Question écrite n° 1657 :
Violences en milieu scolaire : quelle place pour la prévention ?

17e Législature

Question de : M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Idir Boumertit appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale sur l'évolution des signalements d'incidents graves survenus en milieu scolaire. L'actualité politique et médiatique a mis sur le devant de la scène de nombreuses situations de violences dans des établissements d'enseignement du second degré ou aux abords de ces derniers, pointant souvent une hausse importante de ce phénomène. Le Président de la République lui-même a déclaré le 5 avril 2024 que « nous [étions] dans une société de plus en plus violente » et qu'il existait « une sorte de violence désinhibée chez nos ados et de plus en plus jeunes ». Dans la même ligne, M. Gabriel Attal, alors Premier ministre, a déclaré le 18 avril 2024 que sa « boussole [était] l'impunité zéro, la sanction immédiate ». Afin de mesurer le climat scolaire et la violence en milieu scolaire, le ministère de l'éducation nationale dispose de deux sources d'information que sont l'enquête Sivis (système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire) et l'enquête nationale de climat scolaire et de victimation. Ainsi, les données des enquêtes Sivis sont publiées chaque année par la direction de l'évaluation de la prospective et de la performance (ci-après dénommée « DEPP ») et ce, depuis de nombreuses années. Elle répertorie ainsi le nombre d'incidents graves déclarés en moyenne pour 1 000 élèves. M. le député souhaite porter à la connaissance de Mme la ministre que les documents publiés par la DEPP permettent de constater que sur la seule année scolaire 2022-2023, le taux moyen d'incident grave déclaré est de 13,7 sur l'ensemble des établissements du second degré. Entre 2009 et 2010, le taux moyen d'incident grave s'élevait à 11,2 pour 1 000 élèves. L'année suivante, ce dernier grimpait à 12,6, puis à 13,6 sur l'année scolaire 2011-2012 pour atteindre 14,4 signalement en moyenne pour 1 000 élèves durant l'année scolaire 2012-2013. Le taux moyen retombe ensuite à 13,1 puis à 12,4 sur l'année scolaire 2014-2015. La DEPP publiait alors une note d'information affirmant que le taux moyen était stable par rapport aux années précédentes et qu'une variation observée de 0,7 point n'était « pas statistiquement significative ». Cette variation du taux moyen d'incident déclaré continue d'osciller entre 10 et 14 points. Sur l'année scolaire 2015-2016 on observe un taux moyen de 12,8 puis de 13,8, 13,4 et 12,8 les trois années suivantes. Le taux moyen retombe à 10,2 durant l'année scolaire 2020-2021 puis remonte à 12,3 et 13,7 sur l'année 2022-2023. Ainsi, entre 2009 et 2023, sur une période de 14 années, le taux d'incident grave déclaré pour 1 000 élèves a varié entre 10,2 et 14,4. Par ailleurs, M. le député regrette que Mme la ministre, ainsi que M. Gabriel Attal, alors Premier ministre, notamment dans son discours prononcé à Viry-Châtillon le 18 avril 2024, n'ait pas annoncé de mesures d'accompagnement et de prévention des violences en contrepartie d'un recours très prononcé à la punition et l'autorité. À ce titre, M. le député rappelle que nombre de chercheurs et d'universitaires en sciences éducatives et sociales s'accordent à dire d'abord que la réalité de la pratique éducative est loin du laxisme qui lui est d'usage accolé et que les pratiques punitives sont déjà très fréquentes. Sans se prononcer pour ou contre ces pratiques, l'enjeu n'étant pas là, ils tentent dans de nombreuses productions de faire émerger les limites des pratiques punitives, ainsi que la nécessité de développer une véritable prévention de la violence à l'école ; prévention envisagée de façon globale, collective et systémique. La dépendance de l'amélioration des climats scolaires vis-à-vis du climat de classe renforce encore davantage la nécessité d'une formation approfondie des enseignants et des équipes éducatives sur l'appréhension des violences en milieu scolaire. M. le député interroge donc Mme la ministre sur le positionnement du Gouvernement en matière de lutte contre les violences en milieu scolaire et les mesures envisagées telles que l'accroissement des punitions, le recours à la responsabilité parentale de façon plus systématique et l'alourdissement de la pénalité, qui semble disproportionné au regard d'un taux moyen d'incident qui reste stable sur les quinze dernières années, conformément aux données publiées par la DEPP. Il aimerait à ce titre connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin que la prévention des violences soit mise au-devant de la scène.

