Question écrite n° 1649 :
CNR éducation et projets pédagogiques : vers une marchandisation de l'école ?

17e Législature

Question de : M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Idir Boumertit interroge Mme la ministre de l'éducation nationale sur les mesures annoncées lors de la présentation de la feuille de route pour l'éducation nationale le 25 janvier 2024. Plus spécifiquement, les interrogations de M. le député font suite à l'annonce de « trente nouveaux projets à haut potentiel pédagogique » qui seront établis dans le cadre de l'acte II du Conseil national de la refondation (CNR) sur l'éducation. Il a été spécifié la volonté d'impliquer les établissements n'ayant pas encore souscrit aux appels à projet. Pour rappel, le CNR portant sur l'éducation est une initiative lancée par le Gouvernement en dehors des sphères de consultation déjà existantes. Par ailleurs, au lancement du premier CNR sur l'éducation, de nombreux syndicats de l'enseignement n'ont pas soutenu cette démarche et la mise en œuvre de projet pédagogique par appels à projets afin de soutenir « l'innovation pédagogique » au sein des établissements scolaires en France a été particulièrement décriée. Un rapport du Sénat intitulé « Autonomie des établissements scolaires : pour une pleine application du droit et une confiance dans les équipes pédagogiques » paru en juillet 2023 évalue justement le volet éducation du CNR et dénonce la logique marchande appliquée à l'école française au moyen de ces appels à projets. Ainsi, la mise en concurrence entre établissements est contraire aux intérêts des élèves et des établissements puisqu'elle accroît les inégalités scolaires préexistantes. En ce sens, ce sont les établissements les mieux équipés qui auront la capacité de présenter les projets les plus solides, pénalisant en conséquence les élèves des zones défavorisées. Par là même, un rapport de la Cour des comptes questionne également l'efficacité de l'utilisation des deniers publics dans le financement de ces projets. Ainsi, la marchandisation de l'offre éducative que l'on observe à travers ces appels à projet pour l'innovation pédagogique n'a pas fait ses preuves. À ce titre, M. le député interroge Mme la ministre sur la reconduite effective ou non de ce CNR, qui n'a pas produit de résultats pertinents dans l'intérêt des élèves, ou des établissements et des personnels. Si le choix de la mise en œuvre est maintenu, il souhaiterait en connaître les raisons. Par ailleurs, il souhaite connaître les modalités organisationnelles des trente projets dits « à fort potentiel pédagogique » annoncés lors de la présentation de la feuille de route. En ce sens, à quels objectifs ces projets devront-ils répondre, comment les établissements et les projets seront-ils sélectionnés, quels seront les résultats attendus et comment seront-ils mesurés ? Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse publiée le 10 juin 2025

L'objectif de la démarche du conseil national de la refondation (CNR) éducation « notre école, faisons-la ensemble » est de faire émerger dans le cadre de concertations locales des initiatives nouvelles fondées sur les besoins constatés par les équipes et de nature à améliorer la réussite et le bien-être des élèves et à réduire les inégalités. La démarche et la mise en œuvre de projets pédagogiques par appels à projets afin de soutenir « l'innovation pédagogique » au sein des établissements scolaires en France rencontrent à ce jour un succès non démenti. 16 049 projets ont été déposés sur la plateforme émanant de 27,4 % des établissements du 1er et du 2d degrés. Certains projets concernent plusieurs établissements. Ces chiffres montrent le succès important de la démarche et une mobilisation forte des collectifs éducatifs qui se sont saisi de cette possibilité. L'autonomie des établissements est pleinement respectée dans la capacité à fédérer et à piloter l'établissement. Le choix du chef d'établissement de mobiliser les acteurs internes et externes à la communauté éducative et la rédaction du projet en cohérence avec les indicateurs de suivi sont un témoignage de l'exercice plein et entier de cette autonomie. Le CNR éducation prend sa source dans les besoins exprimés par l'établissement lui-même, au cœur des préoccupations des équipes éducatives. Chaque projet déposé est ensuite apprécié au regard de la qualité du projet lui-même, dans sa capacité à renforcer la réussite et le bien-être des élèves, et non dans une logique de mise en concurrence entre établissements. Par ailleurs, alors que 13,38 % d'élèves sont scolarisés en réseau d'éducation prioritaire en France, 22,8 % des projets sont portés par des établissements situés en réseau d'éducation prioritaire. Le taux d'implication des équipes exerçant au sein de ces établissements est significatif et pris en compte par les commissions départementales et académiques. Les projets dits à fort potentiel sont retenus au regard de plusieurs critères co-construits avec les académies. Il s'agit d'apprécier le potentiel du projet au regard d'un diagnostic local concerté et sa capacité à associer un large ensemble de parties prenantes. Cette concertation permet la rédaction d'un état des lieux des besoins spécifiques auxquels le projet doit répondre. En outre, pour apprécier la qualité du projet, sont prises en compte une valeur ajoutée pédagogique mesurable sur les résultats des élèves et la présentation d'un potentiel d'essaimage avec la capacité à influencer la mise en œuvre d'autres projets comparables à l'échelle locale, académique ou inter-académique. 

Données clés

Auteur : M. Idir Boumertit

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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