Question orale n° 163 :
Capitaux étrangers au sein de la filière pêche française

17e Législature

Question de : M. Antoine Golliot
Pas-de-Calais (5e circonscription) - Rassemblement National

M. Antoine Golliot alerte Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la présence importante des capitaux étrangers dans la pêche française. Si ces investissements permettent aux armements de maintenir leur activité dans un secteur où les investissements sont limités, ils suscitent également des inquiétudes. En effet, leur impact sur la maîtrise nationale de cette filière stratégique soulève de nombreuses interrogations. Certains craignent que la prise de contrôle progressive par des intérêts étrangers n'entraîne une délocalisation des décisions stratégiques et un risque de dépendance économique. Alors que la souveraineté alimentaire et maritime devient un enjeu majeur, comment le Gouvernement entend-il garantir que ces investissements ne remettent pas en cause l'indépendance du secteur ? Il lui demande si des mesures sont envisagées pour protéger les acteurs français et assurer un contrôle national sur cette filière essentielle.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2025

FILIÈRE DE LA PÊCHE FRANÇAISE
Mme la présidente . La parole est à M. Antoine Golliot, pour exposer sa question, no 163, relative à la filière de la pêche française.

M. Antoine Golliot . Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, est devenu le symbole des défis majeurs que traverse notre filière pêche. Avec plus de 350 entreprises et 7 000 emplois directs et indirects, ce territoire dépend largement de la pêche et de la transformation des produits de la mer.

Les pêcheurs français, notamment dans les Hauts-de-France, rencontrent de nombreuses difficultés. Le Brexit a réduit leurs zones de pêche, limitant l'accès aux eaux britanniques et réduisant leurs quotas. La hausse du prix du carburant pèse sur leur rentabilité – à ce sujet, le gouvernement doit être à l'écoute de leur revendication sur la Tiruert – taxe incitative relative à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports. La raréfaction des ressources halieutiques du fait de la surpêche ou de l'installation de parcs éoliens en mer complique leur activité. On peut encore citer les réglementations européennes strictes et inadaptées. Mais j'aimerais ici appeler votre attention sur la présence croissante de capitaux étrangers qui menacent notre souveraineté économique et alimentaire.

En effet, de plus en plus d'armements et d'entreprises de transformation passent sous le contrôle d'entreprises et de capitaux étrangers. Dans le Boulonnais, il s'agit principalement de capitaux hollandais. Si l'investissement est bien sûr nécessaire pour moderniser et développer notre filière, il ne doit pas se faire au détriment de notre indépendance. À Boulogne-sur-Mer, des navires sous pavillon français sont parfois détenus par des capitaux étrangers, et les décisions stratégiques sont prises hors de France, souvent au détriment des pêcheurs locaux. Cette situation nous expose à des risques : captation des quotas de pêche, délocalisation des bénéfices et pressions sur les prix, qui asphyxient nos artisans pêcheurs.

Or la pêche artisanale, qui constitue l'âme de nos ports, est la première victime de cette logique. Nos marins-pêcheurs, qui pratiquent une pêche respectueuse des ressources halieutiques et défendent un savoir-faire ancien, peinent à faire face à ces géants étrangers. Ils doivent affronter des coûts de production toujours plus élevés, des marges réduites et une instabilité économique grandissante, tandis que certaines grandes structures sous contrôle étranger imposent leurs conditions sur le marché, tirant les prix vers le bas.

Il est urgent d'établir, pour la filière pêche française, une stratégie claire qui défende notre pêche artisanale et fasse en sorte que la richesse halieutique française profite avant tout à nos territoires et à nos entreprises de pêche.

Comment le gouvernement entend-il protéger nos entreprises de pêche face à une présence de plus en plus forte de capitaux étrangers ? Est-il envisagé de renforcer les outils de contrôle sur les prises de participation étrangères dans la filière, à l'image de ce qui se fait dans d'autres secteurs stratégiques ? Il y va de la survie de notre modèle de pêche et de l'avenir des milliers de familles qui en dépendent. La France peut-elle encore garantir un avenir à ses pêcheurs face à ces géants qui menacent leur existence ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . La pêche française reste majoritairement artisanale et familiale, à hauteur de près de 70 %. Cependant, certains armements français à la grande pêche – qui permettent à nos criées de vivre puisqu'ils fournissent 40 % des prises qu'elles traitent – sont effectivement en partie détenus par des capitaux européens, le plus souvent néerlandais. Vous le savez, ces armements emploient des pêcheurs français qualifiés et leurs retombées économiques bénéficient presque exclusivement au territoire français. Il importe aussi de rappeler que ces capitaux européens ont assuré la survie d'entreprises françaises qui traversaient des périodes économiques délicates, ce qui a sauvé l'activité, les emplois et le savoir-faire, en l'absence d'investisseurs français.

Le gouvernement reste évidemment très vigilant quant aux retombées économiques de ces armements sur le territoire, à la fois en mer et à terre, et quant à la meilleure valorisation des possibilités de pêche détenues par la flotte française compte tenu de l'antériorité de ses droits.

Enfin, le gouvernement s'est toujours attaché à valoriser la diversité des pêches françaises permettant la structuration d'un secteur au cœur de notre souveraineté alimentaire. Le contrat stratégique de filière qui est en cours d'élaboration avec nos pêcheurs a pour objectif de conforter toutes les composantes de la chaîne de valeur, qui va de la pêche à la valorisation des produits dans nos territoires. Vous pouvez compter sur moi pour rester vigilante quant au point sur lequel vous nous avez alertés. L'État jouera son rôle dans ce cadre, afin de donner la meilleure prévisibilité à notre filière tout en renforçant la résilience de nos économies littorales.

Mme la présidente . La parole est à M. Antoine Golliot.

M. Antoine Golliot . Je vous remercie pour votre réponse, mais je crains que vous ne fassiez preuve d'une certaine naïveté, ne réalisant pas l'importance que prennent les capitaux étrangers, tant dans les armements que dans les entreprises installées à terre. Il faut s'en inquiéter. Que ferez-vous quand ces capitaux étrangers auront établi un monopole ? Que restera-t-il de la France et de l'esprit français quand toutes ces entreprises seront passées sous domination étrangère ? Vous devez agir avec détermination. Nos pêcheurs veulent savoir de quoi demain sera fait.

Données clés

Auteur : M. Antoine Golliot

Type de question : Question orale

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2025

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