander au préfet de département de mettre en demeure les gens du voyage de quitter les lieux. Lorsque cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effets, l'évacuation forcée des résidences mobiles peut alors intervenir dans un délai de 24 heures, sous réserve de l'absence de recours devant le juge administratif. Le juge administratif doit quant à lui statuer dans les quarante-huit heures. Ces délais garantissent la mise en œuvre rapide d'une décision d'évacuation, même en cas de recours juridictionnel, alors que la suppression d'un tel recours serait susceptible de porter atteinte à certains principes à valeur constitutionnelle, et notamment au droit au recours effectif, que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel rattache à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Enfin, la mise en demeure reste par ailleurs applicable pendant un délai de sept jours et peut donc servir de fondement juridique à une nouvelle mesure d'évacuation forcée lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau en situation de stationnement illicite. Ces outils permettent donc d'améliorer la réponse administrative à des stationnements illicites, qui peuvent également être sanctionnés pénalement, l'article 322-4-1 du code pénal réprimant le délit d'installation illicite en réunion sur un terrain communal ou privé et la loi du 7 novembre 2018 ayant augmenté les sanctions correspondantes qui sont désormais d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Enfin, ces dispositions pénales peuvent également servir de cadre à la répression des actes de destruction, dégradation ou détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage, leur réparation pouvant être recherchée par la constitution de partie civile du propriétaire du terrain dans le cadre de cette procédure. Une action civile en responsabilité du fait personnel peut également être introduite indépendamment de toute procédure pénale, en application de l'article 1240 du code civil, en vue de l'obtention d'une indemnité compensatrice de la dégradation. Par ailleurs, il convient de rappeler que lors de l'installation d'un groupe sur une aire d'accueil, la collectivité peut imposer un dépôt de garantie, lequel pourra être conservé pour faire face aux frais de réparation d'éventuelles dégradations. L'évolution des outils existants, en vue notamment de créer une circonstance aggravante applicable au délit d'installation illicite en cas de dégradations ou de destruction de biens, devra faire l'objet d'un dialogue avec les représentants des gens du voyage avant d'être discutée dans le cadre du travail parlementaire. Si la réglementation prévoit déjà des sanctions pénales et permet de faire supporter le coût des dégradations par les auteurs de ces dernières, le Gouvernement est sensible aux difficultés pratiques d'application rencontrées sur le terrain. Ainsi, le ministre de l'intérieur a décidé de la mise en place d'un groupe de travail associant le ministère de l'intérieur, les associations d'élus locaux et des parlementaires. Ce groupe de travail devra conduire dans les prochaines semaines à l'élaboration d'une nouvelle doctrine d'intervention pour les forces de l'ordre devant permettre de mettre en œuvre efficacement l'ensemble des outils déjà prévus par la loi. Ce groupe de travail pourra également proposer des dispositions législatives nouvelles afin que l'ordre public soit respecté, que des enquêtes patrimoniales puissent être déclenchées et que les dommages causés soient davantage réparés.

Données clés

Auteur : M. Jean-François Portarrieu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Gens du voyage

Ministère interrogé : Sécurité du quotidien

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025

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