Conséquence de la baisse du financement par l'État des contrats PEC à La Réunion
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Karine Lebon alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les conséquences dramatiques de la diminution du financement par l'État des contrats Parcours emploi compétences (PEC) à La Réunion.
Réponse en séance, et publiée le 19 février 2025
CONTRATS PARCOURS EMPLOI COMPÉTENCES À LA RÉUNION
Mme la présidente . La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, no 148, relative aux contrats parcours emploi compétences à La Réunion.
Mme Karine Lebon . Saint-Paul, Le Port, La Possession et toutes les autres communes de La Réunion mais aussi la région Réunion, les associations présentes sur le territoire et l'ensemble des structures de l'économie sociale et solidaire : tous ces acteurs comptent sur les contrats parcours emploi compétences (PEC) pour assurer leurs missions d'intérêt général. Les Réunionnaises et Réunionnais les plus éloignés du marché de l’emploi, et très souvent en grande difficulté sociale, comptent, eux aussi, sur ces contrats pour entrevoir un avenir professionnel et une sortie du tunnel de la précarité. Tous ont donc été consternés par l'annonce du préfet de La Réunion actant le désengagement prémédité de l’État dans le financement de ces contrats.
Bien plus qu’une simple aide à l’insertion professionnelle, ce dispositif constitue un levier crucial dans la lutte contre le chômage et pour l’inclusion sociale et le développement économique de notre territoire. Les taux de pauvreté et de chômage de La Réunion, qui touchent particulièrement les jeunes et les publics éloignés de l’emploi, figurent parmi les plus élevés de France. Face aux difficultés structurelles de notre marché du travail, le contrat PEC représente une réponse, certes temporaire, mais concrète.
La décision de l'État de se désengager de la politique volontariste menée à La Réunion en faveur de la réinsertion sur le marché du travail aura des conséquences désastreuses. L’arrêté préfectoral du 31 décembre 2024, qui détermine les taux de l’aide apportée par l’État pour le financement des contrats PEC, risque d’entériner la fin de la politique territoriale de justice sociale et d’accompagnement des plus défavorisés.
Le taux de prise en charge par l'État a été revu à la baisse au 1er janvier dernier, passant de 60 % à 53 %. La durée des contrats a elle aussi été réduite – dix mois au lieu de onze – et le temps hebdomadaire de travail est désormais fixé à 23,5 heures maximum, contre 26 précédemment.
Si le préfet est revenu sur sa décision pour un certain nombre de contrats PEC – notamment 400 contrats dédiés à la lutte antivectorielle –, des milliers d'autres restent encore menacés. Or, si le préfet avance comme argument la lutte contre l’épidémie de chikungunya pour justifier le maintien du financement de ces 400 contrats, il faudrait aussi préserver, pour la même raison, l’ensemble des emplois verts, essentiels à la lutte contre la prolifération des moustiques. D’après l’agence régionale de santé, le pic épidémique est attendu pour le mois de mai ; c’est donc aujourd’hui que tout se joue si l'on veut éviter une catastrophe sanitaire.
L’État joue un rôle crucial : il doit garantir que ces dispositifs perdurent et sont adaptés aux réalités du terrain. Lors de sa dernière visite à La Réunion, le président de la République s’était engagé à pérenniser le volume de 12 000 contrats PEC par an sur le territoire. En diminuant sa participation au financement de ces contrats, l’État neutralise cette promesse présidentielle. Pire : le budget 2025, que votre gouvernement vient de faire adopter, prévoirait le financement d’un nombre bien inférieur de contrats à La Réunion – de l’ordre de 7 000. Cette baisse brutale et non concertée de près de 40 % est inacceptable.
La nécessité de maintenir le financement des contrats PEC n'est pas uniquement d'ordre économique. Il s’agit d’un enjeu majeur de cohésion sociale. À La Réunion, où les inégalités sociales sont marquées, ce type de contrat a une fonction de tremplin. Il permet aux bénéficiaires non seulement d’acquérir des savoir-faire, mais aussi de gagner en confiance et en autonomie. Le travail n’est pas uniquement un moyen de subvenir à ses besoins ; c'est aussi un facteur essentiel d’intégration et de dignité humaine. Par ailleurs, les employeurs qui recourent aux contrats PEC ont besoin de ce soutien financier pour maintenir leurs activités et poursuivre leurs missions d’intérêt général.
Il faut se rendre à l’évidence : l’essence et la philosophie mêmes de ces contrats sont désormais dévoyées. Avec si peu de moyens, comment les associations pourraient-elles continuer d'assurer à la fois l’accompagnement social, l’immersion professionnelle et la formation des bénéficiaires ? Les communes, qui ont voté leur budget à l’équilibre en décembre en prenant en compte l’ancienne part de financement, voient quant à elles leurs finances plombées par cette annonce.
Le gouvernement doit prendre la mesure de la situation. Cette décision ne fera qu’entraîner une augmentation du taux de chômage structurel, qui touche déjà 18 % de la population active. Il est temps de faire un choix : veut-on précipiter notre territoire vers le désordre social ou préserver ce qui fait le cœur de notre cohésion ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi . Vous avez eu raison de rappeler la prévalence du chômage dans les territoires ultramarins, en particulier à La Réunion. Pour y faire face, l'État déploie entre autres les contrats aidés, notamment les contrats PEC dans le secteur non marchand – collectivités territoriales et associations. Rappelons que La Réunion, où les contrats aidés ont été mobilisés tout particulièrement à partir de 2019, est de loin le principal bénéficiaire de ces dispositifs en France, avec environ 20 % de l'enveloppe nationale.
En 2025, compte tenu du contexte budgétaire, nous sommes contraints de faire de nouvelles économies, notamment sur les contrats aidés. Je tiens à préciser qu'elles porteront principalement sur les régions métropolitaines. Nous ne nous désengagerons pas – contrairement à ce que pourraient laisser penser les mots très forts que vous avez employés –, même si tous les territoires, y compris d'outre-mer, devront prendre leur part.
Je profite de votre question pour faire un pas de côté. En France, on raisonne beaucoup trop en termes de moyens plutôt qu'en termes d'impact et d'efficacité. Ainsi, on ne prend pas suffisamment en considération la question de la sortie des dispositifs, qui doit être une sortie pérenne vers l'emploi.
S'agissant des contrats aidés, les moyens alloués et le nombre d'entrées dans le dispositif sont, certes, des indicateurs importants. Cependant, il faut aussi s'intéresser au taux d'insertion des bénéficiaires à l'issue du PEC. Or la moyenne de sortie vers l'emploi s'établit à 54 % au niveau national, mais elle n'est que de 25 % dans les outre-mer et de 22 % à La Réunion.
Au-delà de la question des moyens, il est donc indispensable de réfléchir à un meilleur fonctionnement des PEC pour que le taux d'insertion atteigne des niveaux plus satisfaisants. Je suis d'ailleurs très favorable à la tenue d'une réunion avec vos collègues, d'autres élus des collectivités territoriales et vous-même pour discuter de ce sujet, qui constitue à mes yeux le véritable enjeu.
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2025