Sur-rémunération des fonctionnaires en outre-mer
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Karine Lebon interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer sur le dernier rapport de la Cour des comptes transmis à Matignon relatif au niveau de salaire des fonctionnaires ultramarins. Les députés ultramarins ont été très sensibles et attentifs à ce dernier rapport de la Cour des Comptes qui a été adressé à Mme la Première ministre Borne. Ils souhaitent faire part des inquiétudes sur les risques qu'une réforme de cette rémunération à la baisse pourrait avoir sur leur niveau de vie et leur pouvoir d'achat. Il est vrai que cette rémunération, adaptée à la cherté de la vie des territoires, étant en vigueur depuis les années 1950, n'a guère réussi à endiguer la pauvreté endémique des territoires ultramarins. Aussi, une étude menée par M. Sébastien Mathouraparsad, mise en avant par le dernier rapport d'enquête sur le coût de la vie chère dans les outre-mer, sur l'incidence économique qu'aurait la suppression de ce régime de primes « montre qu'elle pousse un peu les prix à la baisse mais surtout qu'elle crée du chômage, réduit la croissance et entraîne une surcompensation des revenus. [...] Au final, l'économie est perdante, puisque le niveau de vie de la population est censé reculer sous l'effet revenu défavorable ». Pour aller plus loin, cette « sur-rémunération » est un exemple d'adaptation aux territoires que l'on doit généraliser à toutes les prestations sociales. Cette adaptation prendrait la forme d'une indexation de ces minima sociaux (SMIC, APL, AAH, RSA) sur le coût de la vie en outre-mer, basé sur un panier moyen déterminé par les services de l'État. Mme la députée souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le risque de nivellement vers le bas que représenterait une réforme des rémunérations des fonctionnaires en outre-mer. Le Gouvernement ayant la mainmise sur ces salaires et non sur les prix pratiqués dans les grandes surfaces, qui se démarquent par l'application de marges excessives, il convient d'affirmer que, tant que ces enseignes seront en situation de monopole et tant que les prix seront aussi élevés, le seul moyen d'obtenir des résultats probants pour la population serait cette indexation de tous les minima sociaux et en aucun cas une réforme de la rémunération des fonctionnaires. Soutenant cette idée, dans le dernier rapport sur la vie chère en outre-mer, M. François Hermet, maître de conférences au Centre d'économie et de management de l'océan Indien (Cemoi) de l'université de La Réunion, dressait un parallèle avec la principauté de Monaco en avançant que « le pouvoir d'achat des Monégasques est beaucoup plus élevé que celui des Réunionnais, [alors que] les produits vendus en supermarché sont moins chers qu'à La Réunion. Si un pouvoir d'achat plus élevé entraînait mécaniquement un prix plus élevé, on l'aurait constaté ailleurs. Ce n'est pas le pouvoir d'achat des consommateurs qui fait baisser les prix, mais la concurrence ». Mme la députée demande donc à M. le ministre quelles sont les mesures prévues pour la sauvegarde du pouvoir d'achat de tous les ultramarins. Elle lui demande quels moyens seront mis en œuvre pour lutter contre les marges et pour une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité. Elle lui demande enfin si une réflexion sera lancée sur l'adaptation de tous les minima sociaux au coût de la vie, dans les territoires ultramarins.
Réponse publiée le 25 mars 2025
Depuis son entrée en fonction, le ministre d'Etat a fait de la lutte contre la vie chère en outre-mer une priorité de son action politique. Le Gouvernement partage l'avis de Mme la députée selon lequel la lutte contre la vie chère doit aussi passer par une augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs. C'est pourquoi le ministre d'Etat rappelle régulièrement que la lutte contre la vie chère nécessite plus largement une transformation économique globale des territoires ultramarins. En effet, il apparaît urgent de poursuivre les efforts en s'attaquant à toutes les racines de la cherté de la vie. La Cour des comptes, dans son référé rendu le 8 juin 2023, recommande d'ajuster les taux de majoration au différentiel de coût de la vie de chaque territoire d'outre-mer. Une réforme des compléments de rémunération, si elle était engagée, devrait prendre en compte tous les facteurs de l'attractivité d'un territoire et non uniquement le volet financier. Cela appellerait une déclinaison propre à chaque territoire et différenciée selon les administrations d'emploi. Concernant les minimas sociaux, le Gouvernement s'engage à une revalorisation de ces minimas dans les mêmes conditions que dans l'hexagone, suivant ainsi l'inflation pour la plupart des prestations. Le Gouvernement prend en outre des mesures pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins. A la suite de revendications pour lutter contre la vie chère en Martinique, l'Etat a co-signé avec les acteurs économiques le 16 octobre 2024 un protocole d'objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère. Il repose sur l'effort conjoint de tous les acteurs : baisse conjuguée de l'octroi de mer, de la TVA, gel du taux de marge des distributeurs, mécanisme de compensation des frais d'approche et application des prix-export. Après les premières baisses, d'environ 8 %, des prix des 6 000 produits avec la suppression dès le 18 décembre dernier de l'octroi de mer par la Collectivité territoriale de Martinique et un effort des acteurs économiques sur leurs marges, une deuxième baisse sera particulièrement visible pour les consommateurs avec la modulation de la TVA permise par la loi de finances pour 2025. L'Etat travaille par ailleurs avec les compagnies maritimes pour parvenir à un mécanisme de réduction des frais d'approche pour les produits de première nécessité. Tous ces dispositifs devront se traduire par des baisses de prix qui seront constatées à travers un affichage spécifique et contrôlées par les services de la concurrence et de la répression des fraudes. La transparence autour de la formation des prix sera ainsi assurée. Un contrôle global des prix et marges dit « Point zéro » sera réalisé par les services de la concurrence et de la répression des fraudes sur place, il permettra de mesurer la répercussion des baisses. Le pôle « concurrence » de la DEETS a finalisé l'élaboration du cadre de référence de juillet à octobre 2024 à partir duquel sera évalué le respect des mesures souscrites par les acteurs économiques. Toutes les baisses liées à la mise en œuvre du protocole pourront être suivies par une transmission de la part des acteurs de leurs données économiques et de leurs sorties de caisse. Les dispositifs qui feront l'objet d'une expérimentation en Martinique auront vocation à être ensuite proposés aux autres territoires. À l'occasion de son récent déplacement aux Antilles, le ministre d'Etat a eu l'occasion d'exprimer sa volonté de proposer un projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 25 mars 2025