Question écrite n° 1639 :
Traitement judiciaire des personnes liées au narcobanditisme

17e Législature

Question de : Mme Monique Griseti
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Rassemblement National

Mme Monique Griseti attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le traitement judiciaire des personnes impliquées dans le narcobanditisme. Selon un article de presse publié le 14 octobre 2024 dans le quotidien régional La Provence, un individu bien connu des forces de l'ordre pour son implication dans le narcobanditisme à Marseille a été libéré sous contrôle judiciaire avant même que son procès ne soit tenu. Ce cas de remise en liberté est le troisième recensé cette année, suscitant une vive inquiétude chez les citoyens marseillais et au-delà. Ces décisions judiciaires, qui semblent peu cohérentes face à la gravité des faits reprochés, soulèvent plusieurs interrogations quant à l'application des lois en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et la récidive. Ces libérations avant jugement sont clairement un signal de laxisme, mettant en péril la sécurité des habitants et la crédibilité de l'action publique contre le crime organisé, qui prend une ampleur inégalée en France. Alors, elle lui demande de bien vouloir exposer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à ces dysfonctionnements et garantir que les individus impliqués dans des activités criminelles aussi graves que le narcotrafic soient maintenus en détention jusqu'à leur procès, afin de préserver l'ordre public et la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire. Également, elle aimerait connaître les actions concrètes qu'il envisage pour renforcer les moyens alloués à la lutte contre le narcobanditisme, ainsi que pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l'avenir.

Réponse publiée le 8 avril 2025

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au Gouvernement de se prononcer sur une affaire judiciaire en cours. S'agissant ensuite du régime de détention provisoire susceptible de s'appliquer aux personnes mises en examen pour des faits de trafic de stupéfiants, il peut être indiqué que la détention provisoire obéit en droit français à des règles procédurales strictes, afin de concilier la préservation de l'ordre public et celle des droits fondamentaux, telle que la présomption d'innocence. A ce titre, le régime de détention provisoire n'a pas vocation à s'appliquer de manière automatique, mais ne peut intervenir qu'en dernier ressort, lorsqu'il est établi que les obligations d'une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique ne peuvent suffire à satisfaire un certain nombre de conditions précisément listées à l'article 144 du code de procédure pénale. Il doit toutefois être souligné que les infractions relevant de la criminalité organisée, et notamment les trafics de stupéfiants, sont soumis à un traitement procédural spécifique. La procédure pénale a ainsi été modifiée pour s'adapter tout particulièrement aux enjeux de la criminalité organisée, qui fait donc l'objet d'un traitement judiciaire spécifique, permis par l'existence d'un régime dérogatoire applicable à ces infractions. Dans la mesure où il s'agit d'une criminalité particulière, d'une grande complexité et d'une grande technicité, qui suppose des délais d'enquête et de procédure de manière générale plus importants que pour les infractions de droit commun, le régime de la détention provisoire a déjà été adapté pour répondre aux besoins des enquêteurs et des magistrats. L'article 145-1 du code de procédure pénale prévoit ainsi qu'en matière correctionnelle, si la détention ne peut excéder quatre mois par principe, elle peut aller jusqu'à deux ans lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants. En vertu de l'article 145-1 alinéa 3, cette durée de deux ans peut elle-même, à titre exceptionnel, être prolongée par la chambre de l'instruction pour un nouveau délai de quatre mois lorsque la mise en liberté de la personne concernée constituerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité des personnes et des biens. En tout état de cause, la lutte contre les trafics de stupéfiants s'inscrit dans une action plus globale du Gouvernement, qui ne saurait se résumer au seul recours à la détention provisoire ou aux quanta des peines prévues parmi les plus sévères prévues par le droit pénal français. La lutte contre les trafics de stupéfiants constitue en effet une priorité reprise dans le plan interministériel de lutte contre les trafics de stupéfiants signé le 17 septembre 2019 entre les ministres de l'intérieur, de la justice et de l'action et des comptes publics. Celui-ci a d'ores et déjà permis des succès significatifs, parmi lesquels le déploiement sur l'ensemble du territoire des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, la mise en place d'une nouvelle formation commune aux forces répressives ou la cartographie des points de vente de stupéfiants. Après quatre années d'exercice, la refonte en cours de ce plan interministériel a vocation à adapter chacune des mesures à l'évolution de l'état de la menace. En effet, le ministère de la justice est résolument engagé dans la lutte contre ces trafics et s'investit dans la définition d'une politique pénale pragmatique, adaptée au haut niveau de la menace, mais également et surtout aux différentes réalités que recouvrent ces trafics de stupéfiants et à leur impact sur les différents territoires. Les principales orientations de politique pénale en la matière ont ainsi été rappelées dans la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022, et encore récemment par la dépêche du 12 mars 2024 relative à l'articulation de l'autorité judiciaire et des forces de sécurité intérieure dans le cadre des opérations de lutte contre les produits stupéfiants dites « place nette ». Ces orientations tendent à inscrire l'action des parquets à la fois au niveau de l'offre et de la demande. S'agissant de la demande, le ministère de la justice vise à la mise en œuvre d'une politique pénale dissuasive à l'égard des consommateurs, notamment en préconisant le recours à l'amende forfaitaire délictuelle pour les infractions constatées dans les halls d'immeuble et sur la voie publique et en encourageant les dispositifs de prise en charge existants au titre de la politique de réduction des risques en la matière. S'agissant de l'offre, la réponse pénale vise au démantèlement des trafics au moyen de procédures judiciaires ambitieuses comprenant, dans la mesure du possible, un aspect patrimonial. En effet, le ministère de la justice promeut une approche financière ou éco-criminelle, au regard de la nature lucrative de ces infractions. Afin d'enrayer la stratégie d'emprise exercée par les trafiquants sur un territoire, les directives de politique pénale rappellent enfin la nécessité pour les magistrats de recourir à l'ensemble des mesures judiciaires d'éloignement prévues par la loi, outre les peines d'emprisonnement. C'est ainsi d'ores et déjà l'ensemble de l'arsenal répressif qui est quotidiennement mobilisé par les acteurs judiciaires de la lutte contre le trafic de stupéfiants tout en prenant en compte l'impératif d'individualisation de la peine.

Données clés

Auteur : Mme Monique Griseti

Type de question : Question écrite

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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