Question écrite n° 1529 :
Fin de la vidéosurveillance systématique en garde à vue dans les commissariats

17e Législature

Question de : M. Nicolas Dragon
Aisne (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Nicolas Dragon interroge M. le ministre de l'intérieur sur la fin de la vidéosurveillance en garde à vue. Depuis ce 1er octobre 2024, la surveillance des gardes à vue par vidéosurveillance n'est désormais plus systématique. Au contraire, elle doit être motivée par les policiers à leur hiérarchie et ne s'appliquera que dans de très rares cas. C'est l'une des conséquences de l'alignement du droit français sur le droit de l'Union européenne. En effet, cette mesure, qui provient de l'application de nouvelles normes européennes et de la censure de certains articles de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés - fait très discutable - par le Conseil constitutionnel, impose désormais aux forces de l'ordre d'effectuer des rondes fréquentes pour assurer la surveillance des personnes gardées à vue, la vidéosurveillance devenant désormais l'exception. Elle ne sera possible que si elle est justifiée par un risque d'évasion, une menace pour la sécurité du détenu à vue ou d'autrui, le tout avec l'accord du parquet. Cette nouvelle réglementation, qui apparaît aberrante, soulève de sérieuses inquiétudes quant à son impact sur l'organisation et l'efficacité des services de police. C'est ainsi qu'au commissariat de Laon, situé sur la circonscription de M. le député dans l'Aisne (mais aussi dans des centaines d'autres commissariats de villes moyennes), cette mesure a pour conséquence de mobiliser au moins deux fonctionnaires de police supplémentaires pour la surveillance des cellules de garde à vue, les retirant de fait de la voie publique. Ce nombre pourrait même augmenter en cas de gardes à vues multiples. Concrètement, cela se traduit par la suppression d'un équipage de police secours sur le terrain, réduisant ainsi la capacité d'intervention et la présence policière dans l'espace public dans une ville marquée par la hausse de l'insécurité. Pourtant, la sécurité des biens et des personnes passe par une présence policière accrue sur le terrain de jour comme de nuit. De plus, en ces temps de calamité budgétaire, comment peut-on justifier le coût induit par l'installation de milliers de caméras dans les locaux de garde à vue dans les commissariats et désormais obturées par un morceau de scotch qui ne sera retiré désormais que dans de rares cas ? Quelles vont être les mesures prises par le ministère de l'intérieur pour garantir une présence suffisante de fonctionnaires de police sur la voie publique ? Il lui demande ce qu'il entend faire pour remettre en place ce système de vidéosurveillance dans d'autres dispositions qui ne pourraient plus être censurées par le Conseil constitutionnel et contourner le droit européen de plus en plus absurde.

Réponse publiée le 27 mai 2025

Le cadre juridique de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, issu de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (RPSI) du 24 janvier 2022 a été codifié aux articles L. 256-1 à L. 256-5 du code de la sécurité intérieure (CSI) et aux articles R. 256-1 à R. 256-7 du même code. La vidéosurveillance permet une observation régulière des cellules de garde à vue aux fins de diminuer notablement les risques de suicide, d'automutilation, d'agression ou d'évasion. Dans le même temps, ce recours ne peut être admis que sous réserve de la stricte nécessité de son usage au regard des objectifs poursuivis et de la proportionnalité de leurs conditions de mise en œuvre. Ainsi, le législateur a expressément prévu que la finalité de ce dispositif était de « prévenir les risques d'évasion de la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière et les menaces sur cette personne ou sur autrui » (article L. 256-1 du code de la sécurité intérieure) et que sont enregistrées l'ensemble des séquences vidéo provenant des systèmes de vidéosurveillance des cellules concernées ». Les dispositions réglementaires précitées précisent que la décision de placement sous vidéosurveillance de la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière peut être prise uniquement « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que cette personne pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui » et « pour une durée strictement nécessaire au regard du comportement de la personne concernée, qui ne peut excéder vingt-quatre heures ». Il convient de mentionner qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de dispositif de vidéosurveillance des cellules de garde-à-vue de la gendarmerie nationale compte tenu du volume d'emprises concernées et de l'organisation spécifique qu'elle induit. Néanmoins, une expérimentation de la vidéosurveillance est mise en place au sein du groupement de gendarmerie du Lot-et-Garonne depuis le 17 février 2025 pour une durée de 6 mois. Elle permettra notamment d'éprouver le cadre légal d'emploi de ce dispositif et de participer aux réflexions ministérielles en cours. Lors de la séance publique au Sénat du 23 octobre 2024, le ministre de l'Intérieur a souligné les externalités négatives de ces restrictions relatives aux finalités et à l'enregistrement, dont la mise en œuvre suppose d'une part d'équiper de nombreuses caméras d'enregistreurs, ce qui nécessite des investissements financiers significatifs, d'autre part de soustraire de la voie publique des forces de l'ordre pour qu'elles effectuent des rondes dans les cellules de garde à vue. De même, le Gouvernement a réitéré son souhait de renforcer la présence des forces de l'ordre sur le terrain avec l'objectif de doubler celle-ci d'ici à 2030. Par conséquent, le Gouvernement mène actuellement une réflexion sur les manières de répondre aux difficultés rencontrées par la police nationale depuis la mise en oeuvre de ces restrictions, si nécessaire, en faisant évoluer le cadre juridique tout en assurant le plein respect du cadre constitutionnel et conventionnel. 

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dragon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025

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