Question écrite n° 1575 :
Rixes de jeunes : quels moyens déployés en lien avec l'éducation nationale ?

17e Législature
Question signalée le 26 mai 2025

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Stéphane Peu interroge M. le ministre de l'intérieur sur le phénomène inquiétant des rixes entre jeunes ayant entraîné ces dernières années plusieurs dizaines de décès et de blessés. Le 17 janvier 2024 à Saint-Denis, dans la circonscription de M. le député, un très jeune adolescent de 14 ans a ainsi perdu la vie après avoir reçu plusieurs coups de couteaux lors d'une violente altercation. Le matin même, un autre jeune homme de 17 ans a été violemment attaqué sur le chemin de son lycée et est décédé des suites de ses blessures le 20 janvier. Deux dramatiques évènements qui s'inscrivent, selon les premiers éléments de l'enquête, dans un contexte de fortes tensions entre jeunes dans différents quartiers de la ville les jours et les heures précédents. Ces rixes, qui prennent dans le pays une ampleur inquiétante, appellent des réponses fortes tant en prévention qu'en sanction. L'éducation à la paix et à la tolérance à l'école, dans les clubs sportifs, les associations, doit évidemment prendre une place prépondérante. M. le député a donc interrogé, par une question écrite, Mme la ministre de l'éducation nationale sur ce sujet. Cependant, il est conscient que ce phénomène ne pourra être endiguer efficacement et durablement que si un travail conjoint avec le ministère de l'intérieur est mené. Aussi, il souhaite, d'une part, savoir si la lutte contre les rixes est inscrite dans les priorités de M. le ministre et, d'autre part, connaître les mesures et les moyens qu'il entend déployer pour la mettre en œuvre en lien avec le ministère de l'éducation nationale.

