Position de la France concernant les systèmes d'armes autonomes
Question de :
M. Arnaud Le Gall
Val-d'Oise (9e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Arnaud Le Gall interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la régulation des « systèmes d'armes létaux autonomes ». Dans la mesure où ils abandonnent à une machine le choix de la cible et la décision de frapper, les systèmes d'armes autonomes constituent une aberration morale majeure et présentent un risque de violation du droit humanitaire international. Seul l'entendement humain est capable d'analyser les multiples paramètres d'une situation d'affrontement et d'évaluer au plus juste ce qu'il opportun, légal, moral, humain de faire face à l'adversaire. Les associations humanitaires les plus respectées, ainsi que de très nombreux experts (dont plusieurs prix Nobel), alertent sur les nombreux dangers liés à l'essor des armes autonomes. Sur le champ de bataille, on peut craindre une multiplication des ciblages abusifs, une confusion généralisée entre civils et combattants. Mais on doit redouter aussi la prolifération de ces technologies et leur utilisation banalisée dans de simples opérations de « maintien de l'ordre » et de contrôle des populations. S'il n'est pas jugulé, le développement des systèmes d'armes autonomes produira des tragédies sans nombre. Tout en ayant pour effet mécanique d'amoindrir la responsabilité des gouvernements en matière de guerre et d'exercice de la force. Pour conjurer ce danger, dont les guerres à Gaza ou en Ukraine offrent déjà un sanglant aperçu, le Secrétaire général de l'ONU a exhorté les responsables politiques à agir. De nombreux États ont fait savoir qu'ils souhaitaient la mise au point d'un texte juridiquement contraignant. Les discussions dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) étant bloquées par le veto d'un petit nombre de pays, l'Autriche et d'autres nations ont choisi de porter la question devant l'Assemblée générale de l'ONU. M. le député souhaite connaître la position exacte du pays sur ce sujet capital des « robots tueurs ». Tout prochainement, une résolution sur les systèmes d'armes autonomes doit passer en première commission des Nations unies. Quelle sera la position de la France sur la résolution en question ? Consent-elle à ce que le sujet soit pris en charge dans un autre cadre que celui, aujourd'hui paralysé, de la CCAC ? Plus généralement, il lui demande ce que compte faire la France pour parvenir à un traité international prohibant l'usage des systèmes d'armes autonomes.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
La France a voté en faveur de la résolution portée en 2024 par l'Autriche et d'autres États sur les systèmes d'armes létaux autonomes (SALA), après s'être activement impliquée dans sa négociation, permettant l'atteinte d un compromis qui a favorisé son adoption la plus large possible. En lien avec ses partenaires, la France a tenu à rappeler sa vigilance à ce que les consultations initiées par cette résolution aident à remplir le mandat du Groupe d'experts gouvernementaux (GGE) sur les technologies émergentes dans le domaine des systèmes d'armes létaux autonomes mis en place dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) à Genève, et ne dupliquent pas ni ne fragilisent ces travaux. Ainsi, une complémentarité avec le GGE SALA devra être observée. Pour être efficace, les consultations doivent réunir les acteurs du GGE SALA, notamment les États en capacité de développer les technologies en question. Elles ne doivent conduire à un détournement des ressources et de l'expertise des délégations du GGE SALA. Elles ne peuvent créer un processus parallèle dont les discussions se feront au détriment du GGE SALA, dans un contexte où la Russie ne devrait pas participer de manière constructive aux discussions au sein de la Première Commission des Nations unies, et tirera par ailleurs prétexte du lancement de ces discussions pour paralyser plus encore les discussions au sein du GGE. Pour mémoire, la France a pleinement pris la mesure des enjeux stratégiques, juridiques et éthiques soulevés par le développement de l'intelligence artificielle (IA), et en particulier par l'émergence potentielle de systèmes d'armes létaux autonomes (SALA). Au niveau national, la France a adopté une stratégie qui vise à développer l'IA de défense d'une manière ambitieuse et responsable, dans le respect de trois principes cardinaux : le respect du droit international, la responsabilité du commandement humain et le maintien d'un contrôle humain approprié sur les systèmes d'armes. Au niveau international, c'est à l'initiative de la France que la question des SALA a été introduite aux Nations unies, dans l'enceinte de la CCAC à Genève. La France a également soutenu l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de la résolution 78/241 du 22 décembre 2023 qui souligne l'urgence de répondre aux enjeux que soulèvent les systèmes d'armes autonomes, en particulier dans le cadre du Groupe d'experts gouvernementaux (GGE) sur les technologies émergentes dans le domaine des SALA. Conformément à cette résolution et dans la continuité de son engagement résolu sur le sujet, la France a transmis ses vues au Secrétaire général des Nations unies sur les moyens d'agir pour faire face à ces enjeux. Dans ce rapport, le Secrétaire général enjoint les Hautes parties contractantes à la CCAC d'oeuvrer avec diligence pour que le GGE s'acquitte de son mandat dès que possible. Le travail effectué par le GGE SALA a permis de progresser collectivement tant dans la compréhension des défis posés par de potentiels SALA que dans l'identification des voies pour répondre à ces défis. Le mandat du GGE a été renouvelé et renforcé à l'occasion de la dernière réunion des Hautes parties contractantes de la CCAC en novembre 2023. Il est désormais chargé d'examiner et de formuler des éléments d'un potentiel instrument relatif aux SALA. La France considère que la meilleure chance d'aboutir à un encadrement international efficace, qui inscrive le développement et l'emploi des SALA dans le respect du droit international humanitaire, est de poursuivre jusqu'à son terme le processus engagé au sein de la CCAC, malgré les difficultés par certains pays ouvertement obstructionnistes, à commencer par la Russie. La CCAC demeure en effet l'enceinte la plus appropriée pour répondre aux enjeux soulevés par ces systèmes d'armes. Surtout, elle est la seule enceinte dans le cadre de laquelle il est possible de proposer des mesures universellement acceptées et donc mises en oeuvre par les États susceptibles de développer de tels systèmes. La France fait partie des pays qui promeuvent une approche ambitieuse de ce que pourrait être l'instrument international relatif aux SALA, puisqu'elle soutient en effet la négociation d'un protocole additionnel à la CCAC, instrument juridiquement contraignant. Elle propose que cet instrument adopte une « double approche » dans le cadre de laquelle les Hautes parties contractantes s'engageraient à renoncer aux SALA opérant en dehors de toute forme de contrôle humain (« pleinement autonomes ») et à mettre en oeuvre les mesures nécessaires afin de garantir que les systèmes d'armes létaux dotés d'autonomie dans leurs fonctions critiques (« partiellement autonomes ») soient développés et utilisés en conformité avec le droit international humanitaire. La France a d'ores et déjà transmis, en collaboration avec l'Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, l'Italie, le Luxembourg et la Norvège, des propositions en ce sens.
Auteur : M. Arnaud Le Gall
Type de question : Question écrite
Rubrique : Armes
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024