Réponse publiée le 28 janvier 2025

L'action du ministère en matière de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire se déploie à partir de mesures concrètes qui visent à la fois à protéger les élèves et les personnels, à sécuriser les écoles et les établissements et à prévenir toutes formes de violence par une attention particulière portée à la qualité du climat scolaire dans chaque école et établissement. Dans cette perspective, la ministre a lancé le mardi 12 novembre 2024 un plan pour la tranquillité scolaire qui s'articule autour de trois priorités : - protéger les élèves et les personnels par la mise en place d'un pôle d'accompagnement et de soutien aux personnels victimes de violences, la sécurisation des établissements scolaires avec de nouveaux systèmes anti-intrusion (contrôles d'accès ou de caméras de vidéosurveillance), et le développement de la culture de la prévention et de la sécurité afin que 100 % des établissements scolaires disposent d'un plan particulier de mise en sécurité (PPMS) actualisé ; - apaiser le climat scolaire dans les établissements grâce à la création dès janvier 2025 de 150 postes de conseiller principal d'éducation (CPE) et 600 postes d‘assistant d'éducation (AED) supplémentaires dans les collèges et les lycées les plus exposés aux risques de violence ; - responsabiliser les élèves et leurs familles dès la rentrée 2025, par une clarification de l'échelle des sanctions disciplinaires avec une meilleure gradation des sanctions, pour qu'elles soient plus transparentes et plus lisibles pour les élèves, leur famille et les personnels. Ce plan vient renforcer les mesures déjà en place dans la lutte contre les violences en milieu scolaire. Plusieurs leviers sont d'ores et déjà mobilisés pour prévenir les violences et faire acquérir aux élèves le sens de l'intérêt général, de la responsabilité individuelle et collective, la compréhension de ce que produisent les violences sur les victimes, et la nécessité de prendre en charge leurs auteurs. Cette politique éducative de prévention des violences prend notamment appui sur : - le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l'école (septembre 2023), qui demande aux établissements scolaires de se doter d'un plan de prévention du harcèlement et du cyberharcèlement. Il prend notamment appui sur le dispositif Phare obligatoire pour les écoles, collèges et lycées publics ; - le développement des compétences psycho-sociales chez les élèves, qui contribue au développement d'attitudes positives, à l'amélioration de la réussite scolaire et du climat de classe ainsi qu'à l'épanouissement des élèves. Une expérimentation de séances d'empathie a été conduite dans un millier d'écoles en 2023-2024. Ces cours d'empathie sont généralisés dans les écoles maternelles et élémentaires depuis la rentrée 2024. Un kit est mis à la disposition des professeurs pour les accompagner ; - l'éducation à la citoyenneté, qui est un levier essentiel pour éduquer contre les violences, transmettre le sens des règles qui régissent la vie en société et faire comprendre comment les institutions les garantissent. Le parcours citoyen de l'élève est inscrit dans le projet global de formation de l'élève. Il s'adresse à des citoyens en devenir qui prennent progressivement conscience de leurs droits, de leurs devoirs et de leurs responsabilités. À ce titre, les programmes d'enseignement moral et civique ont été revus sur l'ensemble de la scolarité et entrent progressivement en vigueur à compter de septembre 2024 ; - l'éducation à l'égalité et à la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, qui constitue également un axe important de cette politique de prévention des violences et de toutes formes de rejet. Pour accompagner les écoles et les établissements dans la mise en œuvre d'actions de prévention et la formation des personnels, un outil de mesure locale de mesure du climat scolaire et des violences a été créé. Ainsi, l'enquête locale de climat scolaire (ELCS) permet d'interroger collectivement et localement le climat scolaire et contribue à définir les axes d'action et de formation. Ce diagnostic contribue à mobiliser l'ensemble de la communauté éducative, à conduire une stratégie collective, à déterminer les actions spécifiques à mettre en œuvre, notamment dans le domaine de la formation des personnels. Les résultats locaux peuvent être rapprochés des résultats nationaux, issus de l'enquête Sivis (Système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire) et de l'enquête nationale de climat scolaire et de victimation de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP).

Données clés

Auteur : M. Idir Boumertit

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 28 janvier 2025

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