Réponse publiée le 3 juin 2025

La lutte contre les bandes organisées constitue une des missions prioritaires du ministère de l'intérieur. Pour lutter contre ce phénomène, la cellule de suivi du plan bandes (CSPB) de la préfecture de police de Paris est chargée du recueil, de l'analyse et du partage des informations relatives aux événements et aux personnes impliquées ou susceptibles d'être impliquées, au titre de leur affiliation à une bande, dans des actions de violences collectives. Au-delà de la diffusion périodique de bilans statistiques et analytiques, son rôle est également d'offrir un appui opérationnel aux commissariats. L'expertise de cette cellule permet régulièrement de réaliser des identifications d'auteurs de violences en réunion, de tentatives d'homicide ou d'homicide. Par exemple depuis le 1er trimestre 2016, un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) dédié à cette problématique est animé par la procureure de la République de Paris. Composé de magistrats du parquet, de représentants de la police, de l'éducation nationale et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) ainsi que d'élus, il est chargé de la répression des infractions commises lors des affrontements entre bandes. Son objectif est de suivre les enquêtes et de poursuivre des auteurs, mais aussi d'analyser le phénomène et d'adopter des mesures concrètes. Le GLTD favorise ainsi la remontée des signaux faibles vers les commissariats. Cette stratégie, combinée avec l'augmentation, à titre préventif, de la présence policière sur les lieux de rassemblements et les interpellations effectuées pour participation à un groupement préparant des violences ou pour attroupements armés, ont permis de restreindre considérablement le nombre de rixes effectives. En outre, le développement de la vidéoprotection dans les transports en commun permet également d'anticiper les attroupements et d'éviter les affrontements. De nombreux autres exemple de ce type viennent illustrer le renforcement de l'action des unités de gendarmerie et des services de police sur l'ensemble du territoire national. Les unités de gendarmerie s'organisent pleinement afin d'apporter une réponse adaptée et complète à ce phénomène. Ainsi, les groupements franciliens de gendarmerie de Seine-et-Marne et des Yvelines ont désigné un « référent bandes » au sein des brigades concernées. Ces référents sont chargés du suivi du phénomène sur le plan du renseignement et du judiciaire tout en assurant une bonne coordination avec les partenaires et autorités administratives locales. Pour sa part, le groupement du Val-d'Oise a déployé des délégués cohésion-population qui ont pour mission de tisser un lien avec les habitants des quartiers et de proposer, en coordination avec la municipalité, des actions au profit des jeunes dans le but de prévenir ou rompre l'influence des bandes. Au cours des 10 premiers mois de 2024, 369 phénomènes de bandes et 81 affrontements ont été recensés contre respectivement 338 et 88 sur la même période en 2023. Au cours de ces rixes, 276 blessés et 5 décès ont été à déplorer, contre 4 en 2023. Par ailleurs, 1 029 individus ont été interpellés sur le territoire de l'agglomération parisienne, notamment pour des faits d'attroupements armés, d'affrontements et de violences volontaires, entraînant 856 mesures de garde à vue, dont 74 % concernant des mineurs. En raison de la forte implication des plus jeunes dans ces phénomènes violents, les commissariats et les établissements scolaires entretiennent des liens étroits, qui sont cruciaux pour désamorcer l'importation de conflits de cette nature dans les écoles. En effet, 73 phénomènes de bandes ont touché des établissements scolaires sur les 10 premiers mois de 2024, contre 65 sur la même période en 2023, soit 20% des faits recensés contre 19% en 2023. La majorité de ces évènements se déroule aux abords des établissements (69 faits) et de manière plus rare à l'intérieur (4 faits). Les actions préventives et partenariales font partie intégrante du travail des policiers et des gendarmes dans la lutte contre les rixes et les rivalités entre bandes. Elles sont menées en collaboration avec l'Education nationale en direction des élèves scolarisés sur le territoire de compétence de la préfecture de police, mais aussi avec la protection judiciaire de la jeunesse et dans le cadre de la politique de la ville via les contrats de prévention et de sécurité. A titre d'exemple, depuis janvier 2021, les 101 maisons de prévention des familles de la gendarmerie nationale, déployées sur le territoire coordonnent et dynamisent les actions de prévention et partenariales auprès des différents publics cibles (victimes de violences conjugales et/ou sexistes, mineurs, seniors). Au cours de l'année 2023, 2430 interventions en milieu scolaire ont été réalisées par les formateurs relais anti-addictions de la gendarmerie pour 64 748 élèves du primaire et du secondaire. 519 176 élèves du primaire et du secondaire ont été sensibilisés aux violences par les gendarmes locaux. Ces actions s'adressent également aux parents et au corps enseignant. La gendarmerie accueille également des jeunes au sein des cadets de la gendarmerie. À travers 104 associations réparties sur tout le territoire métropolitain et ultra-marin, les jeunes engagés dans la 2ème phase du Service National Universel (SNU) sont initiés à la citoyenneté et aux valeurs militaires. Les cadets conduisent également des actions mémorielles et de prévention. En 2024, plus de 2500 jeunes sont ainsi devenus cadets de la gendarmerie. Au sein de l'agglomération parisienne, 135 policiers des Missions de Prévention Contact et Écoute (MPCE) proposent aux chefs d'établissements des programmes adaptés aux problématiques locales qui peuvent porter sur les violences, le racket, les incivilités, les discriminations, le harcèlement ou les dangers liés aux mauvaises utilisations d'internet et des réseaux sociaux. La prévention s'oriente également vers les parents, par le biais de réunions d'information et de mesures de responsabilisation. La gendarmerie nationale a pour sa part créé des « points d'écoute gendarmerie », des espaces installés au sein de certains établissements scolaires (collèges et lycées) dans lesquels les jeunes peuvent engager un dialogue avec les forces de l'ordre. En 2023, 19 614 élèves ont été accueillis dans un point d'écoute. Les jeunes issus des quartiers "politique de la ville"et des"zones de sécurité prioritaires"bénéficient en outre, lors des vacances scolaires et les mercredis après-midi, d'offres d'activités culturelles et citoyennes encadrées par des policiers. À la préfecture de police de Paris, 250 jeunes fréquentent ces"Centres de Loisirs Jeunes" (Journées Républicaines de la Jeunesse à Paris). Ces dispositifs s'adressent à un public potentiellement en décrochage scolaire ou déscolarisé, permettant de cibler des jeunes qui peuvent être membres de bandes. D'autres actions complètent ces mesures à l'instar des stages de lutte contre la récidive proposés par des associations mandatées par la protection judiciaire de la jeunesse, dont les policiers sont parties prenantes. À Paris, par ailleurs, des cellules d'échanges d'informations nominatives relatives aux mineurs en difficulté (CENOMED) sont actives dans 12 arrondissements. Pilotées dans le cadre du contrat parisien de prévention et de sécurité (CPPS), elles ont pour objectif d'identifier, le plus en amont possible, des mineurs connus de différents professionnels qui risquent de basculer dans des trajectoires délinquantes et d'embrigadement dans des bandes. Il est important de souligner l'implication des intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie (ISCG) et des psychologues concernant l'écoute des familles et des jeunes, et notamment des auteurs et victimes de rixes. 12 intervenants sociaux et 8 psychologues sont actuellement en poste dans les commissariats parisiens. La police nationale bénéficie de 293 ISCG (dont 89 postes mixtes avec la police nationale, chiffres CIPDR) En zone gendarmerie, on compte 277 ISCG. La LOPMI 2023-2027 a également fixé de nouveaux objectifs au dispositif, prévoyant la création de 200 postes d'ISCG supplémentaires dans les territoires à horizon 2027, suivant le cadencement de 40 ETP/an. Enfin, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) permet de soutenir la réalisation d'actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance. En 2024, le FIPD a financé 17 associations portant des projets en relation avec la prévention des rixes, pour un montant de 97 740 €. Ces actions sont plurielles et leur financement a notamment permis de sensibiliser les jeunes, par la réalisation de court-métrages évoquant les conséquences des rixes et des rivalités inter-quartiers, ou encore par la mise en place d'ateliers sur la question de la non-violence. Par ailleurs, des actions de soutien à la parentalité ont également été mises en œuvre A l'instar du travail mené à Paris et en petite couronne par la préfecture de police, les services centraux et déconcentrés de la direction générale de la police nationale sont activement impliqués dans la prévention et la lutte contre les bandes violentes et les affrontements et rixes entre groupes de jeunes, qui constituent de longue date une préoccupation des services de police, tant dans leur travail de voie publique qu'en matière d'enquête et de renseignement. Si le phénomène n'a rien de nouveau - en 2010 par exemple, le ministère de l'Intérieur lançait un plan d'action pour renforcer la lutte contre les bandes et le Parlement adoptait la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public -, son retentissement est désormais amplifié par son extrême médiatisation. De plus, le recours aux réseaux sociaux et aux messageries instantanées accentue fortement l'action des bandes, qui est le plus souvent liée à des antagonismes d'occupation de territoires, de trafics de drogue et d'origines ethniques. Un plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels a été présenté le 16 juin 2021 en conseil des ministres. Résultat des travaux conjoints de tous les ministères concernés, ce plan a réactualisé le précédent plan de lutte contre les bandes de 2010, en lui conférant une dimension interministérielle pour prendre en compte ce phénomène dans toute sa complexité. Le plan bandes 2021 regroupe un ensemble de mesures réparties en trois volets. Le volet prévention vise à favoriser l'information et la sensibilisation des jeunes sur le phénomène des bandes, améliorer la détection et la prise en charge des mineurs et renforcer le soutien à la parentalité, la lutte contre le décrochage scolaire et le harcèlement. Le volet renseignement vise à développer, à travers des structures partenariales de la sécurité du quotidien, une réponse opérationnelle en facilitant la circulation de l'information entre les acteurs. Enfin, le volet stratégie d'enquête et réponse pénale vise à judiciariser le renseignement, systématiser le recours à la police technique et scientifique, améliorer le suivi socio-éducatif des jeunes, mobiliser la cellule familiale et renforcer les différentes formes de réponse au phénomène. Ce constat souligne la nécessité d'un déploiement effectif du plan bandes et son appropriation par l'ensemble des acteurs concernés en fonction des spécificités propres à chaque territoire. Partout le même constat s'impose : en matière de prévention, l'implication de l'ensemble des acteurs concernés (parquet, Éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux, autorités de transports, bailleurs sociaux, police, gendarmerie, etc.) est essentielle. La bonne coordination entre préfet et procureur est, particulièrement, un facteur essentiel de réussite. En tout état de cause, le travail des forces de sécurité intérieure ne peut pas être la seule réponse. C'est une réponse globale et collective qui doit être recherchée, mobilisant l'ensemble des acteurs concernés, et la société elle-même. L'éducation et la justice en particulier sont des acteurs clés, comme doivent l'être les familles. Les élus locaux sont des acteurs essentiels, par leur connaissance des territoires et par leurs prérogatives. Les bailleurs sociaux et les associations sont aussi des partenaires incontournables. Dans ce domaine comme dans d'autres, le travail partenarial - le « continuum de sécurité » - est indispensable.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 26 mai 2025

Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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